Le règlement municipal de Périgueux en écriture inclusive attaqué en justice : les bons sentiments et le bon sens

La municipalité de Périgueux ne voulait apparemment que faire évoluer les mentalités et participer au changement sociétal global. Mais le nouveau règlement intérieur de la Ville en écriture inclusive (faisant une meilleure place au féminin) est contesté au nom de la constitution... et du bon sens.

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Les polémiqueur.euse.s y verront sans doute une manifestation machiste d'arrière-garde. Pourtant le débat mérite qu'on s'y attarde un peu plus profondément. La ville de Périgueux vit une petite révolution depuis les dernières municipales. C'est la première fois qu'elle n'est pas dirigée par un homme. La socialiste Delphine Labails fait partie de cette nouvelle génération de femmes décomplexées qui illustrent par l'exemple que les femmes peuvent conquérir des postes importants au même titre que les hommes, sans que cela ne pose plus question sur la place publique. Pour information auprès des plus jeunes, cela n'a pas toujours été le cas.

Faisant tomber les bastions machistes les uns après les autres, les hommes et les femmes animés par ces valeurs ont investi les terrains médiatiques, politiques, culturels, symboliques en plongeant toujours plus profond dans les racines de cette culture de "l'homme supérieur". C'est dans cet esprit que l'écriture inclusive tend à initier le "dégenrement" de la langue. Langues dégenrées, neutres, épicènes, non-sexistes ou inclusives militent pour asexuer le langage, ou plutôt pour faire en sorte que le masculin cesse de l'emporter sur le féminin.

Le règlement intérieur du Conseil Municipal de Périgueux voté le 18 décembre dernier a été rédigé en langue inclusive, dans cet esprit avant-gardiste de neutralité égalitaire et non-discriminante. Louable intention de faire évoluer les mentalités.

C'est vraiment l'outil par essence qui permet au Conseil Municipal de fonctionner, c'est un outil technique mais aussi politique [...] et on a considéré que dans cet outil-là, les femmes et les hommes devaient avoir exactement la même place. Sur le plan philosophique, ça permet de montrer un véritable engagement.

Delphine Labails, maire de Périgueux

Une initiative contre-productive ?

Sauf que. Patrice Reboul, habitant de Périgueux, ancien avocat, ancien socialiste, membre du Parti Radical de Gauche et homme, a trouvé à y redire. Selon lui, il serait faux de penser que "la forme des mots conditionne les rapports de force dans la société". En bref, l'écriture inclusive, il n'a rien contre, mais pas dans ce cadre-là.

C'est totalement contre-productif. C'est présenté comme favorisant le féminisme. Plus que le favoriser, je crois que ça le dévalorise, parce que plus personne n'y comprend rien !

Patrice Reboul

Le 25 janvier dernier, il a saisi le Tribunal Administratif et demandé l'annulation de ce texte au motif qu'il constituerait une "erreur de droit". Il a notamment argumenté sur l'inconstitutionnalité en rappelant qu'au vu de l’article 2 de la Constitution, "la langue de la République est le français". Ainsi, un texte officiel qui n'est pas rédigé en Français n'est pas constitutionnel.

Le débat n'est pas nouveau. Fin 2017, alors que la tentation d'imposer l'écriture inclusive émanait de toutes parts, le Premier Ministre de l'époque, Édouard Philippe avait envoyé une circulaire sur les règles de féminisation. Il y demandait à ses minitres d'éviter l'écriture inclusive dans les textes destinés au Journal Officiel. Par la suite, les recours déposés contre cette circulaire avaient tous été rejetés par le Conseil d'État dont la jursisprudence établit depuis que "tout acte d’administration rédigé ainsi est nul".

De l'eau au moulin du conseiller municipal d'opposition Michel Cadet (un autre homme) qui soutient également que cette langue écrite est "inaudible à l'oral" et qu'elle exclue les interlocuteurs au nom de l'idéologie.

De fait, il faut bien avouer que cette graphie, pour être plus égalitaire, n'en est pas plus facile à lire, et encore moins à prononcer, que ce soit pour «les élu.e.s» ou «les électeur.rice.s», bref, pour tous les Périgourdin.e.s. Patrice Reboul s'inquiète donc pour les personnes dyslexiques, mal-voyantes ou ayant des problèmes de lecture, le texte inclusif devenant de fait excluant pour ces personnes. Ou quand l'anti-discrimination devient discriminatoire.

Pour l'heure, le Tribunal Administratif n'a toujours pas rendu son jugement, et aux dernières nouvelles, il y a peu de chance qu'il le fasse en langue inclusive.

 

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