Sainte-Soline. Six à douze mois de prison avec sursis requis contre trois des neuf manifestants anti-bassines. Un procès dans une ambiance tendue dont le verdict sera rendu le 17 janvier

Plus de deux mois après une interruption tardive de l'audience, le procès des anti-bassines reprend dans un climat tendu, ce mardi au tribunal de Niort.

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En ce mardi 28 novembre, c'est l'acte II du procès des organisateurs des manifestations contre les mégabassines, organisées à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Ils sont neuf à comparaître devant le tribunal correctionnel de Niort.

Il est reproché à ces neuf hommes d'avoir organisé la manifestation interdite le 25 mars dernier qui avait donné lieu à de violents heurts entre manifestants et forces de l'ordre. Certains sont également poursuivis pour l'organisation d'un autre rassemblement non autorisé fin octobre 2022 contre la création d'une quinzaine de réserves d'eau dans la région.

Un premier acte interminable

Pour rappel, le 8 septembre dernier, l'audience avait été suspendue dans la soirée après de longues heures de débats. Les témoins présents n'avaient alors pas pu être auditionnés avant la suspension de séance.

Reprise d'audience peu après 9 heures ce matin

"Ce n'est pas une tribune, c'est un tribunal". C'est par ces mots du président du tribunal, agacé par la présence des journalistes autour des militants et en particulier de Julien Le Guet, en pleine interview, que la longue journée d'audience qui s'annonce a débuté.

Un témoin entendu

Cette matinée débute par le témoignage cité par la partie civile. Il s'agit d'un agriculteur de Sainte-Soline, installé sur une exploitation familiale : "On a assisté à différentes manifestations sur la commune, c'était des périodes assez dures et assez fortes, avec des dégâts sur les cultures, avec des blés et des colzas bien avancés qui ont été assez largement détruits".

Pour cet agriculteur, cet épisode reste encore très douloureux aujourd'hui, en témoigne sa réponse à une question de Maître Rey, l'avocat de la partie civile : Comment avez-vous vécu ces manifestations ? "C'est beaucoup de stress avant, des cauchemars. Après, il y a beaucoup de choses à gérer en plus du boulot à la ferme. C'est du temps pour protéger les systèmes d'irrigation, du temps passé en plus pour éviter les dégradations".

La question de fond également évoquée

Après le témoignage sur les manifestations, l'agriculteur est interrogé sur le rôle des bassines et leur utilité : "Je dois être raccordé à la réserve de Sainte-Soline, ça doit servir à irriguer la luzerne qui sert à nourrir le troupeau de chèvres. On doit aussi irriguer du maïs, du soja bientôt... Sans la sécurité de l'eau, on ne pourra pas produire de soja et on continuera d'importer du soja du Brésil ou d'Argentine", avant de poursuivre sur le terme agrobusiness : "Je ne me considère pas comme un agro-businessman, ce ne sont pas des exploitations surdimensionnées comme on peut le voir dans d'autres pays. On a des exploitations familiales à taille humaine. On a signé un protocole d'accord avec un engagement à des baisses de volume, des mesures agro-environnementales".

Puis c'est autour d'un deuxième agriculteur de prendre la parole pour défendre son métier, son exploitation, avant de se montrer inquiet pour l'avenir de sa profession, avant d'être à son tour interrogé sur l'agro-business : " Nous, on ne s'accapare pas l'eau. Puiser l'hiver, ça laisse plus de volume l'été dans les nappes. On a des droits d'irrigation, on paye l'eau, je ne vois pas pourquoi on parle d'accaparement de l'eau. Il y a 40 ans, on prélevait sur l'exploitation 120 000 m³, avec la réserve, on sera à 56 000. Si on ne veut pas que des grosses fermes de 400, 500, 600 hectares disparaissent, il faut pouvoir continuer d'irriguer ".

Les témoins se succèdent à la barre et sont tous amenés à donner leur avis et leur pensée sur le fond de l'intérêt ou non des bassines.

Soit on explique aux organisateurs qu'il faut mettre un terme aux violences, soit on leur donne un blanc-seing et on leur dit de continuer

Maître Rey

Avocat de la Coop de l'eau 79

Un premier rebondissement après 1 heure 30 d'audience

Juste après le témoignage des témoins, un avocat entend prendre la parole au nom de la Coordination Rurale alors que la défense n'a pas été informée. L'avocat dit en avoir informé le greffe et précise que la constitution de partie civile peut se faire jusqu'au réquisitoire du procureur. Le président décide d'une suspension de séance : "Je ne comprends pas pourquoi cette constitution se fait de manière aussi tardive". L'avocate de la défense s'exclame : "C'est quand même incroyable, ce sont les prévenus qui nous informent de votre qualité".

