Creuse, Dordogne et Lot-et-Garonne sont les départements néo-aquitains les plus déshérités en généralistes et spécialistes. Le rapport de l'observatoire de la santé de la Mutualité Française, alarmant, fait apparaître un phénomène croisé d'aggravation du déficit face à une population vieillissante
"- Bonjour, je souhaite prendre un rendez-vous dès que possible...- Désolée, nous ne prenons plus de rendez-vous d'ici la fin de l'année. Pour prendre un rendez-vous en 2021, il faut que vous rappeliez à partir du mois de novembre.
- Et le rendez-vous sera pour quand ?
- Nous ne pouvons pas vous le dire pour l'instant... probablement pas avant trois mois.
- Et si c'est un cas urgent ? Un cancer ?
- Dans ce cas, il faut appeler votre médecin traitant pour qu'il appelle le médecin de garde qui essaiera de trouver un rendez-vous le plus rapidement possible..."
Voilà ce qui se passe lorsque vous appelez l'hôpital de Périgueux pour prendre un rendez-vous avec un pneumologue.
Et vous n'aurez pas beaucoup plus de chance en vous adressant aux trois autres spécialistes qui exercent en libéral (un à Sarlat, les deux autres à Périgueux), ils sont déjà débordés.
Deux cabinets de pneumologie pour 410 000 habitants
D'ailleurs bientôt il pourrait n'en rester qu'un, les deux autres doivent prendre leur retraite dans peu de temps. Il resterait alors deux cabinets de pneumologie pour 410 000 habitants. En Dordogne, mieux vaut économiser son souffle.Et la pneumologie n'est qu'une des nombreuses spécialités concernées par le phénomène. Alors qu'à Paris, il faut attendre 29 jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologue, dans les villes petites ou moyennes, le délai monte à 97 jours !
Le risque du renoncement au soin
Selon l'observatoire de la Santé, en Dordogne 13% de la population rencontre des difficultés pour consulter un médecin. Pour une consultation de spécialiste, ceux qui le peuvent se tournent vers Bordeaux, Limoges, Brive ou Angoulême. C'est moins simple si vous êtes âgé, que vous avez peu de moyens, peu de temps ou des soucis de mobilité. Dans ce cas, le risque de renoncement aux soins est grand, et l'absence de suivi d'une pathologie peut avoir des conséquences graves.Doit-on y voir une incidence ? Une maladie qui n'est pas soignée à temps peut se transformer en ALD (Affection Longue Durée), aussi pénible pour le malade que coûteuse pour le système de santé. En 10 ans, entre 2008 et 2018 le nombre d'affections longue durée a bondi de 40 % !
Villes et campagne, généralistes et spécialistes
Cette crise des spécialistes en ville s'ajoute aux tristement banals déserts médicaux généralistes en zone rurale. On estime à plus de 11% le nombre de Français vivant dans une commune où l'accès à un généraliste est compliqué. Le tout, alors que le vieillissement de la population accroît les besoins. C'est ce qui ressort de la quatrième édition de l’Observatoire-Place de la Santé de la Mutualité Française consacrée à l’accès territorial aux soins.Sans mesures fortes sur l’organisation des soins, des pouvoirs publics ou par les professions de santé, l’accroissement des inégalités est inéluctable.
Creuse et Dordogne : des déserts médicaux plus graves, et un population plus vieille
Le rapport annuel dénonce cette désertification médicale qui aggrave les difficultés d’accès aux soins. En Nouvelle-Aquitaine, relève l’observatoire, ils sont particulièrement accentués en Dordogne et en Creuse, les départements où les plus de 60 ans sont les plus nombreux (plus de 38% contre 27% en moyenne en France).La demande de soins insatisfaite sur le territoire français n’a cessé de croître ces dernières années pour des raisons démographiques, géographiques et médicales et la tendance est amenée à se poursuivre.
La population vieillit, les médecins aussi
L’observatoire souligne qu'en Dordogne, il n'y a que 138 généralistes pour 100 000 habitants, contre 194 en Nouvelle-Aquitaine. Et comme 56% de ces généralistes ont plus de 55 ans, le problème va s’aggraver dans les années à venir.En Creuse, 67% des médecins ont au moins 55 ans cette année. D'ici 5 ans, le département pourrait perdre plus de la moitié de ses généralistes !
Les chiffres ne sont pas meilleurs pour les spécialistes. Dans le département ils ne sont que 106 pour 100 000 habitants en Dordogne, et 88 en Creuse, contre 190 en France métropolitaine.