Prime aux auxiliaires de vie : le gouvernement passe le relais aux départements

En avril, le gouvernement a annoncé vouloir verser une prime aux personnels qui remplissent une mission décisive au sein des Ehpad et des services à domicile. Deux mois plus tard, la mise en place de ces primes est devenue la responsabilité des départements.

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Selon le décret nº2020-711 du 13 juin, les départements du Poitou-Charentes ne font pas partie des quarante départements concernés par la prime de 1.500 euros (contre mille euros dans les autres territoires), et les aides-soignants et auxiliaires de vie ont peur de se retrouver le bec dans l’eau.

Cette "prime exceptionnelle", défiscalisée et exemptée de cotisations sociales, sera versée aux personnes ayant "exercé leurs fonctions de manière effective" dans les établissements publics de santé "entre le 1er mars et le 30 avril 2020", précise le décret. Les auxiliaires de vie - au nombre de 300.000 en France - pourtant en première ligne pendant la crise sanitaire, en sont écartées. Elles demandent que leur travail soit reconnu.

Le gouvernement avait toutefois ajouté : "La prime pour les Ehpad sera également versée dans les services d’aide et d’accompagnement à domicile, dont l’engagement durant la crise est à souligner. Les échanges se poursuivent avec les départements, dans le respect des compétences de chacun, pour en assurer le financement."

En définitive, ce sont les départements qui se retrouvent engagés par cette promesse.

En effet, si les Ehpad ou les hôpitaux dépendent du financement de l’assurance maladie, il en est tout autrement pour les services d’aides à la personne, financés essentiellement par les départements. 

Le renvoi du financement dans les départements, ce n’est pas cohérent. Il s’agit d’une annonce de l’État et non des départements. Pour nous, c’était une reconnaissance symbolique du métier qui avait là la possibilité d’être reconnu.

Julien Jourdan, directeur général de la Fedesap

Une profession peu reconnue

Un sentiment d’injustice qui ne date pas d’hier, mais qui s’est accentué avec la crise du coronavirus. Les fédérations unies comme la Fedesap (Fédération française des services d'aides à la personne et de proximité), l’ADAPA (association d'aide aux personnes âgées), l’UNA (union nationale de l'aide, des soins et des services à domicile) ou l’ADMR (aide à domicile en milieu rural) demandent depuis un moment la reconnaissance de leur métier comme un vrai métier du secteur sanitaire, avec une revalorisation des salaires à 1.500 euros par mois. A l’heure actuelle, les salaires sont proches du SMIC pour des amplitudes horaires importantes.

Absents du Ségur de la Santé lancé le 25 mai dernier, non inclus dans les bénéficiaires de la prime Covid-19 promises aux soignants, ces professionnels se sentent délaissés par les pouvoirs publics. "On ne demandait pas de prime à la base, juste plus de moyens, comme le personnel soignant. On était en première ligne pendant le Covid, on a été oublié dès le début de la crise. On fait le même travail que dans les Ehpad, mais on est pas traité de la même manière !" s’exclame Julien Jourdan, directeur général de la Fedesap.

Surtout lorsqu’on sait que, d’ici quelques années, la population âgée aura doublé et que les auxiliaires de vie seront de plus en plus demandés.

D’ici 2035, avec le vieillissement de la population, comment voulez-vous qu’on fasse avec 1.500 euros ? Il ne s'agit que d'une mesure ponctuelle. 

Julien Jourdan

Une incompréhension donc face aux annonces du gouvernement. De plus, sans leur travail, bon nombre de leurs bénéficiaires seraient venus engorger les hôpitaux, affirme-t-il. "On a remplacé des salariés en Ehpad, on n'a pas eu de masque dès le début, très peu d’arrêt maladie, on a assuré. La prime, si elle est pour les premières lignes, ne peut pas être à géométrie variable".

Et une inquiétude grandissante, renforcée au vu de la rentrée prochaine et des recrutements de nouveaux auxiliaires de vie. Julien Jourdan l’affirme, la population salariale d’auxiliaire de vie doit se renouveler et évoluer. Mais plus facile à dire qu’à faire, dans ce contexte incertain.

Qu’est-ce-qu’on va dire pour attirer les auxiliaires de vie ? Ils savent qu’on n'a pas de prime, on va leur expliquer qu’il est plus normal de travailler en Ehpad alors que 90 % de la population française souhaite de l’aide à domicile ? Ce n’est pas cohérent !

Julien Jourdan, directeur général de la Fedesap

Fin avril, une pétition a été lancée: "Nous auxiliaires". Les aides à domicile font des propositions pour revaloriser leur métier, comme être inscrit dans les répertoires nationaux des professions de santé, être mieux rémunéré ou encore obtenir la reconnaissance de leur métier. Elles espèrent qu’elles seront rapidement entendues.

Des solutions à trouver sur les territoires

Dans la Vienne, le Conseil départemental affirme qu'une aide est prévue dans le plan de soutien et de relance qui sera voté le 3 juillet. Un plan visant à relancer l’économie en injectant dans la consommation.

Un chèque "merci" d’un montant de 150-200 euros sera proposé pour les professionnels qui sont intervenus à domicile.

Bruno Belin, président du Conseil départemental de la Vienne

Il ajoute : "On doit soutenir les associations qui interviennent à domicile. On a besoin de ces emplois-là, de proximité, non délocalisables, essentiels aux territoires. Ils permettent le maintien dans les territoires ruraux de certaines populations".

Le département de la Charente, lui, a créé un plan de soutien Charente Renaissance. Ce programme de soutien de 5 millions d’euros se décline auprès des structures de l’enfance et de la famille, de l’autonomie des personnes âgées et/ou en situation de handicap ainsi qu’auprès d'associations partenaires, qu’elles appartiennent aux domaines de l’insertion, de l’agriculture, de l’environnement, du sport ou encore de la culture et du tourisme.

Dans ce plan, une enveloppe de 690.000 euros serait allouée aux personnes qui ont été au contact de personnes à risques, aux auxiliaires de vie.

François Bonneau, président du Conseil départemental de la Charente

Cette enveloppe sera votée début juillet. Pour l’instant, le Conseil départemental définit encore les critères d’attribution.

"On établira sûrement un versement forfaitaire mais on verra en fonction des différents éléments qui nous seront communiqués et de la position des départements avant d’agir", avance François Bonneau.

Chantal Guimberteau, vice-présidente du département de la Charente-Maritime, affirme que le département a prévu de mettre en place des primes pour les auxiliaires de vie dans les Ehpad et les centres médicaux sociaux. "Actuellement, la Commission est toujours en cours de discussion et la décision sera soumise à l'approbation des élus le 10 juillet", explique-t-elle. 

Pour le moment donc, rien n’est encore définitif concernant les primes pour les auxiliaires de vie. Les fédérations comptent maintenir la pression sur l’État, tant que ce dernier n’aura pas officiellement répondu."Si l’Etat se désengage de sa parole, nous accompagnerons les 101 départements dans la mise en œuvre d’une prime dont on espère qu’elle sera au même niveau même si on sait qu’ils n’auront pas forcément les moyens de le faire", prévient Julien Jourdan, le directeur général de la fédération française des services d'aides à la personne et de proximité.

 

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