Depuis trois ans à Bergerac, des camping-caristes profitent d'une aire où les services sont (involontairement) gratuits. La municipalité veut rétablir le service payant. Pour ça, il faudra expulser les "squatteurs" qui ont pris racine, parmi lesquels Michel, 76 ans, et son camping-car immobilisé
L'aire de camping-car idéale, celle où tout est gratuit dans un cadre idyllique, existe. Elle est même très bien située, en plein Périgord à Bergerac, au lieu-dit Pombonne. Mais ne rêvez pas, ce n'est pas un soudain accès de générosité qui a créé cette situation, mais plutôt l'effet conjugué de dégradations et de la crise sanitaire. Accès libre, eau et électricité gratuites, vidange des eaux usées illimitée, si tout est gratuit ici, c'est surtout parce que le système de paiement est hors-service. Tout comme la barrière d'accès.
Voyage immobile
Une totale gratuité depuis 3 ans, selon certains, et dont les camping-caristes de passage se réjouissent naturellement. Le plus souvent, ils profitent de l'aubaine pendant une ou deux nuits, avant de reprendre leur petit bonhomme de chemin de camping-cariste. D'autres, partant du principe que quand on est bien ici on n'a pas de raison d'aller ailleurs, ont un peu pris racine. Ils ne sont que deux ou trois, peu fortunés et bien contents de profiter de l'aubaine. Et parmi ces nomades sédentaires, Michel, 76 ans, son camping-car, et sa petite chienne Lisa. Pas le profil du camping-cariste habituel, le Michel. Du moins pas celui des conducteurs d'engins à 70 000 €uros qui flottent sur les routes françaises dans des palaces ambulants et climatisés.
Michel à l'aire libre
Si Michel s'est installé ici avec sa petite chienne, c'est justement parce que c'était gratuit, et que ça collait bien avec ses faibles ressources. Depuis, il coulait des jours paisibles. Jusqu'à ce que la municipalité de Bergerac décide logiquement de reprendre les choses en main, et de rétablir le système de paiement. La barrière va être remise en état, la durée de stationnement ne pourra plus excéder trois jours.Et surtout, il va falloir payer pour accéder à l'aire. À partir de ce mercredi 21 septembre, les amendes risquent de tomber, à prévenu la mairie.
Conséquence, pour Michel et les autres, il va falloir payer ou reprendre la route.
L'encombrant Sans Domicile Roulant
Sauf que le Ford de Michel, plus de première jeunesse, est immobilisé depuis 3 ans, et que Michel n'a pas vraiment les moyens de le remettre en route. Surtout pour aller dans un endroit où il devra payer plein tarif. La Mairie, conciliante, aimerait trouver une solution humaine et "classique" au nomade, et propose les services de son Centre Communal d'Action Social. Rentrer dans les clous, réintégrer le circuit, bénéficier d'aides pour un logement en dur. Certains y verraient la sécurité, Michel y voit la fin du voyage, et de la liberté.
Le problème, si on m'expulse, c'est qu'on va me déposer où ? Et je vais vivre comment, sans eau, sans électricité ? C'est ça le problème. Moi je vis comme ça, c'est mon habitation. Et puis j'ai pas envie d'aller dans un HLM. Je me vois pas dans un HLM, sûrement pas !
Sous les pavés, le péage
Le combat semble pourtant perdu d'avance. Il y a peu de chances que Michel puisse garder son style de vie encore bien longtemps. À Bergerac comme partout ailleurs, la société supporte mal les marginaux qui dépassent des cases, surtout s'ils refusent la main tendue et semblent profiter du système. L'air, l'eau et la nature sont désormais payants partout. L'esprit de liberté qui animait les hippies dans leurs combi Volkswagen 70's est désormais un luxe que tout le monde n'a pas les moyens de se payer.