La vie n'a pas été simple, mais il ne se plaint pas. Rencontre avec Michel Jouannet à Crozant, dans la Creuse. Cet éleveur retraité a fini par vendre son exploitation après des années de dur labeur. (Première publication le 3 février 2024)
Le monde de l'agriculture, Michel Jouannet, soixante-six ans, ne le connaît que trop bien. Il en est un jeune retraité. Il habite à Crozant (Creuse) et s'est fait connaître pour la qualité de son bétail.
Cheveux grisonnants, petite moustache et lunettes rectangulaires posées sur le nez, il prend place dans le décor en bois de sa cuisine. L'agriculture coule dans ses veines. "On est issu d'une famille d'agriculteurs depuis mon arrière-grand-père, mon grand-père, mon père. Mes parents étaient métayers sur l'exploitation", détaille-t-il.
Michel Jouannet, encore adolescent au lycée, découvre les conséquences du mal-être qui habite la profession. "Le propriétaire de la ferme, dans laquelle mes parents travaillaient, s'est suicidé. C'est une chose à laquelle nous ne nous attendions pas du tout. Ce qui veut dire que la ferme allait être mise en vente."
"Les gens nous faisaient confiance"
La famille fait face à un dilemme : partir ou acheter la ferme. Michel Jouannet prend la décision : "J'ai dit à mon père 'tu sais quoi ? Il faut qu'on achète.' On n'avait pas d'argent. On n'avait rien du tout. Donc, il a fallu aller au Crédit Agricole."
Les temps étaient durs, mais les relations étaient différentes, selon le jeune retraité :"On était sur le fil rouge tout le temps. Mais les gens nous faisaient confiance. Je me souviens avoir acheté une remorque, un jour, au mois de septembre. J'ai dit au gars : j'aurais l'argent qu'au mois de décembre. Il a accepté. C'était du travail de confiance, ce que nous n'avons plus maintenant."
La vie sourit à l'agriculteur en 1991, en apportant un miracle inespéré sur l'exploitation."On a une génisse qui est née, d'une vache de chez nous et d'un taureau d'insémination. Elle était première à tous les concours. Je peux vous dire que ça, ça fait respirer." L'apothéose arrive trois ans plus tard lorsque sa génisse arrive première de sa catégorie au Salon de l'agriculture.
Tout ce travail acharné n'aurait pas été possible sans sa femme, à qui l'agriculteur souhaite rendre hommage quand nous le rappelons en ce mois d'avril : "C'est elle qui élevait les enfants et qui faisait le travail à la ferme quand j'étais parti : un travail énorme avec 220 bêtes à gérer".
Et puis, l'éleveur se souvient aussi du travail accompli avec les stagiaires qu'il a formés au cours de sa carrière "plus de cent ! Je leur ai appris des choses, mais ils m'ont appris des choses aussi !"
La perte d'un enfant
Le drame retoque à sa porte en 2009. "Nous avons perdu notre fils. Vous savez ça, c'est le ciel qui vous tombe sur la tête, confie-t-il, le regard perdu dans le vide. Quand on était au CHU, on a compris que tout était fini. On est revenu, on a pleuré pendant quatre, cinq jours. Moi, j'ai pensé à me supprimer. Mais, il y avait encore mes parents..."
Comme un sentiment de déjà-vu, Michel Jouannet prend sa retraite en 2016 et préfère vendre son exploitation."Plutôt que de faire des bêtises, j'ai compris qu'il fallait faire autrement. On a compris qu'on ne pouvait plus travailler comme on faisait avant. Il y avait moins de rentrées d'argent. J'ai vu qu'on allait être malheureux. J'ai horreur d'être malheureux. On a vendu les animaux, on a vendu le matériel au jeune qui a repris, plus des annonces. On a très bien vendu. Après, il fallait profiter de la retraite, et c'est ce que nous faisons."