Déconfinement : aurons-nous les moyens de pratiquer des tests massifs de dépistage ?

Alors que le CHU de Bordeaux ouvre aujourd'hui trois drives de dépistage du coronavirus, des biologistes s'inquiétent du manque de matériel pour pratiquer ces tests. Les stocks de réactifs et surtout d'écouvillons pourraient vite être sous tension avec des risques de pénurie.
 

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Le moment n'est pas agréable. Le patient est prévenu. Bien assis, au volant de sa voiture, il suit les consignes. Rabattre son masque pour cacher la bouche, mais dégager le nez. Bien caler la tête sur son siège. Respirer.
Délicatement, l'infirmière enfonce un long coton-tige dans sa narine gauche. Quelques secondes. Le prélèvement est effectué.
Avant de repartir, le patient-automobiliste ne cache pas son étonnement :

Ça va assez vite. Je suis sorti de chez mon médecin à 11 h. Il est 14 h 30 et le test est déjà fini. J'aurai les résultats dans 24 à 48 heures.


C'est son médecin traitant qui a dirigé ce trentenaire vers le tout nouveau drive de dépistage du CHU de Bordeaux.

Dépistage sur avis médical

Un dispositif ouvert au grand public, sur prescription médicale uniquement. L'hôpital devance ainsi de quelques jours la consigne donnée par le gouvernement d'élargir les tests de dépistage à toute personne présentant les symptômes du coronavirus. Après avis médical, les patients concernés sont invités à prendre rendez-vous par téléphone au CHU. Un numéro d'appel drive 05.57.82.00.05 est ouvert 7 jours sur 7 de 8 h 30 à 19 h 30.

À l'abri d'un barnum blanc, deux infirmières procèdent aux prélèvements depuis hier. 60 patients le premier jour sur le parking de l'hôpital Pellegrin. Quelques dizaines aujourd'hui. L'objectif est de procéder à 200 tests par jour sur ce site. 600 dépistages quotidiens sur l'ensemble des 3 drives déployés par le CHU de Bordeaux sur les hôpitaux Pellegrin, Saint-André à Bordeaux et Haut-Lévêque à Pessac.

Et le Docteur Duc Nguyen, infectiologue au CHU de Bordeaux, se dit confiant dans la capacité de l'hôpital public d'atteindre ses objectifs :

Il y a eu des difficultés au tout début de la crise, mais maintenant les services de virologie et les laboratoires sont armés en terme d'écouvillon et de réactifs pour répondre à la demande de dépistage de la population générale.

 

Un équilibre fragile


Dans les laboratoires privés, aussi les biologistes sont sur le pied de guerre. A Bergerac, le Docteur Henry-Pierre Doermann dirige Novabio qui regroupe une vingtaine de laboratoires entre Dordogne et Lot-et-Garonne, pour un bassin de 400 000 habitants. 

Aujourd’hui nous réalisons une moyenne de 50 tests par jour. On a connu quelques difficultés d’approvisionnement en réactifs au début de l’épidémie mais maintenant on a pris la mesure de la pandémie et on est en adéquation entre les stocks et la quantité de tests à effectuer.


Un équilibre qui pourrait être fragilisé avec le déconfinement.

Le médecin biologiste bergeracois estime qu’il devra passer de 50 à 500 tests par jour. Il a aujourd’hui suffisamment de réactifs et 2000 écouvillons en stock. De quoi tenir seulement 4 jours. Il a passé commande et espère une nouvelle livraison en début de semaine prochaine.

On risque rapidement d’être en tension sur les écouvillons. 


Une quantité de tests sous-estimée


D’autant qu’Henry-Pierre Doermann a un doute.  
Membre du bureau national du Syndicat des Biologistes, et président de l’Union Régionale des Professionnels de Santé en Nouvelle-Aquitaine, il a refait les comptes :

Le gouvernement estime que nous devrions avoir après le déconfinement entre 3000 et 4000 nouveaux cas de COVID 19 chaque jour en France.  Pour chaque nouveau cas, il faudra tester en moyenne 25 personnes contacts. On arrive donc aux 100 000 tests quotidiens. 
Mais pour arriver à 4000 cas positifs combien de cas suspects devront nous tester ? Je crains que le nombre de tests nécessaires soit sous-estimé. Et dans ce cas nous aurons un problème d’approvisionnement pour les réactifs et pour les écouvillons.


