À l’occasion du centième anniversaire de la mort de Sarah Bernhardt, l’historienne et romancière Hélène Tierchant consacre une biographie à cette légende du théâtre où elle évoque bien sûr l’acteur Mounet-Sully et le docteur Samuel Pozzi.
C’est sur la scène de l’Odéon que « La Divine » croise pour la première fois Mounet-Sully. Celui qui allait être consacré le plus grand tragédien de son époque en est à ses débuts. L'acteur, issu d'une famille bourgeoise de Bergerac, idolâtre la belle Sarah, mais cette dernière le snobe. Leur relation débute quelques années plus tard en 1872 quand les deux acteurs jouent Britannicus à la Comédie Française. Leur histoire défraye la chronique et les patrons de salle avisés misent sur ce couple médiatique pour remplir les salles. Ainsi, ils seront Chimène et Rodrigue dans le Cid, Andromaque et Oreste…
Mounet-Sully connait bien la vie menée par celle qu’il admire. « Sarah ne peut s’empêcher d’accorder des faveurs tarifées à de richissimes messieurs » écrit Hélène Tierchant. Une situation mal vécue par l’acteur d’un naturel jaloux et possessif. En 1874, il la demande en mariage. Elle décline. Désabusé, l'amoureux éconduit rompt avec fracas : « Vous êtes morte pour moi jusqu’au jour où mourra ce corps de prostituée qui vous ressemble ! ».
Pour Hélène Tierchant, Mounet-Sully est l’homme que Sarah Bernhardt aura le plus aimé. « Qu’il était beau l’animal ! » avait-elle confié au compositeur Reynaldo Hahn en repensant au bergeracois.
« Le Docteur Dieu »
Samuel Pozzi est le second Bergeracois à s’inviter dans la vie de Sarah Bernhardt. Son '"Docteur Dieu » comme elle l’appelait. Ils avaient eu une brève liaison alors qu’il était jeune étudiant en médecine. Ce dernier, devenu un grand ponte de la chirurgie, l’opère en 1898 d’un kyste ovarien « gros comme la tête d’un nouveau-né » notera-t-il.
En 1902, l’actrice qui souffre de la jambe se voit diagnostiquer une tuberculose osseuse du genou. Douze ans plus tard, les infiltrations ne suffisant plus, « la Divine Sarah » comme l’appelle Pozzi, le supplie de la soulager. Il décide de plâtrer sa jambe droite pendant six mois. Malheureusement, l’état de la comédienne empire : le plâtre a grignoté la chair et la gangrène s’est installée. Sarah Bernhardt lui écrit : « Ami, très aimé… Je vous supplie de me couper la jambe un peu au-dessus du genou. Ne vous récriez pas. J’ai peut-être dix ou quinze ans à vivre. Avec une jambe de bois bien faite, je puis dire des vers et même faire une tournée de conférences. Si vous refusez, je me flanque une balle dans le genou et il faudra bien me la couper ». Pozzi refuse. Pour Hélène Tierchant, « il est incapable de mutiler un corps qu’il a passionnément caressé, cette femme qu’il a follement aimée ». Ce sera donc un chirurgien bordelais qui amputera l’artiste à la clinique Saint-Augustin
En 1918, Sarah Bernhardt pleure la disparition de son « Docteur Dieu » assassiné par un patient en pleine crise de démence furieuse.
Malgré ses douleurs et sa jambe de bois, elle enchaîne spectacles et tournées. « Je mourrai sur la scène, c’est mon champ de bataille" glisse-t-elle à la reine Mary, l’épouse de George V, s’inquiétant pour elle lors d’une tournée à Londres.
La légende vivante
C’est le portrait d’une femme libre au caractère bien trempé dans une époque exceptionnelle que nous donne à vivre Hélène Tierchant. Aux côtés de « La Divine », et sous la plume alerte de l'auteure, tout le gotha défile et se pressent les plus grands artistes et écrivains : Zola, Proust, Flaubert, Hugo...
Sarah Bernhardt est une légende de son vivant. Une artiste complète, elle peint et sculpte. Résolument moderne et profondément engagée aussi avec Louise Michel pour les droits, civils et politiques, des femmes.
À sa mort, Poincaré refuse les funérailles nationales, qu’importe, le public ne s’y trompe pas qui continue un siècle après sa disparition à fleurir sa tombe du Père Lachaise.
"Sarah Bernhardt-Scandaleuse et indomptable" d'Hélène Tierchant – Editions Tallandier- 375 pages- 21,90 euros