Ni touristes, ni vacanciers, ni repas de famille, ni fêtes religieuses, la semaine de Pâques sera très calme en Dordogne en raison des mesures de confinement.
La vie est faite de contrastes. Il y a quelques semaines, Jean-Luc Delautre accueillait chez lui plus de 400 personnes. Aujourd'hui, il est seul.
Son château de Fénelon, à Sainte-Mondane, dans le sud de la Dordogne, est l’un des décors de The Last Duel, la fameuse superproduction de Ridley Scott tournée en Périgord avec les stars Matt Damon, Ben Affleck et Adam Driver.
Pour les besoins du film, un camp militaire avait été reconstitué devant cette forteresse médiévale, qui fut assiégée plusieurs fois au cours de son histoire.
Aujourd’hui ce n’est pas morne plaine, car le château domine la Dordogne, mais c’est tout comme.
« C’est le calme plat, plus un camion, ça fait bizarre », constate le maître des lieux. "Heureusement, il y a toujours quelque chose à faire dans un château. Je ne m'ennuie pas. Je m'occupe à tailler les buis, tondre les pelouses."
En temps normal, le château serait ouvert aux visites depuis le 1er avril. Il s’apprêterait à accueillir le cortège des vacanciers de Pâques : enfants, parents, grands-parents, de France et d’ailleurs.
Mais pour cette année 2020, en réponse aux directives du gouvernement, le château reste clos, bien calé derrière ses trois ceintures de fortifications, dans l’espoir que le Covid-19 ne vienne y tenter une percée.
L’épidémie mondiale a conduit le châtelain à réviser certains de ses plans.
Il lui a fallu renoncer aux visiteurs d’abord, qui sont toujours une bouffée d’oxygène dans ces vieilles bâtisses. Plusieurs groupes de 40 à 60 personnes avaient programmé leur venue. Renoncer aussi à l’embauche d’un jeune Belge trilingue, très prometteur pour guider les touristes. « Il devait commencer en CDI à la date du 1er avril. Nous avons dû annuler. Heureusement, il est très dynamique et il a trouvé à la place du travail sur le réseau Thalys ».
L’autre grosse affaire du château de Fénelon, c’était la réfection de sa toiture en lauze, qui prenait l’eau. Un chantier qui devrait s’étaler sur une décennie. Une quatrième tranche de travaux aurait dû débuter cette année. Mais quand ? Le calendrier risque d’être chamboulé.
S’il y a une corporation qui est chamboulée au niveau de son calendrier, c'est bien celle des chocolatiers. Avec Noël, Pâques est traditionnellement le gros pic d’activité de l’année.
Chez Joseph, rue des Chaines à Périgueux, la boutique fermée depuis le 15 mars a rouvert cette semaine, uniquement les matinées. A la surprise de certains habitués qui pensaient devoir faire une croix sur leurs oeufs, lapins et cloches en chocolat.
Un client vient de pousser la porte, « Oh je ne savais pas que vous étiez ouverts » !
On sent de la surprise, de la reconnaissance et de la gourmandise dans le regard.
Renoncer à travailler, d’accord, renoncer à sortir, passe encore, mais si on ne peut plus se faire du bien, où irait le monde ? Et puis, le chocolat, il est vrai, peut être bien utile pour dompter des enfants, comme des adultes, usés par le confinement.
Quelles que soient les vertus de cet or noir, Nathalie Joseph, la femme du chocolatier, ne s’attend pas à une ruée de confinés dans son magasin. « On a fait le quart de ce qu’on fait d’habitude ».
Une production de chocolat nettement diminuée, quant à l’activité pâtisserie, elle est à l’arrêt total.
Néanmoins, en guise de dépannage, si vous ne venez pas au chocolat, le chocolat peut venir à vous via un nouveau service de livraison à domicile proposé par ces commerçants. Un peu comme les cloches de Pâques.
Au niveau national, la situation est tellement critique que l’association Tradition Gourmande, qui regroupe des maîtres pâtissiers, a lancé une idée pour sauver cette année « Fêtes ton Pâques en mai ».
C'est à y perdre son latin !
Cette initiative des professionnels de la pâtisserie n’est pas envisagée par l’Eglise. Pâques, qui est d’abord une fête religieuse, ça se fête à Pâques.
Enfin… pour la première fois de l’histoire de l’Eglise, la résurrection du Christ se célèbrera à distance. Si les églises restent ouvertes, les messes, comme tous les rassemblements sont interdites.
A Périgueux, depuis plusieurs jours les offices sont visibles sur le web via le site du diocèse. Ce dimanche, pour les Rameaux, le premier rendez-vous des fêtes de Pâques, qui s’étalent sur une semaine, l’évêché va tenter de diffuser la bénédiction en direct à 17h, depuis le toit de la cathédrale Saint-Front. Puis une messe, préalablement enregistrée avec trois caméras, sera diffusée.
Comme l’explique l’évêque, monseigneur Philippe Mousset, dans un message aux fidèles « Avec le pic de l’épidémie qui est annoncé dans les jours qui viennent, je déconseille vivement le déplacement des personnes pour entasser des rameaux dans nos églises. Je recommande de vivre la célébration et la bénédiction des rameaux à distance ».
Face à cette situation, aussi inédite, qu’historique, le site web du diocèse propose une série de fiches destinées aux pratiquants afin de vivre la Semaine Sainte depuis chez soi.
Prudence et patience restent les maîtres mots, pour tous, croyants ou simples gourmands.