« Tenue correcte exigée » au lycée, des élèves se rebellent dans les Landes et la France entière

Deux établissements de Dax ont décidé d'afficher des photos de tenues interdites. Jupes bien au-dessus du genou, et nombrils apparents ont ainsi été placardés. Certaines lycéennes sont montées au créneau en créant un groupe sur Instagram. Un vent de révolte qui a fini par gagner la France entière.

Dans toute la France, des jeunes filles sont venues au lycée aujourd’hui habillées en jupe. Il faisait chaud, penserez-vous. Mais cela n’est pas la raison de ce choix vestimentaire. Elles ont décidé de se rebeller contre des directives mises en place dans différents lycées interdisant certaines tenues.

Elle lance #borda_revolte

La semaine dernière à Dax dans les Landes, des affichettes font leur apparition au lycée de Borda et au lycée Haroun Tazieff. Placardées, deux photos : l'une d'une jeune femme portant un haut découvrant son nombril, l'autre d'une jupe assez courte. Toutes deux sont barrées d’une croix rouge.
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Voilà l'affiche qu'à mis Borda. Disant aux femmes de se couvrir, de ne pas porter des vêtements trop courts. Ils nous diront sûrement que ça déconcentre les garçons, que c'est explicite. Alors que les hommes peuvent s'habiller comme ils veulent. Ils nous sexualisent alors que nous nous habillons seulement par la chaleur, nous devrions porter un pull pour leur faire plaisir ? Devrions nous porter 3 couches de vêtements pour que cela ne dérange pas leur yeux si fragiles ? Il est inadmissible de partager ses idées, ils placardent partout des affiches sur le harcèlement et le consentement mais nous restreint notre liberté vestimentaire, renforçant le sexisme commun. Ces cpe qui ont placardés ceci sont des femmes, elles préfèrent nous pointer du doigt pour des actes banals plutôt que nous aider, nous soutenir. Ils préfèrent nous rappeler qu'une femme est un objet plutôt que de s'occuper des réels problèmes de cet établissement, et ils sont nombreux.

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Un message peu apprécié par les lycéennes qui y voient des directives essentiellement adressées aux femmes. L’une d’entre elles décide de créer un groupe sur instagram baptisé #borda_revolte. "Ils nous diront sûrement que ça déconcentre les garçons, que c'est explicite", peut-on lire sur la page Insta.

Alors que les hommes peuvent s'habiller comme ils veulent. Ils nous sexualisent alors que nous nous habillons seulement par la chaleur, nous devrions porter un pull pour leur faire plaisir ?

#borda-revolte

 



Des consignes vestimentaires également dénoncées par les lycéens. Sur Twitter, Evan a publié plusieurs photo de ces affiches. On y voit un jean déchiré, un survêtement, une robe moulante et décolletée. "Bienvenue au lycée de Borda et le lycée Haroun Tazieff à Dax !!", a-t-il posté. "C’est surréaliste en 2020 de voir ça".


Par solidarité avec les jeunes filles de leur lycée, certains ont même posé le nombril à l'air sur la page Instagram de #borda-revolte. Sous la photo on peut lire : "Lançons le #bordanombrilchallenge, habillons-nous toutes et même tous en croc tops, jupes, pour leur prouver qu'on les laissera pas nous restreindre !! Dès lundi, continuons à faire ceci pour leur prouver qu'on ne se laissera pas faire".

Ailleurs en France

En quelques jours, plus de 2000 personnes s' inscrivent à #borda-revolte. Mais le phénomène n'est pas que landais. Ailleurs en France, d'autres élèves dénoncent les mêmes directives dans leur lycée. A Boulogne-sur-Mer par exemple, des élèves ont manifesté vendredi dernier pour dénoncer des "humiliations sexistes" après l'établissement d'un règlement similaire. 

Certains adultes aussi s'étonnent de voir placarder ces affiches. 

