Le tribunal de Guéret manque de bras : entre les départs à la retraite non remplacés et les arrêts maladie, il lui manque au moins trois magistrats et six greffiers pour fonctionner normalement. Les personnels restants doivent absorber une charge de travail supplémentaire conséquente, ce qui inquiète le président du tribunal.
Chaque jour est un défi pour les magistrats de Guéret. Organiser les audiences, préparer les délibérés, programmer ces derniers... Il y a du travail pour dix, mais ils ne sont plus que cinq en poste. Pourtant - et c’est le paradoxe - les délais de prise en charge ont à peine augmenté et les plannings sont respectés. Mais à quel prix ?
"Comment est-ce qu'on y arrive ? Tout simplement par la mobilisation des magistrats et des greffiers. Mais cette mobilisation coûte beaucoup d'énergie et nous amène à un état, avec des signaux de fatigue, que je considère préoccupants chez certains d'entre nous, confie le président du tribunal de Guéret, Michaël Humbert. Ma préoccupation, c'est aussi la rentrée 2024. On ne va pas pouvoir tenir sur le même rythme."
"On a l'impression de courir après le temps"
Pour tenir ce rythme, les heures supplémentaires sont sacrifiées, ainsi que les congés. La situation est d’autant plus inquiétante qu’il manque aussi six greffiers. C’est donc toute la chaîne judiciaire qui est en tension. "C'est difficile humainement et physiquement. C'est aussi frustrant, car on a l'impression de courir après le temps. On a plus de travail le soir que le matin lorsqu'on arrive, alors qu'on a l'impression de donner beaucoup," résume Romain Duval, le directeur du service de greffes judiciaires.
On ne peut pas répondre aux demandes de tous les agents, on est obligés de faire les choses de manière précipitée sans y mettre la qualité qu'on voudrait.
Romain Duvaldirecteur du service de greffes judiciaires
Le président du tribunal abonde en son sens. "Ce qui me préoccupe dans ces signaux de fatigue, c'est que la fatigue mène au découragement. Et on ne peut pas exercer ces métiers lorsqu'on est découragé. Les justiciables ne le méritent pas," estime Michaël Humbert.
Car il va falloir tenir cette cadence encore plusieurs mois. Un plan de recrutement est d’ores et déjà promis par le ministère de la Justice, avec cinq magistrats supplémentaires pour Guéret… Mais ce ne sera pas avant la rentrée 2027.
Le reportage de Marielle Camp et André Abalo