Depuis plus de deux ans, la Périgourdine Clémence Rouher se bat pour récupérer ses filles, enlevées par leur père et retenues au Liban. L’explosion qui a dévasté une partie de la ville de Beyrouth, mardi, vient encore compliquer la situation.
Lorsque la violente déflagration a secoué la ville, Clémence était dans un café en compagnie de l'une de ses amies.
Nous avons ressenti deux explosions : la première nous a fait nous courber et nous mettre à terre, le souffle de la deuxième nous a emportés et a emporté les baies vitrées du café dans lequel je me trouvais.
Dans l’établissement, tout le monde pense à cet instant qu’une voiture piégée vient d’exploser dans la rue. En réalité, c’est sur le port que l’accident vient de se produire, dans un entrepôt de nitrate d’ammonium. Le choc a été ressenti à des dizaines de kilomètres à la ronde. En quelques secondes, la moitié de la capitale libanaise a littéralement été soufflée.
Stunning video shows explosions just minutes ago at Beirut port pic.twitter.com/ZjltF0VcTr
— Borzou Daragahi ?? (@borzou) August 4, 2020
Clémence et ses filles vont bien.
Dehors, les rues sont jonchées de débris de verre, les gens sont sidérés, Clémence décrit "un spectacle de guerre, terrifiant". Son appartement, situé dans un quartier près du port, est ravagé. Rapidement, elle parvient à joindre ses filles, Yasmine et Salomé, par téléphone.Un soulagement, mais aussi le sentiment qu’un poids supplémentaire vient s’ajouter sur ses épaules. Depuis l’enlèvement de ses filles par leur père en avril 2018, la journaliste Périgourdine n’a cessé de voir les obstacles se dresser sur sa route : juges corrompus, crise économique et sociale, révolution, COVID… cette tragédie s’ajoute à une liste d’embûches déjà longue.Mes filles ont eu la grande chance d’être logées dans la montagne, sur les hauteurs de Beyrouth ; elles n’ont pas ressenti le souffle de l’explosion. Physiquement, tout le monde va bien.
Les jours à venir seront compliqués.
Déjà empêtré dans une crise économique historique, le Liban aura du mal à reconstruire sa capitale. Clémence, comme tous les habitants de Beyrouth, souffre depuis des semaines de la forte dévaluation de la monnaie nationale : les prix ont été multipliés par dix.Avec la destruction du port, la situation ne peut que se détériorer. Pour Clémence, l’avenir est plus que jamais incertain.Clémence nous dit régulièrement qu’elle ne sait pas comment elle va faire pour manger. Aujourd’hui, elle ne vit que grâce à une cagnotte Leetchi, que nous avons mise en place avec le comité de soutien.
Un appel à l'aide
Jusqu'alors, Clémence comptait sur les tribunaux pour la délivrer de son cauchemar. Depuis la France, le comité de soutien "Pour le retour de Yasmine et Salomé" était également suspendu aux audiences successives, dans l'attente d'une bonne nouvelle.Avec la crise majeure que traversait le pays, l’administration tournait déjà au ralenti depuis des mois, les magistrats ne se donnant même plus la peine de venir dans les tribunaux pour statuer. Mais avec cette nouvelle tragédie, difficile d’imaginer un retour rapide à la normale.La Cour de cassation libanaise a déjà reconnu la légitimité des décisions françaises, qui ont toujours fixé la résidence des filles en France. Aujourd’hui, Clémence attend une ultime décision en appel, puisque le père de ses enfants a fait appel de cette décision historique.
Pourtant, plus que jamais, il y a urgence. Demain jeudi, Emmanuel Macron se rendra au Liban. Clémence espère qu'une fois de plus son dossier sera abordé et que le président français fera un geste pour lui venir en aide.J’en appelle à l’Etat Français ! Des promesses m’ont été faites par Emmanuel Macron et son cabinet il y a maintenant deux ans, où il m’a été dit que je serais soutenue. (...) mais pour l’instant je suis bien seule !
Au lendemain de l’explosion, nous avons joint Clémence Rouher par messagerie vidéo. Voyez ci-dessous son témoignage.