Crise en Afghanistan : les associations de Poitou-Charentes pointent un manque d’humanité

Peu après le début de l’évacuation de Kaboul, la déclaration d’Emmanuel Macron a montré des réticences françaises pour accueillir les réfugiés afghans. Depuis, un débat sur l’immigration agace les associations d’aide aux demandeurs d’asile de Poitou-Charentes qui appellent à une prise de conscience.

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Alors que la crise continue en Afghanistan suite à la prise de pouvoir des talibans, de nombreuses populations restent sur place, exposées au danger. Depuis lundi 16 août, la prise de parole du président de la République, Emmanuel Macron, alimente le débat. Le chef de l’État a appelé à "anticiper et protéger contre les flux migratoires irréguliers importants." Une déclaration largement dénoncée par une partie de la classe politique. En Poitou-Charentes, des associations dénoncent un climat nauséabond.

La classe politique se déchire sur la question

"Solidarité Afghanistan", pouvait-on lire sur les pancartes des militants présents à l’ouverture des journées d’été des écologistes. "Il n'y a pas de "en même temps" sur l'humanisme. (…) Il faudra être au rendez-vous de l'accueil des réfugiés", a, dans le même temps, exprimé Julien Bayou, le secrétaire national d’Europe-Écologie – Les verts. Quelques jours avant des maires socialistes et écologistes s’étaient dit prêts à recevoir des réfugiés afghans dans leurs villes. Mais la question divise au sein de la classe politique française. Le 20 août, le Rassemblement national a lancé une pétition afin de dire "non à l’accueil massif de réfugiés afghans", sur son site internet.

Ce débat ne surprend pas vraiment les associations d’aide aux migrants. Pour elles, il est plutôt révélateur du contexte ambiant en France. "Dans le pays, on est tellement frileux à aider les gens venant de l’étranger", soupire Sylvie Salomon, de l’Association d’aide et de défense des mineurs isolés étrangers (Aadmie) à Angoulême. 

Il faut arrêter de dire "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde", ce sont les pays pauvres qui accueillent le plus de réfugiés !

Sylvie Salomon, représentante de l'Association d’aide et de défense des mineurs isolés étrangers (Aadmie) à Angoulême

Membre de l’association Baobab d’Angoulême, Luc Marteau dénonce les propos du chef de l’État qu’il accuse d’utiliser à des fins électorales. Une manière, selon lui, de challenger la droite et l’extrême droite sur le terrain de l’immigration. "Il met la question migratoire au centre du sujet afghan. C’est surtout une question de droit d’asile qui ne dépend pas du bon vouloir d’Emmanuel Macron, mais plutôt du droit international", soulève Luc Marteau qui aide au quotidien les demandeurs d'asile.

En effet, ce droit d'asile est un droit fondamental reconnu par la Déclaration universelle des Droits de l'homme, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la Convention de Genève. Il intervient quand une personne est "personnellement et physiquement menacée en raison de ses idées politiques".

Tout comme Luc Marteau de l’association Baobab, Sylvie Salomon estime que venir en aide aux réfugiés afghans est plutôt de l’ordre du devoir. "Si certains sont contraints de quitter leur pays, c’est aussi lié à des effets post-colonisateurs et post-guerre dans lesquels la France à une part de responsabilité", pointe-t-elle. Luc Marteau abonde en ce sens : "Aux dernières nouvelles, la France était investie en Afghanistan, apparemment pour les protéger ou défendre certaines valeurs. Nous avons échoué, il faut assumer.

Ils dénoncent la guerre des chiffres sur le nombre de réfugiés accueillis en France, bien souvent instrumentalisés à des fins politiciennes au sein du pays. "Il faut arrêter de dire "on ne peut pas accueillir toute la misère du monde", s’agace Sylvie Salomon. Ce sont les pays pauvres qui accueillent le plus de réfugiés ! Nous sommes un pays riche et nous en avons les moyens, plus que beaucoup de pays qui acceptent beaucoup plus de monde." Selon elle, la France a un devoir de solidarité à honorer.

