Loisir passé de mode, la philatélie se révèle un moyen efficace pour tromper le confinement et s'évader à travers la France et le monde entier sans risquer de contravention.
Ces longues journées de confinement vous ont très probablement conduit à faire du rangement dans votre intérieur. Au détour d’une étagère, ou d’un carton toujours pas déballé, peut-être êtes-vous tombés sur un album de timbres.
Là deux options. Soit vous continuez à l’ignorer, préférant retourner surfer sur le web, soit vous vous dites que c’est l’occasion ou jamais, vous l’ouvrez et là, c’est peut-être le début d’une aventure sans fin.
L’auteur de ces lignes a choisi la deuxième option. Après deux ans à Périgueux, j’ai ressorti du fin fond de mon dressing, sous les manteaux suspendus, un plein carton contenant plusieurs albums de timbres. Je ne les avais pas ouverts depuis 25 ans.
Pendant quelques années, enfant, je fus collectionneur de timbres, philatéliste même. Ca a commencé avec un sachet de mille timbres du monde entier offert pour un anniversaire. A l’époque je n’étais ni sportif, ni très sociable. En revanche, j’adorais l’histoire et la géographie. Je ne me fis donc pas beaucoup violence pour me pencher sur ces vignettes et les classer sagement pendant quelques après-midis.
En réouvrant, ces albums en 2020, c’est un peu des retrouvailles avec mes jeunes années et surtout la redécouverte de cet univers si particulier d’images miniatures.
Alors que nous ne sommes plus libres de nos mouvements, c’est un pur plaisir que de parcourir des milliers de kilomètres juste en tournant une page. Nicaragua, Cuba, Guinée Equatoriale, Mongolie, Laos, Indonésie, j’ai toute la planète à portée de loupe (accessoire indispensable du collectionneur de timbres). Et toute la région aussi, puisque parmi les timbres français, les villes et monuments de la Nouvelle-Aquitaine sont bien représentés.
Un musée, pas si virtuel, puisque l’on peut toucher les œuvres.
Lancé sur mon élan, après les albums, j’ai ouvert une boite dans laquelle s’étaient accumulés enveloppes, cartes, timbres à décoller. Toute une série de petits objets qui auraient meilleures allures dans un album. Et c’est ainsi qu’en deux temps, j’ai d’abord commandé les nouvelles pages de rangement nécessaires, puis deux semaines plus tard –la Poste par temps de confinement, c’est pas ça- j’ai pu disposer proprement dans un classeur des enveloppes premier jour des Terres Australes et Antarctiques Française, portant la date du 1er janvier 1993. Il n’est jamais trop tard.
Fort de cette expérience personnelle, j’ai contacté des collectionneurs plus constants, et surtout plus experts, que moi. Car en effet, je ne suis pas le seul à avoir profité du confinement pour classer des timbres.
« J’y suis en plein avec ma femme, on s’est bien trouvés », Thierry Marty, un électricien proche de la retraite, est en pleine séance de tri. Comme moi. Mais lui, ce n’est pas une petite boite oubliée qu’il a ouvert, c’est tout un stock de courriers affranchis amassés durant des années. Il avait prévu de s’en occuper à la retraite, mais vu les circonstances, il prend de l’avance.
La tâche n’est pas compliquée en soi. Il faut du temps, de la méthode, quelques principes et de la place. Thierry dispose d’une pièce entière pour ses collections. Autour de son bureau, il a disposé plusieurs bacs remplis d’eau afin de décoller les timbres des enveloppes. 50 timbres par bac. Les timbres décollés sont disposés ensuite sur des torchons pour sécher. Puis il contrôle le bon aspect de la vignette, qu’elle ait toutes ses dents et que l’oblitération, la trace du tampon, n’occupe pas plus de 30% de la surface du timbre.
Chaque détail compte car il existe des timbres "fautés", avec des défauts de couleur ou d’impression, ce qu’on appelle aussi des variétés. Ces timbres peuvent valoir cher car ils sont recherchés par certains collectionneurs. « Ca fait plaisir quand on trouve une pièce rare, on est fier », me confie Thierry, qui est capable de rester cinq heures d’affilée auprès de ses timbres.
Comme Thierry, Jean-Marie Valdenaire pratique la philatélie avec sa femme Françoise. Ensemble, ils n’ont pas faibli pendant ce confinement. « On a beaucoup rangé, mis en page, il n’y a plus rien qui traine. Notre collection n’a jamais été aussi bien rangée ».
Dans le couple chacun a sa spécialité. A lui, les marques postales de 1700 à 1874, les timbres de distributeurs, Françoise, elle, c’est l’escrime, un sport qu’elle a pratiqué plus jeune. Elle recherche parmi tous les timbres émis à travers le monde ceux qui mettent en scène ce sport de combat. C’est ce qu’on appelle une collection thématique.
Jean-Marie, en fait une aussi, de thématique. L’ours. « Je l’ai commencée après mon mariage. Parce que nous avions visité la maison de l’ours à Saint-Lary (65) et puis parce que ma femme m’appelle « Mon nounours ».
