Le 13 mai, la première édition du festival "La Sauce" aura lieu à Nueil-les-Aubiers, dans les Deux-Sèvres. Une initiative pas tout à fait isolée dans un territoire rural, où la jeune génération cherche à créer des espaces de fête.
"On en avait marre de trainer en boîte, marre de faire des soirées dans des garages pourris", résume Victor Bécot, coprésident de l'association "La Sauce". On avait envie de faire des soirées où l’on aurait envie d’aller." Après avoir organisé deux soirées techno, en mai et en novembre 2022, l'association passe à la vitesse supérieure et lance la première édition de son festival à Nueil-les-Aubiers, dans les Deux-Sèvres, le 13 mai.
"Notre but, c'est de faire des soirées pour tous les publics avec du dub, une partie pop-Rock et de la techno un peu plus énervée en fin de soirée", explique Victor Bécot. Planifié de 16 heures à 6 heures du matin, l'événement est une initiative d'une "bande de copains" des environs.
"On est parti dans les grandes villes pour nos études, pour travailler. Beaucoup d'entre nous y vivent même. Mais le week-end, on retourne chez nos parents pour voir nos amis de toujours", raconte l'organisateur.
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Seulement, s'implanter dans les Deux-Sèvres n'est pas toujours chose aisée pour les collectifs de jeunes, qui traînent une image de fêtards. "Le maire de Nueil avait eu vent de nos soirées et, tout de suite, il nous a dit : 'On aurait dit une rave party votre truc.' Sauf que non, on avait fait les choses bien, on avait fait notre déclaration en préfecture", précise Victor Bécot.
Rave party, free party... Parfois légales, parfois clandestines, ces fêtes sont plus souvent relatées dans les pages faits divers que dans la rubrique culture de la presse quotidienne régionale. Au point de devenir de véritables épouvantails pour les pouvoirs publics.
"[Un habitant] craignait que des types dorment dans son jardin, on l'a rassuré."
Victor BécotCoorganisateur du festival "La Sauce"
Vingt-cinq ans après la première Techno Parade dans les rues de Paris, les quinze membres de "La Sauce" doivent toujours faire face aux a priori qui entourent ce style de musique : "Cette image de rave party nous colle à la peau, alors qu'on n'est pas là pour faire peur aux gens", regrette Victor Bécot.
Pour "montrer patte blanche", les amis ont alors fait le tour du quartier qui jouxte le terrain où aura lieu le festival : "On a remis une lettre à tous les habitants pour les inviter à venir nous poser des questions", explique l'organisateur. Un seul s'est finalement manifesté : "Il craignait que des types dorment dans son jardin, on l'a rassuré."
"On ne peut que se féliciter de telles initiatives"
Serge Bouju, le maire de Nueil-les-Aubiers, n'a pas eu vraiment d'hésitations quand le projet lui a été proposé. Il explique que la plus grosse difficulté a finalement été de trouver un lieu. "On s'est mis en quête d'un terrain, car à cette période de l'année, c'est plus compliqué, parce que les champs sont en cultures. Finalement, on a trouvé un terrain municipal". Il n'a pas eu d'appréhension particulière, mais il a fallu faire une dérogation sur les horaires. "Dans chaque département, il y a un arrêté préfectoral sur les bruits de voisinage. Dans le cas du festival, on a repoussé l'autorisation jusqu'à six heures du matin.", détaille-t-il. Il a demandé aux organisateurs de rencontrer les habitants des lotissements construit à 500 mètres du terrain, ce qu'ils ont fait. En plus du terrain, le maire a mis à disposition des organisateurs un local technique, du matériel et la commune a même versé une subvention. "On ne peut que se féliciter de telles initiatives" se réjouit-il.
Des associations de prévention des risques
"La Sauce" n'est pas la seule association à devoir lutter contre ces stéréotypes. Les soirées techno de Bleed the Beat, une association créée par des Deux-Sévriens, en ont déjà fait les frais : "Pour le festival des Arts de la Rue de Bressuire, il a même fallu qu’on prétende que c’était une soirée électro pour les rassurer... Alors que c'était clairement de la techno", raconte Maxime Bécot, le cousin de Victor, qui a créé son association au sortir du Covid.
"On ne voulait pas faire de free party, c'est pas du tout notre délire."
Maxime BécotCoorganisateur des soirées "Bleed the Beat"
Organisées en soirées à thème, les fêtes de Bleed the Beat ont été pensées comme des "expériences immersives" : "On veut que les gens oublient qu'ils sont sur terre, les faire entrer dans notre univers", s'enthousiasme Maxime Bécot. Musique à fond et performances au programme.
"Dans le Bocage, il ne se passe pas grand-chose sur la scène électronique. On était obligé d'aller à Nantes ou à Angers pour voir des performances, constate-t-il. Et on ne voulait pas faire de free party, ce n'est pas du tout notre délire."
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Le collectif a par ailleurs fait de la prévention des violences sexistes et sexuelles l'une de ses priorités : l'une des bénévoles de Bleed the Beat a suivi une formation pour savoir comment réagir en cas d'agression. De même, un stand de l'association Ekinox, spécialisée dans la réduction des risques dans le milieu de la fête, s'était installé à leur dernière soirée.
"On voit malheureusement de tout en soirée et il est hors de question que les filles ne sentent pas en sécurité quand elles viennent chez nous", affirme Maxime Bécot. L'association, qui organise des "soirées immersives" autour d'un thème, s'installe à chaque fois dans un lieu différent, contrairement aux festivals : "Et, pour vendre le projet, c'est parfois compliqué."
Quand les municipalités jouent le jeu
Un festival deux-sévrien a su se défaire de cette image négative. "On a eu beaucoup de chance", se félicite Angélique Clochard, coorganisatrice de la Tanière du Dahu. L'événement célèbrera sa deuxième édition, les 28 et 29 juillet prochains. Deux jours d'une programmation tout public : Dub, Rock et Techno.
"On a reçu le soutien de la mairie de Mauléon et du centre d'action culturelle. Ils nous accompagnent dans notre recherche de subventions, dans la constitution des dossiers à déposer en préfecture. On n'a vraiment pas de quoi nous plaindre, au contraire", sourit Angélique Clochard.
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Cette association, constituée là aussi autour d'une bande de potes du mauléonnais, rassemble tous les métiers : artisans, juriste, comptable, graphiste... "On se dit parfois que c'était le destin ! Il fallait qu'on organise un festival", commente la coorganisatrice de la Tanière du Dahu.
Le festival, qui avait attiré près de 1 800 personnes l'an dernier, "vise plus haut" pour cette nouvelle édition. "Notre but, c'est de dynamiser le territoire en tentant de rassembler le mauléonnais", explique Angélique Clochard. Cette fois, l'association pourra compter sur le soutien du dispositif Freeform, qui accompagne les événements festifs, et espère obtenir une subvention de la région Nouvelle-Aquitaine.