Des informations erronées sur la question

Comme l'Aadmie, l’association Min’de Rien soutient également les jeunes étrangers isolés de la Vienne. Sa co-présidente, Chantal Bernard considère que l’on pourrait recevoir et aider beaucoup plus de monde en difficulté. Selon elle, c’est davantage une question de volonté. "On ne devrait pas avoir peur comme cela, sous prétexte que les étrangers viendraient "voler" le travail des Français. Beaucoup d’études montrent le contraire", soulève-t-elle. La co-présidente de Min’de Rien cite en exemple une étude du Centre national de recherche scientifique (Cnrs), datée de 2018 et intitulée "De l’effet bénéfique des migrations sur l’économie". Celle-ci démontre que sur les 30 dernières années, les flux migratoires ont eu des effets largement positifs sur l’économie en Europe et que l’accueil de réfugiés ne "pèseraient pas sur les finances publiques des pays qui les accueillent". 

Peu de temps après la déclaration d’Emmanuel Macron, les soutiens du Président sont montés au créneau pour le défendre. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a ainsi assuré que "la France accueillera, comme chaque année, plusieurs milliers d'Afghans". De son côté, sur Europe 1, le député et délégué général de La République en Marche, Stanislas Guerini avance : "Chaque année, 10 000 Afghans demandent l'asile dans notre pays. Plus de 9 sur 10 obtiennent l'asile et un statut de réfugié. C'est l'honneur de notre pays que de faire cela." Des propos vérifiés par France Info qui explique que si 10 000 demandes d’asile ont bien été faites en France par des Afghans en 2020, seule une minorité a pu obtenir le statut de réfugié — contrairement aux 90 % avancés par le député.

Je ne suis même pas sûr qu’on aura à aider des Afghans qui arriveront par leurs propres moyens. Il faut se rendre compte que c’est presque impossible de sortir du pays en ce moment et qu’ensuite il faut venir en France, ce qui est long et fatigant ! Très peu survivent.

Luc Marteau, membre de l'association Baobab à Angoulême

"Il y a peu de temps, les gens étaient renvoyés en Afghanistan s’ils ne pouvaient pas prouver qu’ils étaient personnellement en danger", rappelle Luc Marteau de l’association Baobab. Et pour cause : le 20 novembre 2020, la Cour nationale du droit d’asile (Cnda) a décidé de revenir sur la "jurisprudence Kaboul". Celle-ci considérait depuis 2009 que le conflit armé et la "violence aveugle" générée, nécessitaient une "protection subsidiaire", à défaut d’un statut de réfugié. Or, en novembre dernier, la Cnda fait volte-face. "La seule invocation de la nationalité afghane d'un demandeur d'asile ne peut suffire à établir le bien-fondé de sa demande de protection internationale", lit-on dans la décision rendue.

Pas de "flux migratoire irrégulier important"

En attendant, les associations de Poitou-Charentes, n’ont — depuis la prise de pouvoir des talibans — pas du tout affaire à des demandeurs d’asile afghans. "Les gens venant d’Afghanistan arrivent par des circuits officiels organisés par l’État", raconte Chantal Bertrand. Loin de l'exfiltration organisée par la France, la mission des associations est de prendre en charge des gens qui arrivent par leurs propres moyens et qui ont besoin d’aide après un rejet de demande. "Je ne me fais pas trop de soucis pour les Afghans qui ont été exfiltrés de Kaboul par la France, même si il faut toujours être prudent, nuance Luc Marteau de l’association Baobab d’Angoulême. De notre côté, je ne suis même pas sûr qu’on aura à aider des Afghans. Il faut quand même se rendre compte que c’est presque impossible de sortir du pays en ce moment, et qu’ensuite il faut venir en France par ses propres moyens, ce qui est long et fatigant ! Très peu survivent."

L’association Solidarité Migrants La Rochelle a bien reçu un appel depuis la prise de Kaboul. Un jeune Afghan réfugié en France depuis quelques années voulait se renseigner sur la possibilité de faire venir des gens de sa famille. Rien d’autre.

Mais l’association se surpasse déjà pour aider les demandeurs d’asile du monde entier. "Nous n’avons aucun moyen. On voit des familles mises à la rue avec cinq ou six enfants", alerte Odile investie dans l’association rochelaise. Elle regrette le manque d’humanité et l'accueil déplorable des demandeurs d’asile par la France. "On ferme les yeux mais qu’ils soient Afghans ou non, on laisse les gens dans la misère", s’indigne-t-elle. À son image, les associations d’aides aux migrants et aux demandeurs d’asile espèrent une prise de conscience, au plus vite.

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