On ne rigole pas ! C’est plutôt du très sérieux. Notre « Nounours » ne se contente pas d’accumuler les timbres à l’effigie des ursidés. Il a étudié la vie de l’animal, ainsi que les actions menées pour sa sauvegarde. Il en a fait des panneaux explicatifs illustrés avec les timbres qu’il présente lors d’expositions.
Cette thématique plantigrade nous amène à poser une question de fond :
Faut-il être un ours pour pratiquer la philatélie ?
Là-dessus, Jean-Marie Valdenaire est plutôt rassurant quant aux mœurs du philatéliste. Pour lui, le confinement a assez duré.
« On se parle tous les jours sur Facebook, mais vivement que l’on se retrouve, la philatélie c’est pas un truc que l’on pratique seul dans son coin. Tout seul, on ne progresse pas », un avis qu’il défend ès qualités puisqu’il est président de l’APDD, l’Amicale Philatélique de la Dordogne, qui se rassemble en temps normal deux fois par mois (le premier et troisième samedi) à la maison des associations de Périgueux.
Des conseils pour qui voudrait se lancer en philatélie ?
« Pour monter une collection raisonnée, il faut trouver son champ d’investigation qui est régie par deux lois : l’argent et l’intérêt que l’on a pour le sujet. »Celui qui parle de manière si censée, c’est Bertrand Guillaume, lui aussi membre de l’APDD. Bertrand est la quatrième génération de philatéliste dans sa famille. Il avait seulement 11 ans lorsqu’il a fait sa première exposition.
Sa collection pourrait paraître monotone au non initié. Elle se résume à un timbre. Le type Mercure.
Un timbre d’usage courant émis entre 1938 et 1945, qui se décline en différentes couleurs et différentes valeurs, comme les Semeuse ou les Marianne. « Il a été retiré de la vente le 12 mai 1945 au soir. C’est une date que je connais par cœur. Je pourrais vous faire une conférence de cinq heures sur le type Mercure ».
Pour un philatéliste, Bertrand est verni. Il baigne quotidiennement dans les timbres. Il travaille à Philaposte Boulazac, l’imprimerie des timbres qui alimente toute la France et emploie 400 personnes. Son métier consiste à contrôler la qualité des impressions. Il vient de reprendre le travail, mais lui aussi a su profiter du confinement. « J’ai repris toute la documentation concernant le Mercure que j’avais photographiée au musée du Timbre à Paris ».
La philatélie, c’est un peu comme dans l’art contemporain, le timbre, comme l’œuvre, ne se suffisent pas à eux-mêmes. Ce qui est intéressant, c’est l’histoire qui peut entourer chaque timbre. Il existe toute une presse et une littérature spécialisée.
Pour le Mercure, les péripéties ne manquent pas, le timbre ayant traversé une période particulièrement troublée : la seconde guerre mondiale.
D’ailleurs, du timbre Mercure, Bertrand Guillaume en est venu à collectionner aussi la correspondance échangée pendant ces années de plomb. Une de ses pièces de choix est une lettre qui a mis huit ans à trouver son destinataire entre 1940 et 1948.
Deux liens utiles
Si vous recherchez des conseils supplémentaires pour vous guider dans le début d'une collection, il existe un site spécialement dédié à la cause de la philatélie: Découvrir le timbre.Et n'oublions pas, la Poste, qui présente ici toute l'actualité officielle du timbre avec notamment le calendrier et le détail des nouveaux timbres de collection émis tout au long année et imprimés tous, rappelons-le à Boulazac, en Dordogne.
Des fortunes sommeillent-elles dans vos placards ?
La valeur des timbres de France est nettement à la baisse. Une bonne nouvelle pour qui veut collectionner sans casser sa tire-lire, uniquement pour la beauté de l’objet, mais une mauvaise pour les héritiers qui se retrouvent avec de gros albums sur les bras. C’est dû à un effet de génération et à la loi de l’offre et la demande. Il y a moins de collectionneurs. La Fédération française des associations philatéliques a perdu la moitié de ses adhérents. Par ailleurs, les timbres parus dans les années 60 ont été émis en grosse quantité. Leur relative ancienneté n’est pas synonyme de rareté. Les marchands achètent les collections des années 60 à aujourd’hui à moins de 50% de leur valeur faciale (le prix indiqué sur le timbre).Il existe cependant toujours des raretés qui peuvent affoler une vente aux enchères. En général, il s’agit de variétés, des timbres présentant des défauts d’impression, parmi les premiers timbres diffusés au XIXème siècle.
Le timbre français le plus cher est un bloc de quatre 1 franc Vermillon de 1849, à l’effigie de Cérès avec un tête bèche. Il est coté à 1,2 millions d’euros.. Le timbre le plus cher du monde, lui, est le One cent Magenta originaire de Guinée Britannique, en date de 1856 vendu à 7 millions d’euros en 2014.
Si vous voulez connaitre la valeur de votre collection. Il y a deux solutions. Soit s'adresser à un négociant spécialisé dans la vente de timbres, soit s'orienter vers le club philatélique le plus proche de chez vous.