Thibaud Morthelier prépare des haches comme les connaissaient nos aïeux. Il propose aussi des faux, des houes et tous les outils manuels dont l'usage s'est perdu avec les machines. Son credo, redonner son sens au travail manuel et se préparer à un avenir en pleine mutation
On est à l'extrémité de la Dordogne, sur la frontière avec le Lot, à quelques kilomètres de Gourdon. Un atelier dans un abri de bois couvert de brandes de bruyères, un établi de menuisier rustique et un homme qui façonne son ouvrage à la main, sa plane de charron dégauchissant méthodiquement le bois... La scène nous replonge deux siècles plus tôt, à une époque où les outils ne venaient pas d'une usine chinoise, mais se façonnaient localement et à la main, sans électricité.
Outils d'antan
C'est l'atelier de Thibaud Morthelier, grand adepte d'outils et de savoir-faire anciens. Thibaud a monté son commerce de détail, la Frontière, et propose la vente "d'outils traditionnels essentiels et de qualité, pour un nouveau mode d'agriculture à petite échelle". Des outils manuels de qualité, adaptés aux usages locaux, pour un retour à des modes de vie plus autonomes.
Retour aux sources
L'autonomie, le développement durable, l'indépendance face à l'énergie, le retour aux savoir-faire et méthodes ancestrales : porté par l'actualité, le concept n'a plus rien d'anecdotique. Thibaud Morthelier revendique ce retour salutaire à un mode de vie certes plus laborieux, mais aussi plus simple et vertueux, avec "une sélection d'outils traditionnels essentiels à la vie depuis des siècles, pour équiper les pionnières et les pionniers d'un mode de vie plus lent, plus sain et plus convivial sans machines." Une philosophie qui fera peut-être sourire les industriels du bois et de l'agriculture et les adeptes de la motoculture en général, mais les temps changent. Souvenez-vous, il n'y a pas si longtemps, on souriait des friperies d'occasion, du zéro déchets, des végétariens (avant qu'ils soient végans), et même du changement climatique.
De la vertu du travail manuel
Bref, les outils que Thibaud aimerait (re)mettre entre toutes les mains sont destinés avant tout à remettre du sens dans l'activité humaine. Un sens qui se perd depuis plusieurs générations, dans notre course à la rentabilité, l'immédiateté, la facilité et le modernisme. Faucher un champ, labourer une terre ou couper un tas de bois, on ne sait plus faire sans machine. Du coup, avec le savoir-faire, on a aussi perdu le sens de l'effort, celui de l'entraide et le respect du rythme naturel liés aux pratiques manuelles. On a aussi perdu dans le même temps la santé liée à une activité physique régulière.
Retour vers le futur ?
Certes, on imagine mal en France un passage global, radical et immédiat à une société totalement sans machine. Mais rien n'empêche chacun de se préparer en douceur et à son niveau à se libérer un peu de sa dépendance au modernisme. Et pour les sarcastiques qui se gaussent déjà d'un retour à l'âge de pierre, Thibaud affiche son argumentaire sur son site : "Plutôt que de représenter un retour en arrière, la Frontière est le passage vers un monde du vivant. Un nouvel âge pionnier où l’on sort de nos intérieurs, de nos bureaux, de nos grandes surfaces ; dans lequel nous remplaçons la machine et restaurons un monde enviable pour les générations présentes et à venir." Les temps changent. Et vous ?