La bétonisation des sols à Bordeaux réalisée sous l’ère Juppé est-elle à l’origine des fissures constatées ces dernières années sur les vieux immeubles du centre historique ? Des riverains et résidents tirent la sonnette d'alarme.
L'Association des Riverains et Résidents de Bordeaux avait fait bloquer les travaux de la rue de Ruat et de la Rue Poquelin Molière. Elle demande depuis un an, qu'à l'occasion des futurs travaux de réfection de la rue des Piliers de Tutelle, on n'utilise plus de dalle de béton sous les pavés. Une question d'esthétique, mais aussi selon cette association, de sécurité. Les dalles de béton imperméabiliseraient les sols et fragiliseraient les fondations des vieux immeubles bordelais.
Sous les pavés, du goudron
Son président, Stéphane Pusatéri, dénonce une mauvaise irrigation des sols. L’homme, connu pour ses coups de gueule et ses opérations coup de poing, observe les dalles cassées sur la chaussée, sous le poids de la circulation. "Les matériaux sont cassés, sautent. On fait du rapiéçage en mettant un petit peu de goudron !". Il se bat depuis 20 ans contre les aménagements choisis par l'architecte Jean-Michel Wilmotte.
"Ça a commencé en 1999 par la rue Sainte-Catherine, et ça a continué dans les autres rues du secteur sauvegardé. Résultat : on a une imperméabilisation des sols. L’eau ne pénètre plus dans les sols. Les pieux, dans le centre historique, sont millénaires et ils s’assèchent.
C’est comme Venise, c'est une ville qui s’est construite sur les pieux. Sauf que l’eau n’est pas là en permanence et si les pieux s’assèchent, cela fragilise la fondation des bâtiments. C'est pourquoi vous avez, depuis trois ou quatre ans, un certain nombre d’immeubles qui s’effondrent et qui sont étayés.
Stéphane Pusatéri, président de l'Association des Riverains et Résidents de Bordeauxà France 3 Aquitaine
Stéphane Pusatéri dénonce la politique d’urbanisation mise en place sous le mandat d’Alain Juppé : "On a bétonné complètement les sols". Politique, qui aurait, selon lui, participé à l'effondrement d'immeubles, notamment rue de La Rousselle, dans le cœur de Bordeaux. Une hypothèse que conteste l'ancienne majorité municipale.
Hypothèse balayée par l'ancienne municipalité
Pour Michel Duchène, l'ancien adjoint d'Alain Juppé, "les travaux qui ont été menés à Bordeaux ont permis de transformer la ville et de l’inscrire dans des logiques de développement durable. Donc dire que c’est notre action qui a effondré les immeubles, c’est vraiment ridicule !".
Au moment où des travaux doivent être engagés dans la ville, l’association plaide pour un retour à des pratiques anciennes, avec l’utilisation du sable et des pavés.
"Vous avez ici des pavés posés avec des joints de sable" explique Olivier Lescorce, historien du patrimoine.
"Ils permettent au sol de respirer et de ce fait, l’eau peut continuer d’irriguer les pieux de chêne qui tiennent les fondations des immeubles. Quand il y a trop d’eau, il faut qu’elle ressorte, et elle ne peut ressortir que si la rue est constituée avec du sable et des termes matériaux perméables".
Le principe de réalité
La mairie écologiste entend les arguments. Oui pour le sable, mais pas partout. Elle est confrontée aux impératifs techniques pour supporter la circulation automobile, explique Didier Jeanjean, adjoint au maire (EELV) de Bordeaux.
"Dans cette rue par exemple, sur la partie trottoir, on est en effet sur du sable, mais sur la structure qui accueille les camions, les livraisons, les voitures, aujourd’hui, on est encore sur une structure en béton.
On adapte, on ne fait pas comme avant, car cela ne nous satisfait pas, mais on est quand même obligés d’avancer. Cela s’appelle la phase de transition".
D’ici là, le projet est en cours et suit son aménagement initial.