Trois jours après leur agression dans le quartier de la gare Saint-Jean à Bordeaux, Yacine et Benjamin sont encore sous le choc. Les coups de couteau qu'ils ont reçus au visage et dans le dos ont à l'évidence un "caractère homophobe" selon eux. Témoignages.
"Le moindre bruit du frigo la nuit nous fait sursauter". Depuis leur agression dans la nuit de mardi à mercredi 2 septembre, Yacine et Benjamin ont du mal à trouver le sommeil dans leur appartement du quartier de la gare Saint-Jean à Bordeaux.► Les agresseurs ont crié "sales pédés" à deux reprises
Mardi 1er septembre, Yacine et Benjamin, 30 ans, ont fêté leurs fiançailles avec deux amis installés à une terrasse de la place Saint-Michel dans le centre-ville. Vers une heure du matin, ils décident de rentrer chez eux, à 20 minutes à pied de là, dans leur appartement situé près de la place Casablanca dans le quartier de la gare Saint-Jean. "Certains soirs, on préfère prendre des chemins de traverse pour éviter certaines rues -comme les filles quand on est homos on préfère éviter les rues qui ne sont pas sûres-, mais mardi soir il n'y avait personne et du coup nous avons pris la rue de Tauzia. On a croisé deux jeunes hommes, entre 16 et 20 ans, visages découverts, qui nous ont lancé "sales pédés" et l'un deux m'a arraché un collier avec un anneau sans valeur si ce n'est sentimentale," raconte Yacine. "J'ai voulu leur répondre mais on a préféré laisser tomber et rentrer chez nous, nous étions à 200 mètres de l'appart. Et puis quand Benjamin a ouvert la porte, les deux hommes nous ont à nouveau agressés en hurlant "sales pédés". Benjamin a reçu un coup de couteau dans le dos au niveau de l'épaule et moi j'ai été attaqué au visage".Au final, les agresseurs ont seulement volé un téléphone portable et un paquet de cigarettes, ils ont laissé le portefeuille, ce qui renforce le sentiment de Yacine du caratère purement homophobe de l'agression.Se faire attaquer au visage c'est très violent. L'agresseur voulait me défigurer. Je suis même certain qu'ils voulaient nous tuer car ils ont essayé de donner d'autres coups de couteau.
► 30 jours d'ITT pour Yacine et 15 jours pour Benjamin
Pour sa balafre au visage Yacine a obtenu 30 jours d'ITT ( interruption temporaire de travail ). Comédien au TNBA (théâtre national Bordeaux Aquitaine ), il s'inquiète de la cicatrisation de son visage qui est aussi "un outil de travail". Quant à Benjamin, qui est barman, la blessure de son épaule lui a valu 15 points de suture externes et 8 points de suture en profondeur. Le médecin lui a délivré 15 jours d'ITT.Le couple a déposé plainte jeudi pour vol aggravé, le caractère homophobe est inscrit sur la plainte mais ce sera à la justice de décider si c'est un élément déterminant de l'agression. Yacine en est intimement persuadé et le couple a pris conseil auprès d'une avocate. Par ailleurs, le représentant local de l'association FLAG! (dont l'objectif est de lutter contre toutes formes de discriminations à l'encontre des gays, des lesbiennes et des personnes transgenres au sein du ministère de l'intérieur et de la justice mais également d'accompagner toutes les victimes) était présent à leur côté lors du dépôt de plainte.
► Une "grande violence" dans le quartier Saint-Michel depuis le confinement
Yacine et Benjamin ont été convoqués au commissariat central pour essayer de reconnaître les deux agresseurs à partir de photos. De source policière, il s'agirait de MNA (Mineurs non accompagnés) étrangers qui sont arrivés en nombre dans le quartier Saint-Michel et de la gare Saint-Jean ces derniers mois. Les deux agresseurs ont suivi leurs victimes depuis la place Saint-Michel jusqu'à leur appartement.Yacine témoigne également d'une violence accrue à Saint-Michel depuis le confinement, avec" l'arrivée d'une nouvelle population, jeune et aggressive, plus personne ne reconnaît le quartier, selon le jeune homme.
Le nouveau maire de Bordeaux Pierre Humic a apporté son soutien au jeune couple dans un tweet posté mercredi : "J'apporte tout mon soutien aux victimes. Nous travaillons depuis deux mois avec la procureure de la République et le préfet de police de Gironde pour répondre à la fois de manière répressive et préventive à cette montée de la délinquance urbaine". Le couple devait être reçu en mairie vendredi après-midi par l'adjoint au maire à la sécurité.Les insultes homophobes et les regards désapprobateurs sont quotidiens.