Témoignage. "Une double peine éternelle." Cet homme est bloqué en Creuse depuis 25 ans, assigné à résidence

Publié le Écrit par Céline Serrano et Alexandra Filliot
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Garbis Dilge, ressortissant turc d'origine arménienne, est contraint de rester en Creuse depuis 25 ans. Son dossier administratif et juridique est extrêmement complexe. Nous avions rédigé cet article le 10 avril 2024 et nous avons voulu savoir si la situation avait évolué.

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Plus de 9000 jours de privation de liberté imposés par l'administration française. Après des condamnations pour lesquelles il a déjà payé sa dette en prison, Garbis Dilge, 67 ans, turc d'origine arménienne, est interdit de territoire français.

Mais, protégé par son statut de réfugié politique, il ne peut être expulsé vers son pays d'origine. Il vit donc assigné à résidence en Creuse depuis vingt-cinq ans.

Une situation kafkaïenne 

Enfermé dans un rayon de 35 kilomètres autour de la ville d'Auzances, il lutte depuis des années pour faire réviser son statut.

J’écris partout, du plus petit service de l'État jusqu'au premier ministre, et tout le monde s'en fout

Garbis Dilge, assigné à résidence depuis 25 ans

Entre lecture, télévision et sortie au café du coin, ses journées se ressemblent depuis vingt-cinq ans.

Pour se rendre à l’hôpital, ou dans certains commerces à Guéret, Garbis Dilge doit demander une autorisation à la préfecture pour sortir du périmètre qui lui est assigné.

Une sensation d’enfermement insoutenable : "Je suis ici plus qu'en prison. Au mitard de Fresnes, j'étais mieux qu'ici", affirme-t-il.

"Une double peine éternelle", dénoncée par l'ancienne députée LFI de la Creuse

Une situation incompréhensible pour Catherine Couturier, ex-députée LFI de la Creuse, qui en appelait, en avril dernier, à la compréhension de la préfecture. "À 67 ans, avec son état de santé qui se dégrade, Monsieur Garbis Dilge a le droit de voir sa situation administrative clarifiée. En tant que députée de la Creuse, j’ai pleinement confiance dans les services de l’État et en Madame la préfète, pour régulariser la situation et simplifier la vie de Monsieur Dilge", indiquait alors la députée dans son courrier adressé à la préfecture de la Creuse, le 8 avril. Elle précisait, dans ce courrier, que l'homme a été condamné pour "des faits de petit banditisme et de trafic de stupéfiants."

De son côté, la préfecture de la Creuse ne peut révoquer l'interdiction de territoire, mais peut statuer sur l'assignation à résidence et ses contraintes. "Nous sommes en lien avec l'intéressé puisqu'il nous saisit directement, mais c'est la préfecture de l'Eure qui a émis la décision d'éloignement à l'origine."

Les services de l'État ont apporté des précisions le 17 juillet dernier : "M. DILGE est arrivé en résidence en Creuse à la suite de différentes décisions judiciaires et ce sont elles qui ont entraîné les différentes décisions administratives qui ont été prises, dont une par la préfecture de l'Eure et dont la préfecture de la Creuse assure le suivi et le respect de son contenu par M. DILGE. Il n'appartient donc pas à la préfecture de la Creuse de lever unilatéralement les différentes décisions, puisqu'elle ne le peut pas d'un point réglementaire. C'est la raison pour laquelle les services de la préfecture de la Creuse ont régulièrement informé M. DILGE des démarches à effectuer et en premier lieu auprès des juridictions judiciaires compétentes afin que les juridictions administratives puissent faire évoluer leurs arrêtés respectifs en conséquence."

Son dossier pris en charge par un cabinet d'avocat

Le cabinet Bourdon & Associés a accepté de défendre gratuitement le dossier de Garbis Dilge, afin d'obtenir la révision de ce statut.  Moi, clairement, je pense que la situation pourrait évoluer parce que les faits sont très anciens. Il ne présente absolument pas une menace pour l'ordre public, en plus il est relativement âgé”, nous a expliqué Vincent Brengarth, avocat au sein du cabinet Bourdon & Associés.

En cas d’échec auprès de la justice française, Garbis Dilge et ses avocats n'excluaient pas de recourir à la Cour européenne des droits de l’homme. 

Ce 19 août, le cabinet d'avocat a répondu à la rédaction web de France 3 Limousin : "Nous avons saisi tant les juridictions administratives, concernant l’arrêté d’expulsion, que les juridictions judiciaires, concernant l’interdiction définitive du territoire de M. DILGE, préalables indispensables pour que son assignation à résidence prenne fin. Nous rappelons que M. DILGE est assigné à résidence suivant des condamnations ne touchant nullement les intérêts les plus fondamentaux de la Nation, mais uniquement des faits de droit commun. En dépit de ces faits anciens et d’une gravité toute relative, cela fait plus de vingt-cinq ans que M. DILGE est assigné à résidence, et ce, alors que, réfugié politique encore à ce jour, il ne peut être expulsé du territoire.

En cette fin d'été, la situation n'a pas évolué : "Malheureusement, M. DILGE doit encore attendre l’audiencement de ses requêtes. Évidemment, nous espérons que les juridictions administratives et judiciaires prendront la mesure du caractère exceptionnel de cette situation inédite confinant à l’absurde pour réagir rapidement. Les préjudices subis par M. DILGE sont aujourd’hui inquantifiables tant ils sont nombreux.", conclut le cabinet.

 

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