Il est de retour chez lui à Bergerac avec des souvenirs plein la tête et le sentiment d’avoir renoué avec son peuple. En affichant un maillot au nom de Mahsa Amini, cette jeune Iranienne décédée en septembre, le Périgourdin Masrour Makaremi a voulu montrer son admiration aux femmes qui luttent dans son pays d'origine.
C’est un voyage qu’il n’est pas prêt d’oublier. Masrour Makaremi s’est rendu au Qatar pour la Coupe du monde de football. De retour chez lui en Périgord, les souvenirs sont gravés dans la mémoire et dans l’ordinateur de cet homme né à Chiraz, en Iran, deux ans avant la Révolution islamique de 1979.
Le fait de voir des personnes qui ont cette même envie que moi. Ça me renoue avec mon peuple
Masrour MakaremiFrance 3 Aquitaine
Afficher un soutien aux femmes en lutte
Lundi 21 novembre, il assiste à l’ouverture de la compétition. L’Iran affronte alors l’Angleterre et perd six buts à deux. Mais l’enjeu est ailleurs pour celui qui est venu rejoindre son père en France en 1986 à l’âge de 10 ans. Comme d’autres de ses compatriotes, cet amoureux du ballon rond ne veut pas rester silencieux. Sur place, il retrouve des exilés installés dans le monde entier. "C’était un moment merveilleux, je découvre qu’il y a d’autres expatriés qui sont là et on s’est naturellement regroupés."
Un tel rendez-vous planétaire est l’occasion d’afficher leur soutien aux femmes qui luttent pour leurs droits dans le pays. Ensemble, devant le stade, ils chantent l’hymne de la révolte des femmes contre le régime des mollahs.
"Cette frustration que j’avais de ne pas être au contact de mon peuple, de toutes ces personnes qui veulent essayer de manifester, de montrer leur colère par rapport au régime islamique, et bien le fait de voir des personnes qui ont cette même envie que moi. Ça me renoue avec mon peuple".
Chez lui, devant son ordinateur, dans son bureau à Bergerac, il se revoit au Khalifa International Stadium portant le maillot iranien floqué au nom de Masha Amini. Du nom de cette jeune femme de 22 ans, arrêtée le 13 septembre par la police des mœurs en Iran pour "tenue inappropriée" et décédée trois jours plus tard à l'hôpital. Depuis sa mort, une vague de contestation populaire souffle sur le pays contre la théocratie de Téhéran.
Du geste anodin à l'acte de résistance
Et cette autre photo sur laquelle il s’arrête : "je ne voulais pas porter un maillot qui avait ce signe-là". Ce "signe là" c’est le signe de la République islamiste sur le drapeau de l’Iran qu’il a effacé. Des gestes qui peuvent paraître anodins, mais qui sont de véritables actes de résistance, même à des milliers de kilomètres.
"J’ai tellement d’admiration pour ses jeunes femmes, il faut s’imaginer, une jeune femme qui a cette force d’aller vers les forces de l’ordre, de dire 'moi, je lève mon voile et si vous voulez tirez-moi dessus', c’est très profond. C’est un acte qui nous amène à beaucoup d’humilité parce que de l’intérieur, elles sont extrêmement courageuses".
Masrour Makaremi, dont la mère a été emprisonnée, puis exécutée par le régime, ne veut pas se taire. Il veut continuer à faire vivre cette révolution. Il continuera en Périgord où il s’est installé en 2007 après avoir obtenu un doctorat d’orthodontie.
C’est là, dans le Bergeracois, que sa passion pour le vin et l’histoire du vin perse a vu le jour. Une terre sur laquelle il a créé Cyrhus, une cuvée 100 % syrah produite sur deux hectares. Un autre acte de résistance au régime des mollahs. La consommation d’alcool est interdite en Iran depuis 1979.