Trois mois après son procès auquel il ne s’est pas présenté, le sexologue accusé de viol et de détention d’images pédopornographiques est toujours introuvable. En attendant, l’une de ses victimes a décidé de s'exprimer.
Le 8 novembre dernier devant la cour d’assises de Périgueux, Katia témoignait face à un box désespérément vide. Son bourreau, Lionel Agullo, sexologue de 63 ans accusé de viol et de détention d’images pédopornographiques, ne s’est pas présenté à son propre procès.
Après avoir usé pendant dix ans de tous les leviers juridiques pour retarder son jugement, il a disparu sans laisser de traces juste avant sa convocation. Tout sauf une surprise pour Katia : "Ça ne m’a pas étonnée, parce qu’avant le procès il y a déjà eu beaucoup d'embûches, rappelle-t-elle. Il a usé de beaucoup de stratagèmes pour ne pas arriver jusque-là. J’ai toujours dit : j’y croirai le jour où je le verrai dans la salle. Quand je suis arrivée , je ne l’ai pas vu dans les couloirs, et quand j’ai vu l’heure se rapprocher et que je ne le voyais toujours pas, je me suis dit : OK, il est allé jusqu’au bout, il ne sera pas là.”
Une condamnation symbolique
Le procès s’est tout de même tenu, aboutissant à la condamnation de Lionel Agullo à six ans de réclusion criminelle. Une étape aussi importante que frustrante pour Katia, qui sait son violeur toujours en liberté. “Quand pendant dix ans il a le droit de faire ce qu’il veut de sa vie alors que vous savez que c’est quelqu’un de potentiellement dangereux, ce n’est plus de votre ressort, admet-elle avec amertume. J’ai fait mon travail de citoyen. Derrière, si les instances ne font pas ce qu’il faut, si elles n’y arrivent pas ou s’il est plus malin, ce n’est pas mon problème.”
Reportage d'Emilie Bersars et Florian Rouliès
Alors, fallait-il aller jusqu’au bout ? Oui, selon Maître Nadège Trion, l’avocate de la victime, qui se retrouve pour la première fois face à un tel cas de figure. “Il fallait le faire pour elle, pour qu’elle puisse au moins tourner une première page du livre et qu’elle puisse se consacrer à autre chose que cette procédure judiciaire longue et difficile, appuie-t-elle. Ne pas le juger, c’est le laisser présumé innocent, puisque vous êtes innocent jusqu'à ce que vous soyez reconnu coupable.”
Des recherches en question
Depuis le mois de novembre 2021, il n’existe plus aucune trace de Lionel Agullo, y compris en ligne où il a supprimé tout le contenu qui se rattachait à son nom. Le parquet de Périgueux, chargé du dossier, demeure très discret sur les moyens mis en œuvre pour le retrouver. “Le condamné est inscrit au fichier des personnes recherchées, il est effectivement recherché, confirme Solène Belaouar, la procureure de Périgueux. Je ne pourrai pas entrer dans les détails.”
“Je n’ai pas l’impression qu’il est recherché, regrette pourtant Katia. J’habite plus très loin de là où était son cabinet, et cela fait déjà trois fois que je vois quelqu’un qui ouvre les portes chez lui, qui attend en fumant sa cigarette sur le balcon. Ces lieux sont au moins aérés… Ca pose question.”
Mêmes doutes du côté de son avocate : “Je pense que les effectifs de police et de gendarmerie de l’Etat ne permettent pas d’aller taper à toutes les portes de Dordogne et de France pour vérifier si M. Agullo ne se cache pas dans un trou de souris.” Et de poursuivre : “Cela peut être frustrant de ne pas être tenu au courant des démarches faites pour tenter de le retrouver.”
Quelle issue ?
En cas d’arrestation, deux solutions s'offriront au condamné : “Soit il pourra accepter sa peine qui deviendra définitive, soit s’il s’y oppose, il y aura alors un nouveau procès organisé”, explique Solène Belaouar, la procureure de Périgueux. Il serait alors jugé en première instance, comme s’il était convoqué pour la première fois.
De son côté, Katia espère voir un jour Lionel Agullo derrière les barreaux, mais ne préfère pas trop se projeter sur une telle éventualité. “Les faits seront les mêmes et la manière de les exprimer ne sera pas différente, imagine-t-elle. Sa présence aura un autre impact mais je n'anticipe pas lequel, étant donné qu’il y a déjà eu ce premier procès, qu’entre temps je ne sais pas combien de temps va passer ni l’avancée personnelle que j’aurai faite sur tout cela.”
Au procès de novembre 2021, trois autres femmes avaient témoigné, dont deux qui avaient déjà porté plainte : l'une pour agression sexuelle en 2008, l'autre pour viol en 2014. La première affaire avait abouti à un non-lieu, l'autre avait été frappée de prescription.