Une enquête ouverte pour l'usage de LBD par le peloton de gendarmerie motorisé sur des quads à Sainte-Soline

D'abord contestés par le ministre de l'Intérieur, deux tirs de lanceur de balles de défense par les gendarmes qui intervenaient sur des quads au cours des affrontements à Sainte-Soline ce samedi ont été confirmés par la Gendarmerie Nationale. Une enquête sur le recours réglementaire à cette arme a été confiée à l'Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Violences policières et usage disproportionné de la force ont été largement dénoncés par les opposants aux bassines, au cours des affrontements qui se sont déroulés ce samedi 25 mars lors de la manifestation à Sainte-Soline.

Arrivée sur les lieux alors que ces affrontements avaient commencé, la secrétaire nationale d'EELV Marine Tondelier a déclaré : "Là, on a vu des forces de l'ordre sur des quads. Il y a eu de fortes détonations et des impacts au sol. On ne sait pas si c'était des grenades assourdissantes ou de désencerclement, avec beaucoup de gaz lacrymo."

C'est l'usage de lanceur de balles de défense (LBD) par ces gendarmes se déplaçant sur des quads qui ont été dénoncés par la suite.

Un usage confirmé par le bilan des opérations de la Gendarmerie nationale remis ce 28 mars au ministre de l'Intérieur, qui détaille : "S’agissant des munitions, 5 015 grenades lacrymogènes ont été tirées, ainsi que 89 grenades de désencerclement GENL, 40 dispositifs déflagrants ASSR. 81 tirs de LBD ont par ailleurs été délivrés, dont deux (non-touchants) par le peloton motorisé d’intervention et d’interposition".

Le ministre de l'Intérieur finit par reconnaitre l'utilisation de LBD sur les quads

Interrogé à ce sujet lors d'une conférence de presse ce lundi 27 mars 2023 à 18 heures, le ministre de l'Intérieur affirme : "Non, les gendarmes n'ont pas lancé de LBD en quad, seules des grenades lacrymogènes ont été tirées."

durée de la vidéo : 00h00mn07s
extrait de la conférence de presse de Gérald Darmanin le 27 mars 2023 ©AFP TV

Une heure plus tard, Invité de l'émission C à vous sur France 5 à 19h, Gérald Darmanin reconnaît finalement : "A Sainte-Soline des ordres n'ont pas été totalement respectés. Par exemple ces quads qu'on voit arriver, ils étaient utilisés pour lancer des grenades lacrymogènes pour repousser les personnes. Il y a eu deux lanceurs de LBD. C'est totalement proscrit. Ces gendarmes seront suspendus."

Une enquête de l'IGGN est ouverte

Le rapport d'opération de la Gendarmerie précise que l'Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale (IGGN) est saisie pour enquêter sur "l'usage de lanceur de balles de défense (LBD) par des gendarmes circulant sur des quads". Une enquête administrative qui devra déterminer si ces tirs étaient réglementaires.

Selon ce même rapport, 3 200 gendarmes et policiers ont été engagés du 24 au 26 mars dans le cadre de cette mobilisation, dont 3 000 gendarmes sur le secteur de Sainte-Soline. Au sein de ce dispositif, "Un peloton motorisé d’intervention et d’interposition (PM2I) monté sur quad (40 personnels sur 20 quads)."

Quelles sont les règles d'usage du LBD ?

En gendarmerie, le LBD n'est pas considéré comme une arme participant à la dispersion d'un attroupement.

Bertrand Pauvert

Association française du droit de la sécurité et de la défense

Dans un document de neuf pages en ligne sur le site du ministère de l'Intérieur, l'administrateur de l’AFDSD (Association Française du Droit de la Sécurité et de la Défense), Bertrand Pauvert, maître de conférence en droit public et expert auprès du Conseil de l’Europe, souligne qu' "en gendarmerie, le LBD n'est pas considéré comme une arme participant à la dispersion d'un attroupement. Son utilisation vise essentiellement à faire cesser une infraction et à permettre l’interpellation d’un manifestant violent."

Le lanceur de balles de défense (LBD) fait partie de la catégorie des armes de force intermédiaire (AFI), tout comme les pistolets à impulsion électrique (tasers), et les grenades suivantes : lacrymogène instantanée (GLI), de désencerclement (GMD), assourdissante et lacrymogène (GM2L), dont l'usage et l'emploi sont règlementés dans les services de police et de gendarmerie.

Conçu pour neutraliser une personne, le LBD est qualifié d'arme "sublétale" (qui entraîne un état proche de la mort). Son port par les représentants des forces de l'ordre requiert une habilitation individuelle dont le maintien est soumis à formation continue. Tous les tirs de LBD sont consignés sur un fichier informatique.

"Depuis qu’ils sont en dotation (dans la décennie 1990), les LBD sont mis en cause, spécialement quant à leur utilisation en MO/RO (maintien de l'ordre/rétablissement de l'ordre) lors des manifestations. Le Défenseur des droits demande, depuis 2013, l’interdiction du LBD lors des manifestations, position renouvelée en 2017 et réitérée en 2019. En 2019, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe dénonçait "les blessures à la tête occasionnées par des tirs de LBD révèlent un usage disproportionné de la force, ainsi que l’inadaptation de ce type d’arme au contexte d’opérations de maintien de l’ordre" précise Bertrand Pauvert.

Les PM2I

Testés et mis en place par la Gendarmerie à l’occasion du mouvement des « gilets jaunes », les Pelotons Motorisés d’Interception et d’Interpellation (PM2I), pelotons d’intervention de la garde républicaine embarqués sur des motos, sont "destinés à gagner en fulgurance et en mobilité".

Ils sont l'équivalent gendarmerie des Brav-M (brigades de répression de l'action violente motorisées) de la Police, créées elles-aussi en mars 2019 durant le mouvement des "gilets jaunes". Ces dernières sont décriées pour leurs méthodes d’intervention musclées et mises en cause pour usage disproportionné de la violence lors des dernières manifestations contre la réforme des retraites.

Contrairement aux CRS et gendarmes mobiles qui interviennent au cours des manifestations et sont spécialement formés aux techniques, protocoles et règles du maintien de l'ordre, ces unités spécialisées ne le sont pas, ou peu.

Pour l'administrateur de l’AFDSD (Association Française du Droit de la Sécurité et de la Défense), Bertrand Pauvert, c'est ce défaut de formation à l'intervention en manifestation qui est à l'origine des dérives dans l'usage des LBD : "L’examen des relevés des tirs révèle que c’est quasi exclusivement l’action de ces dernières unités qui nourrit la polémique. Ce que révèle alors la remise en cause de l’usage du LBD au MO/RO, ce n’est pas tant le danger de l’outil que la participation à de telles opérations d’agents ne disposant ni de la compétence technique, ni de l’organisation opérationnelle pour les réaliser correctement."

Le bilan humain des violents affrontements qui ont opposé forces de l'ordre et manifestants ce samedi 25 mars à Sainte-Soline fait état de 47 blessés du côté des gendarmes. Les opposants dénombrent ce mardi 28 mars une quarantaine de blessés graves, dont deux trentenaires, dans le coma, hospitalisés au CHU de Poitiers.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information