Après la défaite de Nicolas Florian à sa propre succession à la mairie de Bordeaux, retour chronologique sur la première défaite de la droite bordelaise depuis 73 ans. Une immersion dans la campagne électorale jusqu'au soir fatidique du second tour.
C'est l'immersion discrète d'une caméra au cœur des rouages politiques, traversés par une crise sanitaire inédite, qui permet de comprendre ces instants où chaque décision fait basculer l’issue de la bataille.
Des séquences rares captées dans l’intimité des réunions de campagne, des apparitions publiques ou des soirs de scrutin qui permettent de décrypter le chemin inéluctable de cette défaite à laquelle personne ne s’attendait.
Nous avons mené une campagne enthousiaste avec pour seule ambition l’intérêt de Bordeaux.
— Nicolas Florian (@nflorian33) July 7, 2020
A toutes celles et ceux qui ont oeuvré à mes côtés, j’exprime ma gratitude et ma reconnaissance.
Au coeur de la campagne, le réalisateur Nicolas Delage a filmé au plus près l’héritier désigné d’Alain Juppé pendant plusieurs mois, jusqu’au soir fatidique du 28 juin, quand les chiffres définitifs sont tombés, tel un couperet.
Ce n'est pas qu'un film politique mais un film sur les hommes et les femmes politiques.
Un compte à rebours ponctué d'interventions de Nicolas Florian qui se livre face caméra.
A 10 jours du second tour, j'étais à 49% dans les sondages, encore un peu plus confortable et plus serein. Cela a peut-être été là un péché.
Un héritage de poids
Le 14 février 2019, avec un effet de surprise total pour l'ensemble des bordelais, Alain Juppé annonce qu'il quitte la mairie de Bordeaux. "C'est une crève-coeur" confie t'il au bord des larmes confirmant qu’il va démissionner de ses mandats locaux pour rejoindre le Conseil Constitutionnel.
Certainement poussé par «l’esprit public devenu délétère» à l'époque où les gilets jaunes battent encore le pavé bordelais chaque samedi comme partout en France, Alain Juppé met tout à coup fin à son histoire d'amour de 24 ans avec sa ville adoptive. Une rupture brutale en ce jour de Saint-Valentin pour celui qui a écrit "Le Dictionnaire amoureux de Bordeaux".
Après sa décision et au soir de la sortie dans la presse de sa nomination iminente, il prévient Nicolas Florian, alors deuxième adjoint chargé des finances, des ressources humaines et de l'administration générale (de 2014 à 2019), qu'il souhaite le voir à sa succession.
Une page définitive se tourne pour Alain Juppé avec Bordeaux, celle qu'il avait rejoint "pour ne pas avoir été le premier à Rome mais le premier dans le village" comme il le confiait récemment sur notre plateau lors d'une émission spéciale à l'occasion de la sortie de son livre "Mon Chirac, une amitié singulière".
Un autre chapitre s'ouvre alors pour Nicolas Florian le 7 mars 2019, un avénement à quelques jours de ses 50 ans pour celui qui est entré en politique à l'âge de 26 ans.
Repéré par Jacques Valade, premier adjoint pendant plus de 20 ans de Jacques Chaban-Delmas, Nicolas Florian fait ses premiers pas à Villenave-d'Ornon, où il vit depuis l'âge de 6 ans, de 1995 à 2014, en tant que conseiller municipal puis, adjoint du maire. Et c'est en 2014 qu'il intègre la liste conduite par Alain Juppé et entre alors au Palais Rohan.
Incontestablement, Nicolas Florian, c'est une bête politique, il aime la politique, il ne s'est consacré qu'à la politique.
Un premier tour en confiance
L'année qui suit correspond à celle des élections municipales. L'opportunité pour le nouveau maire d'asseoir sa position dans la continuité. Et cette fois, ce sera par le vote des bordelais afin de poursuivre la mission de son héritage et donc, l'ère de la droite. Une belle opportunité aussi d'inscrire son nom après celui d'Alain Juppé et de Jacques Chaban-Delmas.
Et c'est dans cet état d'esprit que la campagne du premier tour se déroule en confiance avec, de surcroît, un soutien de poids, celui d'Alain Juppé.
Un second tour en alliance
Sauf que, au soir du premier tour, Nicolas Florian et son entourage prennent brutalement conscience que les résultats ne sont pas à la hauteur de leurs espérances. Tant en terme de taux de participation qu'en votes recueillis. Ils ne s'y attendaient pas. Changement d'ambiance.
Seules 96 voix séparent Nicolas Florian du candidat écologiste Pierre Hurmic, historique opposant depuis les années Juppé (1995-2019).
