Niort : Baptiste Trény, profession promoteur de biodiversité

Ancien professionnel de gestion de patrimoine, ce jeune Niortais a tout plaqué pour s'inventer un nouveau métier. Il propose désormais à des entreprises et des particuliers de financer des projets pour redonner vie à des écosystèmes en plantant, par exemple, des forêts.

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Le ver luisant et le promoteur ; cela pourrait être le titre de cette fable de La Fontaine des temps modernes que nous allons vous raconter. Cette histoire, c'est celle de Baptiste Trény, Niortais de 37 ans. Jusqu'en mars 2020, Baptiste avait un poste à responsabilité dans une des grandes mutuelles de la capitale deux-sévrienne. Après plusieurs années comme négociateur immobilier, il était en charge de deux services de gestion de patrimoine. Une vie bien rangée et un avenir bien balisé, voilà ce qu'était alors le sort envieux du trentenaire. Mais depuis quelque temps déjà, une idée lui trottait dans la tête...

"Quand j’étais enfant en Charente, j’allais chercher des vers luisants dans mon jardin", explique-t-il en introduction de son histoire, "mais je n’ai jamais pu en montrer un à mon fils qui a cinq ans. Alors quand j’entends qu’on a perdu 70 % des insectes volants en trente ans, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. Ce sentiment était tellement fort qu’il m’a fait quitter mon emploi".

Baptiste n'a aucune formation en foresterie, aucune connaissance en botanique ou même en agriculture. Par contre, raconter des histoires et fédérer autour de lui les bonnes compétences pour faire aboutir des projets, ça, il sait faire. Alors il a créé sa société par actions simplifiées (SAS) "Créateur de forêt" avec deux objectifs, a priori, simples : créer des écosystèmes favorables à la préservation de la biodiversité sur le long terme et reconnecter les individus à la nature. Rien que ça.

"De mon point de vue, le plus gros risque, c’était de ne rien faire et de rester à ma place", poursuit-il, "c’est sûr que j’ai quitté le plus bel employeur de Niort avec des conditions de vie parfaites et une carrière toute tracée, mais quand on me dit que je suis fou, je prends ça comme un compliment". Car, bien au contraire, ce pro de l'immobilier est tout sauf inconscient.

A force de communiquer dans les médias et sur les réseaux sociaux, de distribuer des plaquettes de promotion à droite à gauche, après avoir raconté son histoire dans 22 conseils municipaux, deux opportunités vont s'offrir à lui. Entre Niort et La Rochelle, dans la Plaine d'Argenson, deux femmes le contactent à propos d'une ancienne forêt de deux hectares dont elles ont hérité. Elles ne veulent pas investir dans ce terrain. "Je ne voulais pas intervenir sur un terrain privé. Juridiquement, on bloque ces terrains sur 99 ans et je ne voulais pas qu’il y ait un jour des problèmes de succession. Mais je leur ai proposé de l’acheter pour monter un premier projet et m’en servir comme un « appartement témoin ». Le maire a été très enthousiaste et je leur ai proposé à l'avenir de mettre le terrain à disposition par exemple de l’école comme support pédagogique".

"C'est totalement novateur".

Pour financer l'opération à hauteur de 80 000 euros, il vient donc de lancer un appel à dons auprès des particuliers et des entreprises. Il va également faire appel à des professionnels de la foresterie pour préparer le terrain. Il travaillera en colaboration avec l'association Prom'Haies qui lui fournira les végétaux qui seront plantés par des élèves d'un lycée agricole et entretenus par une structure de réinsertion professionnelle, Nature Solidaire. Il a mis un an à échafauder ce plan de bataille.

Pour valider la démarche auprès de scientifiques, Baptiste a notamment interpellé Alain Persuy, écologue et forestier. "Régulièrement des communes me demandent des conseils pour des projets de revégétalisation des centres-villes pour lutter contre les puits de chaleur, mais des projets avec véritablement des objectifs de biodiversité purs sur des terrains délaissés comme ça, c’est totalement novateur", s'enthousiasme le Poitevin, "c’est non seulement légitime, mais à terme, si jamais il y arrive, parce que c’est un foutu pari, ça serait une des choses les plus efficaces que je connaisse. Ça permettrait aux espèces de se déplacer d’un milieu boisé à un autre dans un milieu agricole de culture industrielle et intensive et ça serait complètement fonctionnel".

"Je ne construis pas de maison, je construis de la nature".

Un enthousiasme que partagent d'ores et déjà une trentaine d'entreprises et plus de 200 particuliers pour ce qui est du projet de la plaine d'Argenson. Il y a, par exemple, Virginie Ménenteau, gérante du salon de coiffure "Hair Pure" à Niort qui a embarqué toutes ses clientes dans l'aventure. il y a aussi Fabrice Frère, chef d'entreprise à Ardin (79) qui réfléchit, du coup, à monter un projet dans la commune. 

"On a une entreprise de menuiserie et je recherchais justement une solution pour replanter ce que nous nos exploitons en bois en transformation tous les ans, une sorte de compensation carbone", explique le conseiller municipal, "alors je suis en retard parce que l’entreprise a déjà 40 ans, mais on va essayer de rattraper le temps perdu !  Au niveau de la commune, on est en train de rechercher un terrain et, dans le cadre de ma démarche, ça me permettrait de voir l’évolution de cette forêt. On a déjà identifié deux ou trois endroits, mais ça va se faire".

Un "foutu pari" donc comme dit Alain Persuy. Parce qu'évidemment, on se demande bien comment de tout cela, on peut faire vivre une entreprise sur le long terme. Sur ce point, Baptiste est serein. "Le modèle économique existe. Mon métier, c’est promoteur, mais je ne construis pas de maison, je construis de la nature et de la biodiversité", explique-t-il, "globalement je peux dire qu’en moyenne cela va me coûter entre 2,80 et 3 euros du mètre carré, donc un hectare de terrain va me coûter environ 30 000 euros. Et en le finançant par des entreprises ou des particuliers, ce mètre carré, je le vends 4,17 euros hors taxes donc 5 euros TTC. Bon, évidemment, je ne gagnerai jamais le même salaire que dans mon ancien emploi, mais ce n’est pas le but de la démarche".

Un autre projet est galement en bonne voie, cette fois-ci, à l'initiative de la commune de Landrais en Charente-Maritime. "C’est un hectare en forme de triangle très rocailleux et pas exploitable par l’agriculteur voisin et c’est une charge pour la commune parce qu’il faut le faucher deux ou trois fois par an donc c’est, pour moi, le terrain idéal", nous dit le "promoteur". Ici, il travaille en collaboration avec l'ingénieur rochelais, Maxime Grelier, fondateur de la société Permafforest à La Rochelle. Une trentaine d'espèces différentes et mille arbre devraient être plantés. Une bonne nouvelle pour les vers luisants...

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