VIDÉO : il y a 80 ans, la rafle des Juifs de Dordogne

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Cette année marque les 80 ans des rafles de février 1943. ©France 3 Périgords : Bertrand Lasseguette et Florian Rouliès

Du 23 au 27 février 1943, la police et la gendarmerie française, raflaient des Juifs en Dordogne. Rencontre avec Bernard Reviriego, spécialiste de cette période, qui a étudié toutes les archives disponibles sur ce crime d'Etat.

Cette opération s’est montée en quelques jours, dans une certaine précipitation. Tout est parti d’une action de la Résistance. Le 13 février 1943, à Paris, sur le pont des Arts, deux officiers de la Luftwaffe (armée de l’air allemande) sont assassinés. Comme ils en ont alors l’habitude. Les Allemands décident de représailles très sévères. Ils exigent la déportation de 2000 Juifs.

Quatre-vingt dix Juifs sont "sélectionnés"

Mais c’est l’Etat français, qui va se charger de les sélectionner et de les arrêter. Des quotas sont fixés par département. 90 doivent être raflés en Dordogne.
A la préfecture d’organiser le « ramassage des Israelites » en s’appuyant sur la police et la gendarmerie.

Suite la législation antijuive de juin 1941, des recensements avaient été effectués. C’est sur la base de ces listes que les services préfectoraux vont choisir leurs cibles.
Ancien archiviste en chef aux Archives départementales de la Dordogne, Bernard Reviriego est un spécialiste local de la persécution des Juifs. En 2003, il avait déjà signé un épais ouvrage aux éditions Fanlac, Les Juifs en Dordogne.

Dans son nouveau livre, il a restreint ses recherches à ces trois rafles, des 23, 24 et 27 février 1943. Avec lui, nous avons pu consulter les documents originaux qui ont servi à l’exécution de ce crime d’Etat.
Crime d’Etat, le mot peut paraître fort, mais ces personnes arrêtées et regroupées au gymnase Secrestat de Périgueux ont été envoyées ensuite à la mort, dans les camps d’extermination de Maïdanek et Sobibor, après avoir transité via d’autres camps français, Gurs (64), Nexon (87) et Drancy (93).  

Les autorités de Vichy avaient décidé de critères de sélection pour ces rafles de février 1943.

"Je suis fait comme un rat"

Des hommes seulement, étrangers, avec possibilité d’échapper à la déportation si l’on avait des attaches familiales comme des enfants nés en France ou si l’on avait combattu dans l’armée française. Sur les listes des noms se retrouvent ainsi rayés, on peut y observer l’expression EV, pour engagé volontaire, qui en a sauvé certains. Encore fallait-il être en mesure de le prouver. Bernard Reviriego a accompli un long travail pour identifier chaque victime et collecter le maximum d’informations. Parfois des témoignages de proches.

Dans les documents conservés à Périgueux, il a ainsi retrouvé une carte-lettre, écrite depuis le gymnase Secrestat. Son auteur, un Polonais de 24 ans, pourtant ancien de la Légion étrangère, écrit à son frère « je suis fait comme un rat ».

Moins poignant, mais c’est aussi ça une rafle, notre archiviste a exhumé les factures des chauffeurs de taxi ou loueurs de véhicules qui se sont retrouvés impliqués dans ces rafles.

Il n’y a pas que du sordide dans ces vieux papiers. Pour qui sait lire entre les lignes, on peut y détecter quelques lueurs d’espoir sur la nature humaine.

Actes de résistance à Terrasson ?

En analysant minutieusement les procès-verbaux des gendarmes, Bernard Reviriego, a pu constater qu’à Terrasson, les porteurs de képi ont été particulièrement peu zélés. Aucun Juif n’y a été raflé. Alors que les consignes étaient d’arrêter les malheureux au milieu de la nuit ou très tôt le matin, aux dates précises des 23, 24 et 27 février. A Terrasson, les gendarmes se présentaient plusieurs jours après, bien plus tard dans la matinée et ne trouvaient jamais les personnes recherchées.

Etait-ce un acte de résistance ? Il est difficile de tirer des conclusions si longtemps après les faits. Mais il existe des témoignages de personnes indiquant avoir été prévenues de l’imminence de la rafle. C’est ainsi que sur les 256 noms figurants sur la liste des Juifs à rafler, moins de la moitié, 112 ont été arrêtés.

Parmi ces 112, plusieurs ont pu être sauvés pour différents motifs via une commission de « criblage » qui a pu siéger au gymnase Secrestat.

Sur les 75 qui seront finalement déportés depuis la Dordogne. Un seul survivra. Elias Spielvogel qui réussit à sauter du train en Lorraine.
En mémoire de ces victimes de la barbarie nazie et des autorités vichyssoises, une cérémonie est prévue cette semaine, dimanche à 11h, rue du Gymnase, en présence du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia. 

Bernard Reviriego donnera lui une conférence ce mercredi à 18h à la médiathèque Fanlac de Périgueux. 

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