Finalement, l'avocat arrivé tardivement dans les débats prend la parole : "la coordination ne s'est pas constituée lors de la première audience, mais nous, quand nous avons vu que ce procès servait de tribune politique aux prévenus, ces derniers ne montrant aucun regret, ce n'est pas acceptable et c'est la raison pour laquelle la Coordination Rurale se constitue partie civile lors de la deuxième audience".

Le président sur le fond de la constitution : "la constitution de partie civile de la coordination rurale sera jugée à la fin".

À la mi-journée, il reste encore le récit des faits, les réquisitions ainsi que les plaidoiries des avocats de la défense. Comme prévu, les débats s'annoncent très longs.

Les débats ont repris

Après la pause méridienne, le procès reprend avec le témoignage du président de la Coop de l'eau 79, Thierry Boudaud qui tient à rappeler le traumatisme subi par les agriculteurs qui "ont vu leur matériel dégradé lors de ces manifestations". Il met en avant son inquiétude pour l'après-jugement : "une nouvelle manifestation a déjà été appelée pour juillet 2024. Soit on explique aux organisateurs qu'il faut mettre un terme aux violences, soit on leur donne un blanc-seing et on leur dit de continuer. Oui, l'enjeu est particulièrement important pour les agriculteurs des Deux-Sèvres. Aujourd'hui, c'est contre les retenues, mais demain ce pourra être autre chose".

Après une heure de plaidoirie, Maître Rey avance encore ses arguments, pour tenter de démontrer l'intentionnalité des actes reprochés aux neuf prévenus : "Quand les prévenus demandent un moratoire, c'est un mensonge. Leur intention, c'est qu'il n'y ait aucun projet de constitution de réserve. Il faut arrêter, et j'espère que votre tribunal n'entendra pas l'état de nécessité. On est face à des gens qui ont conçu et réfléchi les événements qui se sont produits... On a face à nous des prévenus, qui savent que ça va dégénérer et qui ne font rien pour l'éviter".

Certains prévenus quittent la salle

Après une longue plaidoirie de Maître Rey, c'est au tour de Maître Carl Gendreau, l'avocat de la Coordination Rurale de prendre la parole. Il se montre très offensif dès sa prise de parole : "Je représente le deuxième syndicat agricole en France, Monsieur le président, je vous demande de retenir un chiffre, c'est 2,5 %, c'est la consommation en France de toute l'eau qui tombe dans notre pays. Certes, en été, on peut manquer d'eau, mais il y a de l'eau qu'il fallait retenir. Le problème, ce n'est pas un manque d'eau, c'est un manque de bassines". Après cette déclaration, des rires résonnent dans la salle.

Maître Gendreau poursuit alors sa plaidoirie : "La coordination rurale est plus favorable aux retenues collinaires qu'aux retenues de substitution. Voilà la position de la coordination rurale, bassine pour tous. Quand je regarde les intervenants, on a le gratin de l'extrême gauche, on a les soulèvements de la terre, la CGT, les Mélenchonistes, c'est très bien. Ils nous rabâchent qu'ils détestent la police. Ce qu'on sait moins, c'est à quel point l'extrême gauche déteste les paysans".

Devant la plaidoirie de l'avocat de la Coordination Rurale, plusieurs prévenus quittent la salle, tout comme le président de la Coop de l'eau. Le président du tribunal croise les bras, l'avocat en pleine plaidoirie se retourne vers les prévenus "Vous ne représentez rien".

Place aux réquisitions du parquet

Le Procureur de la République Julien Wattebled passe aux rappels des faits et débute ses réquisitions. Avec la notion de préméditation en première ligne : "Il en fallait de l'organisation pour contourner les gendarmes en trois cortèges, il en fallait de l'organisation pour trouver des changements de rythme, permettre le passage et gagner le chantier de la réserve ".

Après plus d'une heure, Julien Wattebled a demandé "une sanction dissuasive". Il réclame des peines d'emprisonnement avec sursis pour 3 des 9 prévenus. Des peines allant jusqu'à 12 mois pour Julien Le Guet, présenté comme le plus actif du mouvement Bassines Non Merci.

En outre, le procureur a demandé l'interdiction de paraître dans les Deux-Sèvres pendant 3 ans avec exécution provisoire, ainsi que plusieurs amendes.

L'audience a duré jusqu'à tard dans la soirée avec les plaidoiries de la défense. Les avocats ont plaidé "la relaxe". Le jugement a été mis en délibéré au mercredi 17 janvier.

Déjà, les anti-bassines annoncent un nouveau mouvement d'ampleur l'été prochain contre l'implantation de ces réserves d'eau dans le département des Deux-Sèvres.

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