Après la sécheresse, la grêle, voici venu l'excédent d'humidité. Un facteur supplémentaire qui perturbe l'activité agricole. En ce mois de juin, après des semis de céréales compromis, la récolte des foins est aussi délicate.
Année à foin, année à rien, dit le dicton paysan. L'humidité abondante fait certes exploser la quantité de foin, mais apporte aussi son lot de nuisances : parasites, mildiou, adventices et sols difficiles à travailler. Sans compter qu'un foin qui pousse abondamment n'est pas la garantie d'en récolter en abondance. "L'année dernière, c'était plutôt la course à la quantité, parce que la sécheresse est arrivée vite, donc il fallait vite terminer les foins pour avoir un foin de bonne qualité.
Cette année, c'est plutôt la course à la qualité parce qu'avec l'humidité, on tarde à commencer. Le foin pousse, pousse, pousse, finit par épier (former un épi NDLR) et on n'a pas la météo nécessaire pour pouvoir entamer la saison véritablement," témoigne Antoine Villepontoux, éleveur bovin à Civrac-de-Blaye.
Conséquence, au moment de récolter le foin, certains ont choisi de moins récolter ou d'enrubanner rapidement le foin sous plastique pour accélérer la récolte avant le retour de la pluie. Des choix forcément coûteux.
Garder l'équilibre ou disparaître
Pour les agriculteurs, chaque aléa vient compliquer l'exercice, dans une activité qui joue de plus en plus à flux tendu. Et il faut toujours plus de flexibilité pour pouvoir survivre. "Ce qui pèse aujourd'hui, c'est l'équilibre économique de l'exploitation agricole, l'autonomie alimentaire des élevages du secteur et la production des céréales qui a fortement été perturbée, changée, décalée.
Là, on arrive sur la fin des périodes de semi où globalement tout le monde a réussi à trouver des "plans b" pour compenser cette météo très perturbée, au final pour arriver à maintenir l'activité économique des exploitations, ce qui est la priorité du territoire et l'entrée principale pour le maintien du tissu agricole. Et cette sérénité-là, aujourd'hui, elle est perturbée, elle est fragile" résume Alexis Cornuez, animateur territorial à la Chambre d'Agriculture de la Dordogne sur le Périgord Noir.
Surcoûts et retards
Illustration chez Didier Delibie, un éleveur de Marquay, en Dordogne qui possède un troupeau de 300 bovins. Il a choisi l'autonomie en produisant lui-même son foin et ses céréales pour ses bovins. Mais même avec cette précaution, il reste fragile. "Cette année, on a cinq hectares de triticales qu'on n'a pas pu mettre en place, une partie a été détruite au printemps, l'autre n'a pas été semée, cette année il va nous manquer cinq hectares de céréales, ça veut dire une quarantaine de tonnes de céréales qu'on va être obligés d'acheter". Sans compter que la moindre qualité du foin le force à engraisser ses vaches en stabulation, soit un surcoût de 150 euros par tête, et un retard dans la reproduction.
Prisonniers de la PAC
Il faut donc des stratégies, toujours plus rapides, délicates et vitales pour la survie des exploitations face aux changements climatiques. C'est là qu'arrive un deuxième écueil, le risque de ne plus entrer dans les critères de la PAC pour bénéficier des aides. "Il y a tout un tas de critères, des écorégimes, des rotations de culture, des conditionnalités", explique Alexis Cornuez, "tous ces critères-là font que ça a un impact financier sur les aides perçues au final". On comprend mieux l'exaspération des agriculteurs face aux lourdeurs administratives, au moment où la situation les oblige, justement, à réagir dans l'urgence.