[Taux de participation : 36,93% - Nicolas Florian : 34,56% (18 990 voix) - Pierre Hurmic : 34,38% (18 894 voix) - Thomas Cazenave (12,69 %) - Philippe Poutou (11,77 %)]
Alors, sur le conseil de son "mentor" Alain Juppé, à ses côtés ce soir là comme au second tour d'ailleurs, l'heure est venue d'un rapprochement avec le candidat de La République en Marche.
Le bordelais Thomas Cazenave, à la tête du Renouveau Bordeaux 2020, s'est positionné comme le candidat En Marche à Bordeaux. Une candidature légitime, auprès d’Emmanuel Macron depuis 2016 et du Premier Ministre Edouard Philippe en 2017, en tant que délégué interministériel en charge de la réforme de l’État .
Et bien que la bataille du premier tour n'ait pas été d'une grande tendresse entre eux, l'alliance devient inéluctable "même si en politique, 2+2 ne font jamais 4" comme le dit à juste titre Ludovic Martinez dans le film.
L'union pour Bordeaux se crée pour le second tour entre Nicolas Florian et Thomas Cazenave.
On marche vers la victoire !
La crise sanitaire s'est, entre les deux tours, imposée, le confinement décrété, bouleversant de nombreux plannings y compris celui des élections municipales. Le second tour est alors repoussé au 28 juin.
Lors de la reprise de la campagne, les deux colistiers multiplient alors les sorties sur le terrain, dans la rue ou sur les marchés, à la rencontre des bordelais, pour les convaincre de l'efficacité de "cette union pour Bordeaux constituée, avec une équipe renouvelée".
La communication monte en puissance dans les médias et sur les réseaux sociaux.
? Le 28 juin, pour le second tour, je compte sur vous !
— Nicolas Florian (@nflorian33) June 21, 2020
Découvrez le clip de campagne de l'@UpourBordeaux #UnionPourBordeaux #Municipales2020 #Municipales28juin #Bordeaux pic.twitter.com/5JS8UO2SwV
Fin d'un chapitre de 73 ans
En cette belle fin de journée du 28 juin, les tendances qui arrivent des premiers bureaux de vote commencent dangeureusement à contredire les sondages annonçant largement Nicolas Florian gagnant. Le ciel s'assombrit.
Là encore, les résultats ne sont pas ceux attendus, crispant progressivement de plus en plus les visages... C'est un beau dimanche ensoleillé à quelques jours des vacances et le taux de participation à 17H est encore plus bas qu'en mars...
Dimanche #28juin2020
— Préfète de la Nouvelle-Aquitaine et de la Gironde (@PrefAquitaine33) June 28, 2020
2d tour des élections #Municipales2020
Taux de participation en #Gironde à 17h : 28.59% (contre 33.91% au 1er tour) pic.twitter.com/h4bTE81vQS
A 20H34, le premier résutat officiel tombe, celui du bureau de vote proche de l'Hôtel de ville. Et puis...
C'est la dégringolade. On sait rapidement qu'on a perdu. La défaite, on ne l'avait pas envisagée.
Il aura fallu une différence de 1346 voix pour que, après 73 ans, Bordeaux ne soit plus une ville de droite et bascule dans une nouvelle ère, celle du vert avec "Bordeaux respire !" de Pierre Hurmic.
[Pierre Hurmic 46,48% (26 509 voix) - Union pour Bordeaux : Nicolas Florian et Thomas Cazenave : 44,12% (25 163 voix)]
L'explication est assez simple. Quand il y a des vagues, on ne peut pas y résister. La vague verte a deferlé contre laquelle il était difficile d'inverser la vapeur.
Résultats des municipales 2020 : Lyon, Bordeaux, Strasbourg... Une vague écologiste déferle sur les grandes villeshttps://t.co/Lo8qBLz5NE pic.twitter.com/CcosMs1s68
— franceinfo (@franceinfo) June 29, 2020
Trop de confiance, mauvaise alliance, pas assez d'agressivité, vague verte impossible à contrer, journée ensoleillée... Un peu de tout cela peut-être et peut-être d'autres choses. Ou pas.
J'ai eu de l'empathie pour Nicolas Florian et son équipe qui n'ont rien vu venir et qui finissent KO comme un boxeur le soir du 28 juin.
Quoi qu'il en soit, Nicolas Florian dira, ce qui sert de préambule dans le film :
Je n'ai peut-être pas apporté les bonnes réponses. Mais c'est avec conviction qu'on l'a fait.
A chacun et chacune d'avoir son avis sur la question ou de s'en faire une idée dans ce documentaire inédit.
"Bordeaux, l’héritage perdu de Nicolas Florian" à voir ou revoi lundi 13 décembre à 23.50
Un film écrit et réalisé par Nicolas Delage
Une coproduction Antipode / Bento Prod / France Télévisions
52 mn
Diffusion sur France 3 Nouvelle-Aquitaine :
- Lundi 5 octobre à 23.00
- Vendredi 9 octobre à 9.15
Replay : na.france3.fr