Dans son ouvrage « L’homme en rouge », plébiscité par la critique, Julian Barnes nous transporte à la Belle Epoque en compagnie d’une star de la médecine, Samuel Pozzi, originaire de Bergerac. Profitez de l’été pour partir à sa découverte.
L’auteur britannique ne connaissait rien de ce Français avant de découvrir, dans un musée de Londres, le tableau peint par John Sargent en 1881: «Docteur Pozzi dans son intérieur ». Barnes part donc à la découverte de ce garçon du Périgord devenu très vite un membre éminent de la haute société parisienne.
Au début du siècle dernier, on trouve même dans les tablettes de chocolat de chez Félix Potin, sa vignette-photo parmi les célébrités contemporaines...
Le « Docteur Dieu »
Samuel Pozzi a révolutionné la chirurgie en France. Ce père de la gynécologie moderne, développe l’hygiénisme et innove en se souciant du bien-être de ses patients. Il est aussi versé dans les arts et la littérature. Son mentor, le poète parnassien Leconte de l’Isle, lui présentera Hugo et Sarah Bernhardt. Leur liaison se transformera en amitié pour un demi-siècle. La comédienne l’appelle « Docteur Dieu » ou « L’Amour médecin » ; il l’appelle « Divine Sarah »...
« Il est beau…que ça en est dégoûtant »
Au travers du livre, c’est toute une période faste qui est retracée : La Belle Epoque. Le temps des dandys. Le temps des duels pour une réflexion jugée offensante. Le temps des « shoppings intellectuels et créatifs » qui transportent Samuel Pozzi à Londres avec ses compères Montesquiou et Polignac. On y va acheter des tissus, mais aussi rencontrer auteurs et peintres à la mode.
La Belle Epoque voit le triomphe de l’art français : Monnet, Manet, Pissaro, Cézanne, Renois, Matisse, Lautrec , Degas... Barnes nous livre aussi les côtés plus sombres de cette folle période où tout semblait possible et qui sera au final engloutie quand sonnera le tocsin de la Première Guerre Mondiale.
Samuel Pozzi est donc bien le fruit de cette bouillonnante époque. Séducteur accompli, ami des plus grands. Il est un intime de la famille Proust, il invita le jeune Marcel à son premier « dîner en ville », place Vendôme, et il l’aidera plus tard à éviter d’être mobilisé.
« Jamais je n’ai rencontré un homme d’une telle séduction (…) avec un art de plaire que nul n’aura exercé comme lui » dira de lui son ami Montesquiou. La princesse de Monaco a un avis plus tranché « Il est beau, beau…que c’en est dégoûtant ». Pour Léon Eddel, biographe de Henry James, Pozzi est « un médecin mondain, un collectionneur de livres et un brillant causeur doté d’une bonne culture générale »
Avec « L’homme en rouge », Julian Barnes tisse. Considérations littéraires, artistiques, observations de société britannique et française de la fin du XIXe, et rêveries actuelles. La main de l’homme en rouge fait le lien d’un sujet à l’autre.#JulianBarnes @MercuredeFrance pic.twitter.com/2YrNCczB5b
— Coome (@CoomeUniik) March 10, 2021
Sénateur de Dordogne
Samuel Pozzi se piqua aussi de politique. En 1899, il est élu sénateur de Dordogne. Toute sa vie, il s’occupa du domaine de la Graulet, propriété maternelle aux portes de Bergerac. Le nom de l'illustre médecin a été donné à l’hôpital de la ville.
Extrait du récit écrit :
« On pourrait commencer, prosaïquement, par ce qui peut être décrit comme une robe de chambre. Rouge-ou plus exactement écarlate-et allant du cou jusqu’à la cheville, laissant voir des ruchés blancs aux poignets et à la gorge…Est-ce injuste de commencer par ce vêtement, plutôt que par l’homme qui le porte ? Mais c’est ainsi représenté et ainsi vêtu que nous nous souvenons de lui aujourd’hui. Qu’en eût-il pensé ? En aurait-il été rassuré, amusé, un peu offusqué ? »
Auteur : Julian Barnes
Traduction : Jean-Pierre Aoustin
Editeur : Mercure de France
Date de parution : 10/09/2020
ISBN : 2715254024
Nombre de pages : 304