La journée de la jupe

Sur les réseaux sociaux, la parole se libère. Le mouvement landais prend de l'ampleur.  "J'ai été très surprise", raconte la jeune fille qui a créé le groupe #borda_revolte et qui tient à garder l'anonymat. "J'aurais cru que ça allait être un tout petit compte et j'ai vu après qu'il y avait plein de nouvements qui se sont lancés pour le lundi 14 et aussi "balance ton bahut", j'ai gagné plus de mille abonnés en deux jours, c'est énorme". Les élèves fourbissent un petit vent de révolte, notamment avec #lundi14septembre.
De nombreuses jeunes filles invitent à se rendre au lycée ce lundi 14 septembre vêtues d’une jupe. Et elles suivent. Ici, comme ailleurs. Et même bien loin de là, dans des sphères plus politiques. Si bien que Marlène Schiappa y va elle aussi de son tweet de soutien. "En tant que mère, je les soutiens avec sororité et admiration", a-t-elle publié sur Twitter.
De tout temps les règlements intérieurs de lycées ont toujours exigé des "tenues correctes" sans qu’une définition précise en soit faite pour tous les établissements de France et de Navarre. Réaction face au réchauffement climatique … ou désir d’en finir avec les jupes (trop) courtes, certains lycées ont jugé bon en cette rentrée de faire état de règles plus précises ou en tous les cas plus explicites, notamment sur la longueur des jupes.
Pour l'UNEF, "il faut mettre fin à la règle de la "tenue correcte exigée"". Dans un tweet, le syndicat étudiant explique que "les élèves doivent pouvoir se vêtir librement. Le ministère de l'Education doit plutôt agir pour des outils contre les violences sexistes et sexuelles".

"Une maladresse que je regrette profondément"

L'une de nos équipes a pu rencontrer le directeur du lycée de Borda de Dax. Et manifestement, il déplore les derniers événements. "La campagne d’affiches par photographie a été une maladresse et la méthode n’était pas appropriée dans cette période de l’année", dit Patrick Rétali.

On aurait pu passer par d’autres méthodes. Et au lycée de Borda d’une façon générale nous passons par d’autres moyens habituellement pour discuter.

Patrick Rétali - directeur du lycée de Borda à Dax -

"C’est l’objet même d’un règlement intérieur", pousuit le directeur, "qui est discuté par tous les acteurs de la communauté, les élèves mais aussi les parents d’élèves, les professeurs, les agents, tous les personnels qui sont membres élus du conseil d’administration et qui décident de ce qui doit être écrit dans le règlement intérieur".

Un nouveau réglement intérieur dans les prochaines semaines

Lors de son entrevue avec notre équipe sur place, le directeur de l'établissement a fait part de son souhait de réécrire le règlement intérieur. "C’est le règlement intérieur qui est véritablement notre loi, et qui permet le vivre ensemble dans notre établissement", a-t-il rappelé.

Et précisément nous avons cette année à réécrire notre règlement intérieur pour l’ajuster aux réalités notamment juridiques mais également contextuelles dans lesquelles nous sommes.

Patrick Rétali

"Notre règlement intérieur doit être dépoussiéré, et doit correspondre à ce qui est aujourd’hui en vigueur", insiste le directeur. "Aujourd’hui notre règlement intérieur parle de tenue correcte et il insiste bien entendu comme il se doit sur le fait que dans un établissement public d’enseignement, il faut être habillé de manière à ne pas susciter des problèmes de sécurité, de santé, il ne faut pas porter de couvre-chef, les règles qui finalement sont tout simplement la loi. Ensuite notre règlement intérieur devra pour les prochains mois prendre des décisions sur le détail de ce qui nous parait devoir être toléré ou non dans l’enceinte d’un établissement public. On peut écrire des choses plus détaillées qu’aujourd’hui et je pense que cela vaut mieux parce que sinon quand on est trop flou ou trop général ça ouvre la porte à d’autres interprétations. Mais je crois que dans cette campagne de photographies, l’intention n’était pas de choquer et n’était pas de provoquer les remous que cela a provoqué, au contraire (…). Il s’agissait d’une simple maladresse mais d’une maladresse que je regrette profondément (…). Lorsqu’on parle de casquette ou de tenues échancrées pour les garçons (…), la tenue ça concerne tout le monde sans attaquer plus un sexe qu’un autre".

Les règles concerneront donc aussi bien les lycéens que les lycéennes. Dès le mois de septembre, un groupe de travail se mettra en place pour rédiger ce nouveau règlement. Il sera, entre autres, composé d'élèves.
 
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