Depuis quelques mois, les agences spécialisées dans l'aide à domicile et la garde d'enfants peinent à trouver des candidats. En pleine crise sanitaire, le travail chez des particuliers fait-il peur ?
On aurait pu penser qu'avec la crise sanitaire, les particuliers seraient davantage frileux pour faire intervenir des employés à leur domicile. Or c'est l'inverse qui semble se produire.
Certes, selon un récent sondage Ipsos, 70% des particuliers ont cessé de faire travailler leurs salariés à domicile pendant le confinement. Mais depuis, le travail a repris pour 94% d'entre eux.
En revanche, en cette rentrée, il semble particulièrement difficile de recruter dans le secteur de l'emploi à domicile, qu'il s'agisse d'auxiliaires de vie, d'aides à domicile ou de babysitters.
"Je n'ai jamais vu ça", déclare Eric Postulka, directeur de l'ADHAP Limoges (aide à domicile, hygiène et assistance aux personnes) qui emploie 70 salariés. "Cette année, j'ai dû entreprendre des démarches de recrutement que je n'avais jamais faîtes, comme des pubs à la radio !"
Un constat partagé par Bruno Limousin, PDG de "Limousin Aide à domicile" qui intervient sur la Haute-Vienne et une partie de la Charente : "C'est très compliqué, particulièrement dans les secteurs ruraux. Demain (ndlr : mardi 22 septembre), notre agence de Rochechouart organise une sorte de journée portes ouvertes pour tenter de recruter du personnel".
Une pénurie accrue
Le secteur de l'aide à domicile a toujours connu des difficultés de recrutement, notamment pour les auxiliaires de vie qui interviennent auprès des personnes âgées ou handicapées. Un métier difficile physiquement et moralement, mal rémunéré, et qui souffre d'un réel manque de reconnaissance alors même qu'il est appelé à se développer.
Mais avec la crise sanitaire, le problème s'est amplifié. Aux contraintes du métier s'est ajoutée l'appréhension de travailler au domicile d'un particulier, avec la pression de respecter - et faire respecter - les gestes barrières, et la peur de la contamination face à des personnes souvent fragilisées.
"On arrive quasiment à maintenir toutes les prestations, ce qui - dans le contexte actuel - relève de l'exploit ! C'est au prix d'une gestion de l'effectif difficile...", affirme Eric Postulka de l'ADHAP.
Une prime Covid qui tarde
Car aux difficultés de recrutement de nouveaux candidats s'ajoutent les arrêts maladie, plus nombreux, qu'il faut remplacer. Or les agences spécialisées ne disposent plus d'aucun vivier de personnes disponibles.
"Les auxiliaires de vie ont beaucoup donné de leur personne pendant le confinement. Certaines sont épuisées. On parle beaucoup des infirmières, mais peu d'elles...", constate amèrement Bruno Limousin de "Limousin Aide à domicile".
Emmanuel Macron a annoncé début août une prime Covid pour les auxiliaires de vie à domicile, pouvant aller jusqu'à 1500€. Mais les modalités d'attribution et de financement restent encore floues.
Pénurie de babysitters
Dans le secteur de la garde d'enfants aussi, les difficultés de recrutement sont palpables.
"Depuis le 15 août, je reçois très peu de candidatures", explique Nelly Bauri, directrice de l'agence Family Shere à Limoges, qui répond aux besoins de 160 familles sur toute la Haute-Vienne. "Habituellement, en septembre, au retour d'un week-end, je trouve 15 candidatures sur mon bureau. Ce lundi, j'en ai 3... Et c'est comme ça dans la plupart de nos agences partout en France, même dans les grandes villes."
L'agence a fait passer des annonces un peu partout, sur les réseaux sociaux, au CRIJ, à la mission locale, à Pôle Emploi... Sans réel succès.
"Nous faisons tout pour rassurer nos candidats, en leur mettant à disposition du gel hydroalcoolique, des masques, des produits pour désinfecter la voiture... Pour ceux que nous voyons en entretien, je n'ai pas l'impression que ce soit un réel frein. Mais peut-être que certains ne franchissent même pas les portes de l'agence pour passer un entretien..."
Davantage de besoins
Une pénurie de candidats d'autant plus problématique que la demande, elle, accroit, avec la multiplication de cas Covid chez les enfants et la fermeture de certaines classes.
Certaines familles préfèrent également, cette année, se tourner vers des prestataires extérieurs, plutôt que de faire appel aux grands-parents, plus vulnérables.
Au CRIJ (centre régional information jeunesse) de Limoges, pourtant, on ne remarque pas que les étudiants sont moins nombreux cette année à chercher un petit boulot. Bien au contraire. Le service "Job pour les jeunes" relaie de nombreuses annonces pour des gardes d'enfants.
"Les étudiants mettent peut-être plus de temps à se positionner cette année, car la rentrée était un peu floue. Ils ne savaient pas s'ils auraient des cours à distance. Les emplois du temps ont été connus plus tard.", avance Yannick Pecher, informateur jeunesse.
Si l'offre et la demande existent, il serait temps de les faire se rencontrer...