À chaque printemps, la transhumance de bovins est une tradition dans le Marais poitevin, en Deux-Sèvres. Contrairement à d’autres régions, où le parcours est très long, leur migration est assez brève, mais avec tout de même un obstacle : les vaches doivent traverser la Sèvre niortaise. Une tradition qui a tendance à se perdre avec le temps.
Après six mois passés à la ferme, les bovins s'apprêtent à vivre un voyage pour se mettre au vert. "Elles sont contentes, elles sentent l'herbe, elles se disent que l’hivernage est fini. Elles ont vu la bétaillère partir, maintenant elles sont toutes inquiètes, elles veulent s'en aller", confie Jean-François Coursaud, éleveur.
Six mois sur dix hectares
Elles vont bien s'en aller, mais pas très loin, à seulement un kilomètre de la ferme. Chaque année, pour cette transhumance, c’est la même chorégraphie, il faut faire traverser la Sèvre niortaise à des animaux pas toujours très rassurés. "Il faut faire attention qu’elles ne se jettent pas dans l’eau, il y a une barrière pour les canaliser". Les vaches profitent donc d'une croisière d’à peine quelques minutes avant d’arriver de l’autre côté du fleuve, dans une prairie verdoyante. "Et c'est parti pour six mois sur dix hectares". Au total, quatre allers-retours ont été nécessaires pour emmener les Wa-gyu, Limousines et Parthenaises.
Ce pâturage au grand air est bénéfique pour la qualité de leur viande, mais pas seulement. "L'intérêt qu'elles soient ici, c'est de nettoyer le marais et de l'entretenir. Parce que si on n'avait pas de bateau, ça serait inculte. Ça serait dommage parce que l'herbe est magnifique", raconte l'éleveur. "Et puis pour elles, c'est génial, c'est que de l'herbe naturelle, il n'y a pas d'engrais, il n'y a rien, c'est formidable. C'est le grand air".
Pour Romain qui aide quotidiennement Jean-François, la transhumance par bateau n'est pas une première. "Je fais ça depuis neuf ans. Tout le monde n'a pas la chance de le faire, c'est une belle opportunité. C'est un métier qui se perd donc il faut en profiter le temps que ça dure".
La fin de la transhumance en bateau ?
Au fil des années, de moins en moins d’éleveurs perpétuent cette tradition. C'est un crève-cœur pour les plus anciens. "Quand j'ai repris le Marais dans les années 1980, il était carrément en friche. Avec mes collègues, on en a défriché 120 hectares et aujourd'hui, on voit que tout se rebouche", s'attriste Philippe Rimbault.
On était un certain nombre d'éleveurs, donc ça divisait les charges par rapport aux hectares, tandis que maintenant comme il n'y a plus personne, évidemment, le problème c'est la main-d’œuvre.
Philippe RimbaultEleveur à la retraite
Pour lui, la transhumance en bateau vit ses dernières années. "Ça va se terminer parce qu'il manque des agriculteurs. J'ai 65 ans, je viens là depuis 60 ans. Ça me rend triste".
En attendant, ces bovins vont pouvoir profiter des bienfaits du Marais et pâturer tranquillement jusqu’au mois de novembre.