La Maison de l'emploi et de la formation (MEF) est l'un des acteurs de terrain à Thouars. Nous avons rencontré Isabelle Bernier, sa directrice.
Le rôle de la Maison de l'emploi et de la formation (MEF) est à la fois de mobiliser les publics les plus éloignés de l'emploi, de favoriser l'insertion des jeunes, d'accompagner les actifs dans leur orientation et leur envie d'évolution professionnelle mais aussi de contribuer au développement de l'emploi local et des compétences disponibles sur le territoire.
"Amener des formations à Thouars est l'une des grands pistes pour lutter contre la pauvreté"
France 3 Poitou-Charentes : A la Maison de l'emploi et de la formation du thouarsais, vous hébergez la Mission locale qui accompagne les jeunes de 16 à 26 ans. En quoi votre rôle diffère-t-il de celui de Pôle Emploi ?Isabelle Bernier : La grande différence, c'est que nous travaillons sur un accompagnement socio-professionnel alors que Pôle Emploi travaille sur un retour à l'emploi. Nous faisons de la co-traitance avec Pôle Emploi qui nous adresse des jeunes qui ne sont pas prêts à l'emploi. Ce sont des jeunes sans étude, sans emploi, sans formation (NEET). Ils ne sont pas plus nombreux qu'ailleurs dans le département à Bressuire ou Parthenay. Mais la particularité sur notre territoire, c'est que l'on a beaucoup de jeunes non diplômés et c'est toute la difficulté. Leur niveau de formation est bas, certains n'ont souvent que le Brevet des collèges. Ils ont décroché de l'école. Pourtant, ils ont un potentiel. Mais ce sont des jeunes qui ne sont pas adaptables aux emplois à pourvoir de suite donc, nous les accompagnons vers une reprise de formation et vers une mise à niveau.
France 3 Poitou-Charentes : À quels types d'emplois faut-il former ?
Isabelle Berner : On est dans un gros bassin d'emplois industriels : métallurgie, menuiserie, papier carton cosmétique et agroalimentaire, transport poids-lourd. Mais on a aussi la chance que beaucoup d'entreprises ont aussi leur siège social à Thouars, ce qui permet d'avoir plein de métiers annexes aux emplois industriels. A nous de faire découvrir aux jeunes ces autres métiers de la production aux postes d'ingénieur, administratifs, comptabilité ou même communication. On veut que notre public prenne conscience de ce qui existe. Je pense notamment aux scolaires qui vont partir se former. Il faut pouvoir leur faire connaître ce qui existe pour qu'ils aient envie de revenir, en stage d'abord ou en alternance. Tout ne gravite pas autour des grandes villes.
France 3 Poitou-Charentes : Comment comprenez-vous qu'un tissu industriel jugé dynamique puisse cohabiter avec des niveaux de pauvreté encore importants ?Les contrats en intérim se sont brusquement arrêtés avec le confinement alors qu'ils permettaient une autonomie.
Isabelle Bernier : Le bassin industriel est porteur d'emplois mais aussi de salaires modestes même si les rémunérations évoluent un peu vers le haut. L'industrie a aussi beaucoup recours au travail temporaire, c'est leur méthode de recrutement. Pour les jeunes, l'entrée dans la vie active se fait donc petit à petit. Et il y a beaucoup d'emplois en intérim à Thouars. En même temps, le public de la Mission locale n'aspire pas au CDI, il en a même presque peur. C'est un moyen de découvrir des entreprises et de réfléchir aux métiers auxquels on aimerait se former. Mais on l'a vu avec le confinement, les contrats en intérim, à la semaine, se sont brusquement arrêtés. Certains jeunes se sont retrouvés sans revenus et parfois sans possibilité de toucher l'allocation de retour à l'emploi (ARE) alors que jusque-là, l'intérim permettait d'être autonome! Ca a généré de grosses difficultés et ça a souvent coupé l'élan de beaucoup de jeunes.
France 3 Poitou-Charentes : Est-il possible de se former sur place aux emplois disponibles sur le bassin du Thouarsais ?
Isabelle Bernier : La possibilité de se former sur place existe, oui. Un exemple, parti d'un besoin des entreprises qui avaient des difficultés à recruter des conducteurs de machine. Le lycée Jean-Moulin a mis à disposition un plateau technique pour former des conducteurs de machine. La première formation s'est tenue en 2018 et a permis à des jeunes (et à des moins jeunes aussi, tous non scolarisés) d'apprendre le métier et de pratiquer comme s'ils étaient en entreprise. On est amené à développer des formations sur place et on est satisfait. Un autre projet est en cours : la Digital Academy (voir l'épisode 5) qui doit permettre à des jeunes bacheliers qui ne peuvent pas faire d'études loin d'avoir des possibilités de suivres des formations depuis Thouars, avec donc un statut d'étudiant. Amener des formations ici est l'une des grands pistes pour lutter contre la pauvreté. On est sur un territoire rural et on doit aussi faire face aux difficultés de certains à se déplacer.
France 3 Poitou-Charentes : L'apprentissage est-il une solution ?
Isabelle Bernier : Ici, les offres d'apprentissage n'ont pas diminué. Mais nos jeunes n'ont pas envoie par exemple d'aller dans les métiers de bouche : boucher, charcutier... Donc, certaines offres restent non pourvues. On a un public qui ne veut plus de contraintes comme travailler quand les autres ne travaillent pas. Le bâtiment a connu ça pendant un temps. Aujourd'hui, l'apprentissage dans le bâtiment, on en a plein. Les jeunes ont envie. Il faut retravailler sur la représentaion des métiers, donner envie aux jeunes d'aller vers des métiers où des opportunités existent.
François Bombard, Antoine Morel, Christophe Rio et Christophe Pougeas