A ce jour, 51 réactifs (RT  PCR) pour le covid 19 sont référencés en France par la direction Générale de la Santé.  Une liste en perpétuelle évolution comme l’explique Pascale Cousin, Directrice du Syndicat de l’Industrie du Diagnostic in vitro

Nous ne disposons pas d’information, à notre niveau, sur les capacités globales de production de l’ensemble des entreprises présentes sur le marché. Ces informations sont également très rapidement évolutives. Soyez assuré que les entreprises présentes sur le territoires français, distributeurs, importateurs et fabricants sont mobilisés pour répondre à la stratégie nationale de diagnostic.

Une multitude d'intervenants est engagée dans cette bataille. Car, s'il semble simple et rapide, le test cache, en fait,  une chaine de procédures complexes : muni d’un écouvillon, le biologiste assure le prélèvement naso-pharyngé. Ce prélèvement est ensuite transféré dans un liquide de protection et maintenu à une température de 4 degrés pour le transport.
Arrivé au laboratoire, commence la phase d’extraction. L’échantillon est placé dans un automate en présence de réactifs pour isoler l’ARN, le génome du virus.
 

Commence alors une deuxième phase dite RT-PCR (Reverse Transcription – Polymerase Chain Reaction) 
Pour faire simple l’ARN est transformé en ADN, et multiplié pour faciliter l’analyse. 
Chaque phase exige des réactifs différents. 

40 000 tests par semaine


À Pessac dans la banlieue de Bordeaux, ADEMTECH produit certains de ces réactifs. Créée en 2000, cette société est spécialisée dans la fabrication de kit pour prélever des traces d'ADN (génome humain NDLR) .

Habituellement, nous faisons des kits d'extraction pour la police et la gendarmerie, et on a détourné notre activité pour produire des kits pour extraire les ARN viraux (génome du virus NDLR) 

Sandrine Godichaud, directrice générale d'ADEMTECH



L'entreprise girondine équipe aujourd'hui la totalité des laboratoires de police et de gendarmerie scientifiques en France. Des petites billes magnétiques, associées à des réactifs chimiques, permettent de capter et d'isoler l'ADN sur une scène de crime. La technologie est sensiblement la même, pour détecter la présence d'agents infectieux. Un outil précieux en cette période de pandémie.

Actuellement, nous produisons 40 000 tests par semaine, mais on peut monter en puissance.

C'est la Gendarmerie Nationale qui a sollicité ADEMTECH lorsqu'elle a déployé son laboratoire mobile dans l'enceinte de l'hôpital Raymond Poincaré de Garches (92) pour aider à dépister le COVID 19. 

 L'entreprise girondine a alors réorienté sa production, et elle fournit aujourd'hui les hôpitaux, et les laboratoires de biologie médicale et des distributeurs en France et à l'étranger.

Dès le mois de janvier, nous avons constaté les premières tensions dans notre circuit d’approvisionnement. Nous avons donc constitué des stocks de matière première. Au départ, c’était pour être en capacité de continuer à fournir les laboratoires de police et la gendarmerie. 
 



Qu’ils soient conservés dans les locaux de Pessac ou réservés chez les fournisseurs, ces stocks permettent aujourd’hui de répondre à la demande en matière de réactifs pour le dépistage du Coronavirus. L’entreprise estime avoir en réserve l’équivalent de 2 mois de matière première et elle continue à être livrée régulièrement. Elle a aussi sécurisé sa filière d’approvisionnement en diversifiant la provenance des produits chimiques nécessaires : Allemagne, Etats-Unis, Chine…

Le risque de pénurie n’est pourtant pas totalement écarté. Si les produits chimiques sont au rendez-vous, c’est du côté du plastique, nécessaire à la fabrication de certaines fioles, que pourraient apparaître des tensions. 

Un pilier du déconfinement


Jusqu’ici, seuls, étaient testés les patients à risque, les malades graves hospitalisés, les personnels soignants malades, les personnels et les résidents des EHPAD présentant des symptômes. 
Désormais, le dépistage se veut plus massif. Tous les cas symptomatiques doivent être testés, qu’ils soient considérés comme patients à risque ou non. 

Le docteur Henry-Pierre Doermann se montre prudent mais optimiste :

Si l’estimation du gouvernement à 100 000 tests par jour est bonne et en restant vigilants sur les stocks d’écouvillons, on espère que ça va passer. 


Souhaitons-le, car le Premier ministre fait de ces tests, l’un des piliers du plan de déconfinement. 
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