Au sud-est de Périgueux, la commune de Rouffignac-Saint-Cernin-de-Reilhac s'apprête au départ à la retraite de deux médecins généralistes. Sans personne pour leur succéder.
Une telle situation en France nous aurait parue incroyable, voire scandaleuse il n'y a pas si longtemps. Elle nous semble tristement banale aujourd'hui. La petite commune de Rouffignac-Saint-Cernin-de-Reilhac, au sud-est de Périgueux, s'apprête à perdre deux de ses trois médecins généralistes. De la génération de tant d'autres médecins, ils sont atteints par la limite d'âge et ont largement effectué leur part de travail.
Inéluctable
Situation tristement banale, surtout en zone rurale. Et les choses ne vont pas aller en s'améliorant, les maisons médicales et la télémédecine ne palliant que bien localement et bien partiellement le problème. Un sparadrap sur une jambe de bois diraient certains. C'est que les professionnels manquent et que les rares disponibles préfèrent le confort et les services de la ville.
Parallèlement, les médecins de campagne installés depuis des décennies arrivent en masse à l'âge de la retraite.
40% d'entre eux ont plus de 60 ans en Dordogne, précise le baromètre santé-social de Nouvelle-Aquitaine publié en début d'année.
Des milliers d'habitants sans médecin proche
Et en Dordogne, ils n'étaient déjà pas très nombreux. 137 pour 100 000 habitants exactement, contre 154 pour la moyenne nationale.
Dans le département, on en est à 26 communes qui cherchent un praticien pour s'occuper de la population. Les plus chanceux sont suivis par un médecin pas trop âgé qui pourra les suivre plusieurs années encore, pas trop loin de chez eux.
Les autres se débrouillent comme ils peuvent, font des kilomètres pour se faire ausculter, quand ils arrivent à trouver un médecin libre qui les accepte, passent par les urgences, et parfois, renoncent à consulter.
1500 patients sur le carreau
C'est la situation qui se profile à Rouffignac-Saint-Cernin-de-Reilhac. Ici, un quart de la population a plus de 70 ans, l'âge où la proximité d'un médecin est plus que jamais nécessaire. Les délais de rendez-vous sont déjà souvent d'une semaine, ils vont fatalement encore d'augmenter. À la fin de l'année, deux des trois médecins généralistes partiront à la retraite. Et cela fait longtemps que le troisième médecin, déjà surchargé, n'accepte plus de nouveaux patients. Que vont devenir les 1 500 patients des médecins qui partent ?
Surchargé... et fataliste
Dans la pimpante maison médicale, le docteur Andreï Visoianu risque de se retrouver bien isolé au mois de janvier. Il s'occupe déjà de 600 patients à lui tout seul, sans compter les enfants. Fataliste et professionnel, il sait que même s'il n'accepte plus de nouveaux patients, il va y avoir des moments où ça va coincer.
C'est mon devoir d'essayer de gérer et de m'occuper des patients. Je ne peux pas leur promettre que je peux les prendre en charge en permanence. Je leur explique que ma porte est ouverte. En cas d'urgence, on n'a pas le choix...
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Casse-tête médical
À la mairie, on ne découvre pas le problème. Depuis un an, l'équipe municipale se creuse la tête, et depuis six mois une petite annonce est régulièrement publiée dans un magazine spécialisé. La mairie propose des avantages, elle est prête à étudier toutes les propositions des éventuels postulants. Encore faudrait-il qu'il y en ait, des postulants. Raymond Marty, le maire, se désespère. Après avoir fait le tour de ses collègues des autres communes, il constate qu'ils sont "tous dans la même galère". Une maigre consolation.
À qui la faute ?
À se demander quels choix ont été faits et quelles erreurs ont été commises, combien de temps et par qui pour qu'on en arrive à ça : ne pas avoir les moyens de soigner correctement une partie de la population d'une des plus grandes puissances économique mondiale.