Il chante en italien, en hébreu, en français ou en arabe... Antonin Bartherotte a pourtant grandi à la pointe du Cap Ferret, face à la dune du Pilat. L'artiste qui a fait du chemin depuis le groupe "Hangar" a sorti son premier album en solo : "En silence". Et pourtant, il a des choses à dire...
Article initialement publié le 1er juillet 2023.
" C'est ici que sont mes racines. Elles plongent dans le sable et dans l'eau... On est comme sur le dos d'une baleine : ça bouge... " Dans sa jolie cabane, parmi les autres maisons de bois de la famille Bartherotte, Antonin sait son bonheur de vivre justement à cet endroit, préservé au prix de nombreux efforts de son père Benoît. Une bataille gagnée sur cette mer qui fait décidément partie de la vie de l'artiste. C'est ici qu'il a écrit, puis enregistré l'album, derrière les petits carreaux qui donnent sur l'entrée du bassin, rythmé par les marées. Un paysage dont il ne se lasse pas et qui continue de l'inspirer.
Le matin quand je me lève, je n'écoute pas de musique. Je n'ai pas besoin. En revanche, j'écoute le bruit des oiseaux, la mer qui vient et qui s'en va...
AntoninFrance 3 Aquitaine
Avec ses yeux rêveurs, il semble comme sorti d'un livre d'images aux teintes pastel, d'autrefois. Pieds nus et les cheveux au vent, on le découvre sincère à la nonchalance travaillée... Ses chansons parlent d'ici quand il écrit ailleurs en tournée. "J 'écrivais beaucoup sur la mer, le pays. Avec la distance parfois, on voit mieux les choses, on ressent le manque. La musique, encore une fois, me ramenait chez moi".
"En silence"
"En Silence", c'est le titre qu'il a choisi pour son premier album en solo. Pour plusieurs raisons. Parce qu'il a été créé dans le secret, "caché un peu", mais aussi en référence à sa grand-mère, championne de voile . " La mère de mon père était une grande navigatrice."Le Silence", c'était le nom de son bateau". "Et puis aussi parce qu' on manque de silence. Moi-même, je parle beaucoup. Mais j'adore me foutre la paix..."
Parce que le silence c'est la matière première de la musique...
AntoninFrance 3 Aquitaine
Il parle Antonin, mais il écoute aussi. Il se nourrit de ses rencontres avec l'autre, dans ses voyages au bout du monde. Mais des fois, les rencontres se font tout à côté. C'est au Canon, près du Cap Ferret qu'il rencontre des musiciens italiens. Ils lui disent de venir jouer en Italie. " Mais pour ça il faudrait que je parle italien..." C'est ainsi que naît la chanson "Antonino", simplement l'idée du chanteur se présentant en Italien. Le premier titre de l'album.
Voyez plutôt !
Léonard Cohen et la première guitare
C'est tout jeune, alors qu'il revenait en voiture avec sa mère des Pyrénées, qu'il a son premier choc musical. Il est triste et mélancolique de laisser les pentes enneigées et les vacances aussi sans doute. Dans l'auto-radio, sa mère a glissé une cassette de Léonard Cohen. C'est la révélation ! Il demande alors une guitare qui devient son instrument, son objet à lui, dont il expérimente les sons, à l'école du phare au Ferret. Et c'est presque autodidacte qu'il se met à composer et devient le chanteur du groupe "Hangar". Le groupe de copains se réunit autour d'Antonin et Romain Pinsolle, à l'ombre justement d'un hangar, à la Pointe de la presqu'île.
Vous vous rappelez peut-être ce morceau-là...
Ils vivent ensemble un "assez long parcours", deux albums et une histoire d'amitié qui connaît un coup d'arrêt brutal, " jusqu'au jour où ce hangar a brûlé parce que quelqu'un y a mis le feu !" Un épisode marquant pour Antonin qui dit, en plaisantant, " avoir fait vœu de silence". "J'ai été assez traumatisé par cette histoire et je me suis retranché... Je me suis mis derrière et je suis devenu le bassiste des Papooz". Il compose et collabore aussi avec le groupe Polo & Pan.
Ca va mieux, et Antonin commence à accumuler les compositions. En 2017, justement, il publie sur son compte Instagram quelques notes " qui font leur chemin" sur les réseaux.
Ecoutez Antonin raconter raconte la génèse de cette chanson : "Ca fait du bien".
Des mélodies d'ailleurs
" La musique m'a fait voyager... J'ai rencontré d'autres gens, d'autres sources d'inspiration". Avec les Papooz, il fait des concerts notamment à l'étranger, partage les mots et la musique avec ceux qui croisent son chemin. Il en vient même à écrire dans d'autres langues. Selon lui, on en dirait plus dans une langue qui n'est pas maternelle. " J'ai des mélodies qui me viennent d'ailleurs. Et d'un coup, il me faut des mots là-dessus ! Je chante en hébreu, en arabe,... J'ai écrit les paroles avec des gens que j'ai rencontrés dans ces pays-là. Et je me sens parfois plus proche de moi en chantant dans ces langues-là, que dans ma propre langue ! Parce que parfois, on est un peu pudique dans sa propre langue..."
"Ivre mer"
Il y a chez lui, quelque chose chez lui de Nino Ferrer ou Christophe... Une ressemblance bien malgré lui, même si il a eu plaisir à rencontrer Christophe il y a quelques années sur France Inter. Mais parfois ce peut être troublant. Notamment quand il entonne Ivre Mer en perchant haut la voix. La fragilité, l'émotion et ce que chacun peut ressentir en l'écoutant. "Je suis ivre mer. Je suis saoûle Maman. J'ai rien su faire que perdre le temps..." ou encore : "Aide-moi, je suis dans la mer. Aide-moi. Je suis dans la mer".
Car Antonin raconte là un moment particulier qui l'a marqué lui et son amie Victoria, sa "muse" comme il dit. C'est le témoignage d’une baignade en Grèce qui a failli mal tourner. Avec des copains ils vont à l'eau malgré de mauvaises conditions météo... " une tempête" , explique-t-il, "avec des vagues énormes". Avec le recul, il juge leur comportement idiot et dangereux mais voilà, Victoria est prise par une lame et coule à pic. Habitué au surf et aux rouleaux parfois longs et intenses, il descend la chercher et la ramène saine et sauve. Ce soir-là, après avoir fêté un peu trop leur retour à la vie. Il dit à ses amis qu'il est "ivre mer" au lieu de "ivre mort" et il entend quelqu'un dire : " tiens c'est un bon titre pour une chanson..."