Saisi par la filière des producteurs et revendeurs, le Conseil d'État a suspendu l'arrêté gouvernemental du 31 décembre dernier interdisant la vente des fleurs et des feuilles de CBD.
Les officines avaient poussé comme des champignons, dès que l'autorisation de commercialiser le CBD, la version non-psychotrope du cannabis, avait été donnée par un arrêt de la cour de justice européenne. L'Union Européenne avait assuré la légalité du produit CBD en novembre 2020 et on était passé de 300 boutiques ouvertes en France ce mois-là, à 1100 boutiques un an plus tard.
Les fleurs et feuilles brutes de chanvre à la teneur en THC (tétrahydrocannabinol, principale molécule active du cannabis), strictement inférieure à 0,3% avaient trouvé rapidement leur public. Au point de représenter les 2/3 de ce florissant nouveau marché, que les syndicats estiment aujourd'hui à un milliard d'€uros annuel. Le goût, l'odeur, les bienfaits supposés, mais pas les effets nocifs d'une drogue.
Sauf que le Gouvernement n'entendait pas ouvrir trop largement et trop rapidement la porte de ce commerce en plein boom, au motif notamment de la proximité du CBD avec le cannabis. Rien ne ressemblant plus à une feuille de chanvre qu'une feuille de cannabis, puisqu'il s'agit de la même plante hormis leur teneur en THC, les services de l'État redoutent probablement les risques de confusion, plus ou moins volontaires et les difficultés de contrôle.
Le 30 décembre dernier, il publiait donc un arrêté interdisant la vente de fleurs et de feuilles brutes de CBD, privant ces 1 100 nouveaux commerces récemment ouverts d'une part importante de leurs ressources.
Alors, que dans ce même arrêté, il autorisait « la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de cannabis sativa L. dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) n’est pas supérieure à 0,3 % ». Une contradiction flagrante, dont la jeune filière chanvre s'est aussitôt emparée.
Nous avons réagi très très vite, notamment en faisant un recours en excès de pouvoir au Conseil d'État avec un référé en suspension, donc avec une notion d'urgence.
Aurelien Delecroix, Président Syndicat Professionnel du Chanvre
Action qui a porté ses fruits, puisque le Conseil d'État a suspendu (provisoirement) l'interdiction, estimant qu'il existait un "doute sérieux sur la légalité de cette mesure d'interdiction générale et absolue en raison de son caractère disproportionné". Écartant les motivations de l'arrêté, le Conseil d'État ajoute que les moyens de contrôle de la plante sont connus et que le Gouvernement ne démontre pas qu'il est impossible de les appliquer.
Pour les vendeurs c'est le soulagement, même si la situation reste précaire en raison de la suspension "provisoire" de l'arrêté. Certains, très réactifs, n'ont pas attendu la décision du Conseil d'État et avaient déjà baissé rideau en début d'année, anticipant une baisse d'activité trop forte.