"Je fais vivre à mes enfants la vie que j'ai rêvé d'avoir". Ils font l'école à la maison sans autorisation : ils sont poursuivis au pénal

Un couple des Deux-Sèvres a été poursuivi par l'Éducation nationale, car ils font l'école à la maison pour leurs quatre enfants, mais sans autorisation. Les deux parents contestent les nouvelles règles de 2021 de l'instruction en famille. Ils se sont lancés dans la désobéissance civile.

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Une pièce complète de la maison sert à l’instruction, mais tout le bâtiment peut devenir support au développement des enfants. La musique et la lecture dans le salon, le jardin avec sa cabane, une occasion de faire des sciences naturelles, des maths et de la géométrie. Un calendrier rempli de couleurs rappelle l’emploi du temps.

Laurence Gourlay et Samuel Giteau ont choisi, pour leurs quatre enfants, l’école à la maison. Une maison au calme dans le petit village de Voulmentin dans les Deux-Sèvres.

Mais ils sont aujourd’hui hors-la-loi. Ils refusent de suivre les démarches imposées depuis 2021 par l’État. « Avant, c’était un système déclaratif et il y avait des contrôles qui vérifiaient si l’instruction était correctement donnée », explique Samuel Giteau. « Il y avait des alertes en cas de problème. »

Aujourd’hui, il faut monter un dossier pour obtenir une autorisation. « Quand nous avons vu cette loi arriver, malgré les garde-fous que les politiques donnaient, nous sentions qu’il y avait quelque chose derrière », poursuit Samuel Giteau. « Macron avait bien dit en 2020 qu’il voulait arrêter l’IEF. » IEF pour « Instruction en famille ».

Désobéissance civile

La famille a refusé de demander cette autorisation et continue comme si rien n’avait changé : « Nous avons voulu marquer notre désaccord de cette loi par cette démarche de désobéissance civile. »

En soi, le couple risque 7 500 euros d’amende et six mois de prison. Le rectorat a porté plainte. Le couple vient d'être relaxé par le tribunal correctionnel de Niort pour une question de procédure.

« Nous faisons partie d’un collectif de familles résistantes où nous voyons arriver des parents complètement désarçonnés. Ils ont le Bac, ils font l’instruction, ils ont de contrôles favorables et ils ont obtenu un refus. C’est donc une posture politique, plus qu’une posture dans l’intérêt de l’enfant », dénonce Samuel Giteau.

Pendant que Lyssandre, le petit dernier, apprend les additions avec maman, Aude fait du français avec papa. C’est un travail presque à temps plein. Laurence Gourlay a abandonné sa carrière de graphiste. « Avant, il fallait faire valider un socle commun pour les 16 ans de l’enfant », indique-t-elle. « Cela nous convenait, car avec l’avis de nos enfants, nous organisions l’apprentissage des savoirs dans un ordre différent de ce qui est fait à l’école. » L’une des filles, passionnée de plantes, a de cette façon un niveau lycée, voire universitaire en botanique. « Mais cela a pris plus temps pour l’écriture », indique Laurence Gourlay.

Aujourd’hui, la validation est progressive, suivant les cycles scolaires. « Je ne cautionne pas ce qui est demandé au collège », conteste la mère de famille. « Ce qui m’importe, c’est que mes enfants s’entraînent à être autonomes dans leur travail, qu’ils apprennent à avoir des projets qui leur parlent, par rapport à ce qu’ils sont, pour trouver leur voie professionnelle plus tard. »

>> A LIRE AUSSI : École à la maison.  "On nous a dit non, ce n'est pas possible" : des critères très précis et des autorisations au compte-goutte

Crises d'angoisse

Ce couple n’a pas toujours refusé l’école. Daphné, leur aînée de 13 ans, y a passé quelques semaines lorsqu’elle avait deux ans et demi. Mais elle a fait des crises d’angoisse. « Il fallait que nous trouvions quelque chose qui soit plus juste pour elle. » Avec l’école à la maison, la fillette a retrouvé son équilibre émotionnel et sa curiosité naturelle.

Quand les trois autres enfants sont arrivés, ils sont restés avec leur grande sœur. « Je fais vivre à mes enfants la vie que j’ai toujours rêvé d’avoir », confie Laurence Gourlay. « Le fait de pouvoir valider les matières académiques en étant aligné sur ce que je suis, sur ce que mes enfants sont. » Une façon de les épargner de l’éventuel ennui qu’ils ressentiraient à l’école. « Nous essayons qu’ils aient toujours des pépites dans les yeux quand ils apprennent. »

Des cours d'AJCB (Art-Jardin-Couture-Bricolage)

Sorties régulières avec des groupes de familles qui pratiquent l’école à la maison, activités extrascolaires comme l’équitation et la poterie, les enfants ne vivent pas repliés sur eux-mêmes. La famille invente aussi ses propres matières, comme l’AJCB pour Art-Jardin-Couture-Bricolage.

Le rectorat, de son côté, a refusé de notre demande d'interview pour nous faire part de son point de vue. En 2024, dans l’académie de Poitiers, il y a eu 1 000 demandes d’autorisation d’IEF, 300 ont été refusées.

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