C’est l’histoire d’une famille extraordinaire. Quand elle a l’idée d’adopter des enfants, Joséphine Baker a en tête de reformer un petit monde venant de tous les continents et de toutes les couleurs. Elle pense à une tribu arc en ciel qui serait symbole de tolérance et de fraternité universelle.
Tout au long de sa vie, Joséphine Baker mêle intimement sa vie personnelle et sa vie publique au motif que ses expériences, comme celle du racisme, sont toujours les racines d’un combat qu’elle a à mener.
Dès son arrivée en France, Joséphine Baker est fascinée par l’idée que la France ne soit pas un pays où sévit la ségrégation à l’américaine.
Elle se sent libre et acceptée comme jamais.
La naissance de la tribu arc-en-ciel-en-ciel
De ce fait, alors qu’elle sait qu’elle ne pourra jamais enfanter, après avoir subi une hystérectomie en catastrophe à la suite d’une grossesse pathologique, l’idée d’adopter fait son chemin.
Quand elle épouse Jo Bouillon en 1947, elle est déjà très active au sein de la Ligue internationale contre l’antisémitisme. Elle sent la France prête à accueillir une société multicolore et multiraciale.
La décision est prise au sein du couple, sous l’impulsion de Joséphine. Il est temps de faire tomber les préjugés, des enfants venus de tous pays, de toutes cultures et de toutes confessions peuvent se considérer comme frère et sœur.
L’humanisme plutôt que le culturalisme : ce sont là les bases de la tribu arc-en-ciel.
Les valeurs de la tribu, chevillées au corps
Akio, adopté en 1953 au Japon est le premier enfant à rejoindre le Périgord et à appeler Joséphine « Petite maman ». Il revient aujourd’hui sur son éducation ; « C’était une humaniste, mais c’est difficile à expliquer. Car pour nous (sic tribu arc-en-ciel en ciel) c’est quelque chose que l’on porte soi… c’est un travail de tous les jours. Dans notre vie, c’est ce qu’on a fait. L’humanisme, on le pratique quotidiennement sans le savoir. » Régulièrement présenté à la presse et au public des conférences contre le racisme menées par Joséphine Baker, Akio retient une chose : la cause avant le reste.
Plus on parle de Maman, mieux c’est. Ça permet de faire avancer sur des sujets pour lesquels beaucoup de gens luttent. Elle n’a été que la figure de proue.
Akio BouillonFrance 3 Aquitaine
Brian, né Brahim et d’origine algérienne, a lui été adopté en 1957 par Jo et Joséphine. Très actif dans la préservation de la mémoire de sa mère et de ses combats, à travers notamment l’écriture d’ouvrages dont l’autobiographie « Le regard d’un fils », aux éditions Patrick Robin, et la biographie de sa mère Joséphine Baker : l'universelle, aux éditions du Rocher.
« Aujourd’hui avec ces problèmes d’antisémitisme et de communautarisme ma mère redevient actuelle » dit-il. « Je pense qu’elle aurait dit « on se retrousse les manches » et aurait montré sa tribu arc-en-ciel, qui était pour elle un symbole de tolérance ».
L’enfance de la tribu
Jean Claude, né en France et retrouvé dans une poubelle par un chiffonnier à Paris, nous raconte son enfances aux côtés de son frère Brian. Lui aussi a écrit des livres "Un château sur la lune" aux éditions Hors collection et réédité complété cette année.
Ce qu’il retient en premier des Milandes, c’est sa situation « A l’époque, c’était quand même la campagne très profonde avec une mentalité de terroir ».
Mais très vite, la vie des enfants de la tribu diffère de celle des autres enfants du village, quant à la perception de ce qu’est l’humanisme et sa mise en pratique.
« Elle nous l’a pas vraiment expliqué, elle nous le montrait à travers le monde. On est allés en Algérie à l’invitation du président Boumédienne, on est allés en Yougoslavie à l’invitation du Maréchal Tito... Par quel mystère ? Je ne saurais vous le dire. »
« On peut ajouter Cuba, Rome avec le Pape, le Roi de Suède, aux Etats-Unis pour les funérailles de Bob Kennedy » reprend Brian.
Ces obsèques sont le moyen d’ouvrir un peu plus la porte aux souvenirs d’enfance et la découverte de leur vie unique.
Jean Claude se souvient du voyage vers New York, il a lieu en novembre 1963, à une époque où Joséphine Baker peine à éviter la banqueroute.
"Joséphine est en train de tout perdre, ici,aux Milandes. Tout est en train de s'effondrer... Et dans l'avion, ma mère coud des écussons France sur nos blazers. On est au mois de juin et il fait une chaleur à crever à New-York ! Pourquoi c'était plus fort que ce qui se passait ici , que son drame personnel ? Parce qu'un des moteurs de Joséphine Baker, c'est la reconnaissance. Et c'est Bob Kennedy qui lui avait obtenu un visa de rentrée aux Etats-Unis alors qu'elle avait été persona non grata et fichée par le FBI" raconte Jean-Claude Bouillon-Baker.
Et partout, l'aura de Joséphine
Au moment d’évoquer la panthéonisation de leur mère, Brian reprend fier les mots du Président Macron lors de sa visite à l’Elysée.
« Je vais oser Joséphine au Panthéon pour le fait qu’elle ait servi la France et aussi pour le fait qu’elle soit un exemple de nos valeurs républicaines. Une femme venue de l’étranger qui est devenue française, qui a voulu cette nationalité et qui a voulu servir ce pays. Pour notre société, pour la jeunesse et l’avenir, c’est un exemple qu’il faut panthéoniser. »
De son côté, Jean-Claude souhaite la définit en un mot : « Elle est in-spi-rante. Je pense que çà inspirera les jeunes générations. Il n’y a pas autant de gens qui soient inspirants à l’heure actuelle, et je pense que c’est un exemple magnifique ». Laissons-lui ce dernier mot.
Émission spéciale "Joséphine Baker, du music-hall au Panthéon"
C'est au château des Milandes, ancienne propriété de Joséphine Baker en plein cœur du Périgord et berceau de sa tribu arc en ciel, que France 3 Nouvelle-Aquitaine propose une émission spéciale à l'occasion de l'entrée au Panthéon d'une artiste pas comme les autres.