L'auteur de l'éternel "j'aime regarder les filles" aime se ressourcer dans ce village des Deux-Sèvres. Rencontre avec une rock star qui a gardé les pieds sur terre.
"La patrie est là où on vit heureux", écrivait Voltaire. La patrie de Patrick Coutin, c'est donc sans aucune hésitation ce village des Deux-Sèvres. Saint Loup sur Thouet, petite bourgade de mille âmes coincé entre la Gâtine et le bocage. Les dépliants touristiques vous vanteront ses façades médiévales à colombage, son château bien sûr, le pont Eiffel et le lac du Cébron. Le musicien, lui, préfèrera vous emmener au gué pierré de Rolland. "Ici, c’est un endroit parfait ! Il y a tout ce qu’un être humain a besoin, en tout cas au niveau des yeux et de l’âme et c’est ce qu’il y a de plus important", résume l'artiste.
Avec son chapeau de paille, son épingle à nourrice en guise de boucle d'oreille et son pins en étoile rouge sur sa veste de jean noir, forcément les bien pensants pourraient se gausser de ce rocker pas du tout repenti, là, au milieu de cette exhubérante verdure. Les mieux informés pourraient se rappeler que ce mec-là a, entre autres choses, été derrière la sono du Gibus, temple du rock parisien, qu'il a produit aussi bien les Wampas que Dick Rivers, qu'il a écrit une biographie des Doors et que, de mai 68, il a surtout retenu une détestation viscérale et situationniste de "la société du spectacle". Alors quoi d'étrange à parler de nature et de douceur de vivre avec Patrick Coutin dans les Deux-Sèvres. Situ et un peu taoïste, le monsieur.
"C’est un lieu qui vous remet les pieds sur terre. Tout ce que vous avez autour de vous, ça fait de vous un être humain, plus doux, plus concentré et plus attentionné. Moi, je suis quelqu’un qui aime vivre au milieu des autres, dans la nature, dans les choses simples parce que je pense que le bonheur est là. Je n’ai jamais pensé que la vie de star était un cadeau. Moi, ce que j’aime, c’est faire de la musique, partager mes créations, jouer avec des musiciens. Etre une star, ça ne m’a jamais intéressé vraiment". On s'en doutait.
Sur la terrasse d'un café au centre-bourg, il n'hésite pas à dégainer sa guitare et, bien évidemment, ce sont les accords de l'iconique "J'aime regarder les filles" que les clients veulent entendre. Il ne se fait pas prier. Savent-ils qu'à la fin des années 70, c'est dans le non moins mythique Château d'Hérouville (Pink Floyd, Bowie, Iggy Pop...) que Coutin a écrit et enregistré ce tube. Il était attendu par des amis sur la côte d'Azur avec un pochon de substances odorantes dans les poches. Mais il n'avait pas pu refuser l'offre de cette session d'enregistrement. Pourtant, dans son for intérieur, il se disait alors qu'il aurait préféré "regarder les filles sur la plage"...
"Quand c’est sorti, ça a fait un flop. Et puis il y a eu mai 81, l’arrivée de François Mitterrand et l’explosion des radios libres et c’est devenu le premier tube des radios libres", se souvient le compositeur, "c’est un titre de rock, mais c’est devenu une chanson populaire sur laquelle les gens aiment s’amuser, danser, c’est devenu un titre de club. J’ai du mal à en parler parce que c’est un peu comme si je parlais d’un de mes enfants. Vous faites un enfant et après il vit sa vie, il devient voleur ou président de la république, vous n’allez pas vous mêler de ce qu’il est devenu".
Né en Tunisie, c'est à l'âge de sept ans qu'il débarque avec ses parents à Saint Loup sur Thouet. Si la famille s'installe vite à Saumur, il passera toutes ses vacances, toute son enfance et toute son adolescence dans la maison des grands-parents. La légende du village dit qu'elle appartenait dans le temps à la famille Arouet et que donc Voltaire y aurait dormi. Un enfant de la patrie, donc.
"C'est mon terrier", explique le chanteur qui, comme un réflexe, s'est réfugié ici pendant le premier confinement, "je n'ai jamais rien acheté de ma vie, sauf cette maison. Je ne m’installerai définitivement nulle part si ce n’est le jour de mon dernier voyage, mais ici, c’est chez moi". La maison est restée dans son jus et Coutin aime à feuilleter les albums de photos de famille. "Une maison comme ça, elle t’explique ce que tu es, quand tu as vécu dedans. Elle te dit ce que tu es, elle te parle. Et ce village aussi me parle. Ici, il y a encore un continuum avec le temps passé, je crois que c’est important et j’ai envie de le dire et que les gens le comprennent. Ne perdez pas votre racine, votre passé, préservons tout ça parce que c’est ce qui fait ce que nous sommes".
Alors non rien d'incompatible entre une vie punk mouvementée et le gué pierré de Rolland, entre Didier Wampas et Voltaire. Ce village, "je n’aurais pas envie qu’il devienne tellement autre chose que ce qu’il est", nous avoue Patric Coutin avant de partir, "Je voudrais qu’il conserve tous ces arbres, cette verdure, ce Thouet qui passe au milieu, ces gens qui sont, à la fois, comme tout le monde, parce que tout le monde a la télévision et tout le monde vit dans le même monde, mais qui en même temps ont un peu de recul, un peu de douceur de vivre, un peu de tranquillité et qui continue à manger les légumes de leurs jardins". Le musicien a pour projet d'installer un studio d'enregistrement ici à Saint Loup. Histoire de partager avec ses amis son petit coin de paradis.