De retour d'un énième ermitage en Himalaya, le moine bouddhiste Matthieu Ricard revient en Dordogne, où vit sa mère. L'occasion d'immortaliser les jeux de lumière de la grotte du Grand Roc et d'exposer ses photographies. Au-delà de leur esthétisme, ses clichés sont pour lui un moyen de s'engager en sensibilisant sur la beauté de la planète et la nécessité de la protéger.
Au milieu des parois calcaires cristallisées par le temps, il se promène, appareil photo à la main. Entre les stalactites de la grotte du Grand Roc, l’habit traditionnel rouge des moines bouddhistes de Matthieu Ricard peut surprendre. L’essayiste, qui est également photographe, est venu immortaliser le travail du temps sur la nature pour un futur projet appelé "Peindre la lumière". L’occasion pour lui d’aborder son rapport à la photographie qu’il voit, au-delà de la simple passion, comme un véritable engagement.
La photographie, un art pour préserver l'environnement
Dans la grotte du Grand Roc, Matthieu Ricard se fascine du spectacle qui lui est offert. Un travail de la nature qui a façonné cet environnement tout au long de l'existence. Les cristaux, la transparence prennent un autre visage avec les jeux de lumière. Une scène dont veut profiter le moine bouddhiste pour la mettre en valeur via sa passion de la photographie.
Moi, je n’invente rien, je ne rajoute rien, je ne fabrique rien, mais j’essaie de mettre en valeur le plus possible ce que me donne la nature.
Matthieu Ricard
"Cette nature éclairée nous offre quelque chose et ce que le photographe fait finalement, c’est de faire chanter la lumière et les couleurs. Extraire toute la beauté qui est présente", considère Matthieu Ricard, sans perdre une miette de l'environnement qui l'entoure. D'où le titre de son prochain projet photographique "Peindre la lumière".
L’histoire entre Matthieu Ricard et la photographie commence à son adolescence, quand il obtient son premier appareil. Très vite, il se passionne pour la nature : "À 12 ou 13 ans, je crois qu’on m’a offert un Foca Sport, c’était le bas de gamme, une marque française de l’époque qui a disparu depuis. On disait toujours : 'Matthieu, il ne faut pas compter sur lui pour les photos de vacances, il prend que des flaques d’eau, des reflets dans les verres, etc.'"
Cette passion se développe au fil des ans. Matthieu Ricard rencontre tour à tour des grands noms de la photographie tels qu'André Fatras ou Henri Cartier-Bresson, qui l’aident à progresser. "Il y a eu surtout beaucoup de photographes de nature que j’ai connus peu à peu et puis au fil du temps, l’œil et la vision s’éduquent, la technique s’affine", explique le moine bouddhiste.
On bénéficie des rencontres en voyant le travail et en écoutant les conseils de grands photographes. Maintenant, à 77 ans, je commence un petit peu à avoir l’impression que je sais ce que je fais.
Matthieu Ricard
À tel point qu’il en sort des livres de photographies, nourris de ses nombreux voyages et en premier lieu, ses ermitages en Himalaya. Mais pas seulement. "Un jour, j'étais en Islande pour faire des photos et un matin, je me réveille sur les hauts plateaux, puis je me dis 'Qu’est-ce que je fais là ?' Parce que ce n’est pas l’Himalaya, ce n’est pas mon monde. Je me suis dit : 'c’est l’émerveillement'. C’est le thème qui me fait aller dans ces endroits, la part sauvage du monde."
De retour en Dordogne, où vit sa mère, l’émerveillement est d’ailleurs le thème du dernier livre photographique de Matthieu Ricard. Mais également des expositions qu’il présentera à partir du 30 avril au festival Clic clac de Montignac-Lascaux et à La Gare, l’espace Robert Doisneau de Carlux. "Il y a un message derrière la notion d’émerveillement, explique-t-il. Cela a été étudié par les psychologues d’ailleurs. L’émerveillement diminue l’attachement au soi parce que tout est plus vaste, cela vous dépasse, c’est plus grand que vous. L’émerveillement, c'est aussi l’interdépendance, vous n’êtes pas enfermé dans la bulle de l’égocentrisme."
En Himalaya, en Inde, en Patagonie, en Islande ou en Dordogne où il travaille sur son futur projet photographique, Matthieu Ricard cherche à immortaliser la beauté de la nature. Pour le plaisir des belles choses, mais pas uniquement. "On respecte ce qui nous émerveille. Vous n’allez pas le détruire. Donc si vous le respectez, vous êtes concerné par son sort. Et si vous êtes concerné par son sort, vous agissez. Dans le cas de l’environnement, un photographe, c’est sa modeste contribution au combat pour la protection de cette biodiversité, de notre maison", raisonne Matthieu Ricard.
Une manière d’inciter à agir pour la protection de la planète de manière positive au moment où, selon lui, "les rapports scientifiques sont presque décourageants tant ils sont alarmants". Un engagement qu'il lie directement à sa passion. Que ce soit au bout du monde où dans les grottes de Dordogne.