Les petites stations essence indépendantes ne peuvent pas vendre leur carburant à perte à partir du premier décembre, comme le préconise le Gouvernement. Face à la concurrence de la Grande Distribution, elles attendent des compensations sérieuses sans lesquelles elles devront fermer
Serge Rieupet aurait tout pour être heureux, il est gérant d'une petite station essence en Dordogne, à Saint-Médard de Mussidan qui existe depuis 45 ans. Elle est située sur un axe qui voit passer entre 1500 et 2500 véhicules chaque jour. Mais depuis qu'il a entendu la nouvelle à la radio, il se demande ce que va devenir son activité.
Pendant six mois à partir du premier décembre, la vente à perte des carburants sera autorisée "pour compenser l'inflation". Outre qu'elle contrevient à l'interdiction française de la revente à perte qui date de 1963, cette décision est plutôt un cadeau pour les grands groupes pétroliers et surtout pour les stations service de la grande distribution qui vont pouvoir rivaliser de quelques centimes par litre pour attirer le client, en compensant la perte sur d'autres produits. Pour la petite station de Serge, entourée de supermarchés, c'est une nouvelle mortifère.
C'est sûrement la fin de notre activité s'il n'y a pas de solution viable émanant du Ministère pour nous aider.
Serge Rieupet, gérant de station indépendante
Marges déjà minimales
Sur les 1,99 euro que Serge Rieupet facture son litre d'essence à la pompe, il ne touche une marge minime que de deux centimes environ. Inenvisageable pour lui de s'en priver et de travailler à perte. Même discours chez Christine Sagot et Maurice Caillaud, un couple de garagistes et pompistes indépendants installé depuis une douzaine d'années dans le petit village de Saint-Pierre de Chignac, entre Thenon et Périgueux.
Stations service et service au public
Ils avaient envisagé la fermeture, mais ont finalement décidé d'installer un guichet automatisé. Chez eux, le prix du litre dépasse allègrement les deux euros. Ils ne vendent pas de volumes suffisants pour acheter leur carburant bon marché, et ne peuvent évidemment pas s'aligner sur les prix des grandes surfaces.
Ils se sont résolus à n'être qu'une station "de dépannage", où riverains et conducteurs imprévoyants viennent prendre pour une dizaine d'euros de carburant, le temps d'aller faire le plein en grande surface. Station de dépannage peut-être, mais un service essentiel en zone rurale.
"Les gens dans les petits villages comme le nôtre, ils apprécient d'avoir une station, mais pour avoir des aides de l'État, on n'en a pas du tout" lance Maurice, amer. "On ne vendra jamais le carburant à perte," complète Christine. "Si vraiment on était obligés, à ce moment-là, on ferme, on n'aura pas le choix !"
Voir le sujet France 3 Périgords - Taliane Elobo & Pascal Tinon
Des compensations "sérieuses" ?
La balle est donc dans le camp du gouvernement qui s'est d'ores et déjà engagé à répondre aux demandes de compensations "sérieuses" exigées notamment par Francis Pousse, président national de la branche "Distributeurs Carburants et Énergies Nouvelles" du syndicat Mobilians qui représente 5 800 stations-service hors grandes surfaces. Lors d'une réunion d'urgence hier à Bercy, les ministres ont annoncé un "plan d'accompagnement des stations-service traditionnelles", qui comprendra "l'instauration de mesures de compensation" immédiates, mais aussi un plan de transformation de ces entreprises à plus long terme.
Quant à l'efficacité de la mesure elle-même, certains économistes craignent un effet limité. D'après eux, seules les grosses stations déjà en forte concurrence feront un effort, minimum si possible. Un manque à gagner qu'elles tenteront naturellement de compenser par ailleurs.