50 ans après leur réintroduction dans la Loire, les castors sont désormais implantés dans les Deux-Sèvres. Leur présence stimule la biodiversité. En France, un Mouvement d'Alliance avec le peuple castor a même vu le jour.
"C'est une bonne nouvelle, car il revient sur ses terres d'origine !", se réjouit Guillaume Koch, responsable de la gestion des milieux aquatiques à l’agglomération du Bocage bressuirais et correspondant du réseau Loutre et Castor 79.
Lui, c'est le castor d'Eurasie. Les premiers indices de sa présence dans la vallée du Thouet, au niveau de communes d’Argenton-l’Eglise et Saint-Martin-de-Sanzay, ont été relevés en 2001. Depuis, petit à petit, les naturalistes retrouvent des arbres taillés dans tout le nord des Deux-Sèvres.
Réintroduit dans la Loire en 1974, ce rongeur de 20 kg a retrouvé sa place : "Il vit en parfaite harmonie avec son milieu naturel, car la végétation qui pousse ici a vécu des millions d'années avec le castor."
Par son travail, il aide ses voisins : "En abattant un arbre, le castor créé un habitat, des caches sous l'eau pour les poissons, des lieux de pontes pour les insectes, détaille Guillaume Koch. Ces espèces d'arbre sont faites pour produire rapidement des rejets. Les coupes des castors renforcent la végétation."
Pour beaucoup de spécialistes de l'environnement, en remodelant les rives et en créant parfois de petites zones humides, le castor restaure le cycle naturel de l'eau.
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Mais la présence des castors a des conséquences sur les activités humaines : "Quand les arbres sont plantés trop près des rivières, on s'expose à quelques dégâts et il y a cette problématique de barrages qui font parfois remonter le niveau de l'eau et inondent un peu les champs" explique Tony Dahais, référent départemental du réseau Loutre et Castor à l’Office français de la biodiversité (OFB). "On explique aux usagers comment se protéger."
Pour cohabiter en harmonie, le mieux étant de laisser un espace de 30 mètres entre la rive d'eau et les plantations de type peupleraie.
Le castor vit en parfaite harmonie avec son milieu naturel, car la végétation qui pousse ici a vécu des millions d'années lui.
Guillaume Kochresponsable de la gestion des milieux aquatiques à l'agglomération du Bocage Bressuirais
Un sauvetage réussi
Alors qu'ils n'étaient que quelques dizaines en France au début du XXe siècle, les castors seraient aujourd'hui 25 000 sur le territoire. L'espèce est protégée et il est interdit de détruire ses barrages et ses terriers.
Le castor d'Eurasie est de retour dans 52 départements grâce à une vingtaine de campagnes de réintroduction menées depuis les années 1960 dans les grands fleuves français.
C'est sans doute la preuve que l'homme et le castor peuvent s'entraider.
"La médecine du castor"
En tout cas, en France, des militants pensent que l'homme ferait bien d'observer davantage ce bâtisseur. Il existe un Mouvement d'alliance avec le peuple castor (MAPCa).
Cette association très sérieuse veut sensibiliser les gens à l'importance d'avoir des rivières vivantes, c'est-à-dire des cours d'eau naturels, non pollués, habités par des espèces sauvages. Elle entend aussi transmettre les moyens d'en prendre soin en s'inspirant des techniques du castor, en construisant des barrages par exemple.
Il y a un monde fascinant qu'on a oublié et qu'on ne comprend pas et qui s'appelle une rivière.
Baptiste Morizotphilosophe, auteur de Rendre l'eau à la terre
"Depuis 8 millions d'années, la technique de coupe des castors génère des branches qui finissent en biseau. Les bâtons en biseau sont utilisés par les castors pour enfoncer les bâtons dans la berge ou dans le matelas alluvial de manière à donner de la robustesse à la structure" explique Baptise Morizot, une des figures de proue de cette nouvelle philosophie du vivant.
Pour l'instant, les militants du Mouvement d'alliance avec le peuple castor sont intervenus sur trois sites en France : sur la Véore dans la Drôme en octobre 2023, sur le bassin-versant du Charlet, dans le Puy-de-Dôme et à Taleyson en Gironde en avril 2024.
Cette nouvelle approche du soin des rivières dégradées, dite "low tech" et "low carbon", s'appuie non plus sur les machines et la technologie, mais sur les forces du monde vivant en présence, notamment les animaux (le castor) et les végétaux pour hydrater le milieu.
Rendre l'eau à la terre
Pour expliquer la démarche de ces militants, le philosophe Baptiste Morizot vient de publier un livre remarqué, avec Suzanne Husky, chez Actes Sud : Rendre l'eau à la terre, alliances dans les rivières face au chaos climatique.
"Il y a un monde fascinant qu'on a oublié et qu'on ne comprend pas et qui s'appelle une rivière" explique l'écrivain et philosophe Baptiste Morizot. "Ce monde donne la vie dans les fonds de vallée, c'est lui qui nous permet de boire, c'est lui qui nous permet de cultiver."
Magnifiquement illustré par les aquarelles de Suzanne Husky, il envisage un partenariat entre l'homme et le vivant pour lutter contre le changement climatique.