Plusieurs associations se mobilisent contre la fermeture annoncée de l'Eclaircie. Ce lieu de vie accueille des femmes en très grande précarité.
C'est un lieu de vie réservé aux femmes précaires. Pour nombre d'entre elles, le site de l'Eclaircie, à Gradignan, est une halte où elles peuvent se poser, seules ou avec leurs enfants, et respirer quelques temps loin des dangers de la rue.
Légué pour venir en aide aux femmes en détresse
Mais pour combien de temps ? Le squat, situé à Gradignan et géré par des associations est menacé d'expulsion par la municipalité. Toutes les occupantes doivent libérer les lieux avant le 1 er juin.
Le lieu, propriété de la Centre d'action sociale et communal (CCAS) de Bordeaux, avait été légué à la collectivité dans le but dans faire un lieu d'accueil pour les femmes en détresse. Le projet est désormais de le transformer ce site d'une vingtaine d'hectares en une zone d'activité, comprenant un groupe scolaire.
"Trouver un toit et y rester"
La perspective inquiète Maria. Originaire du Congo, elle est arrivée en France en 2018. La jeune femme dynamique craint de devoir à nouveau chercher un lieu de vie, et de bringuebaler ses enfants. "Le problème ce n'est pas de trouver un autre logement. On pourra y arriver, mais ce qu'on veut c'est de la stabilité, trouver un toit et y rester pour toujours ", explique-t-elle.
"Ces expulsions, le fait de devoir sortir d'ici… c'est déjà très difficile pour les adultes mais imaginez pour les enfants. La scolarité, la vie sociale… c'est vraiment pas facile pour eux", souffle-t-elle. Dans un français irréprochable, elle fait part de son souhait de trouver un travail dans la communication, le contact avec le public ou encore le social. En dépit des embûches, et de l'échéance du 1 er juin, elle assure ne pas perdre espoir.
Certains, quand ils sont des problèmes, sont affaiblis. D'autres deviennent forts. Moi quand j'ai des problèmes, je deviens forte.
Sa compatriote Nancy est, elle aussi, hébergée dans le squat avec ses deux enfants. Elle ne cache pas sa lassitude et son incapacité à se projeter. "Je ne suis pas stable, les enfants se plaignent. Je n'ai pas le moral, j'ai du mal à parler de mes objectifs. Ce que je veux c'est être régularisée pour pouvoir ensuite trouver un logement", confie-t-elle.
Des profils de plus en plus variés
Comme Nancy et Maria, treize femmes et quinze familles sont hébergées à l'Eclaircie. Mais si elles ont en commun de faire face à une précarité extrême, elles n'ont pas toutes connu un parcours migratoire.
"Il n'y a pas que des demandeuses d'asile, précise Juliette, du collectif Partout chez elles, en charge de la gestion du squat. Le profil des personnes précaires, qui se retrouvent à devoir loger en squat, est vraiment de plus en plus varié. C'est très inquiétant".
On retrouve des 'franco françaises' très jeunes, mais aussi des d'étudiantes qui n'arrivent pas à payer le loyer, des personnes proches de la retraites, trop âgées pour trouver du travail et trop jeunes pour prendre leur retraite.
La militante pointe du doigt la politique de l'Etat, qui, après avoir expulsé, propose des solutions de relogement à très court terme. "L'idéal serait de pouvoir reloger les personnes qui sont ici, mais de garder le site ouvert, car les personnes dans le besoin ne manquent pas", poursuit-elle.
Les derniers chiffres de l'Insee donnent 24 000 logements vides pour 10 000 personnes à la rue. Donc, on ne comprend pas trop l'inaction des pouvoirs en place. Ils ont la possibilité de réquisitionner les logements vides pour les personnes qui sont vraiment dans le besoin et dans l'urgence.
180 squats en Gironde
"La politique d'expulsion menée par les services de l'Etat fait la preuve de son inefficacité, renchérit Jean-Luc Taris, responsable mission squat chez Médecins du Monde en Aquitaine.
Mettre à la rue des centaines de personnes en période de pandémie mondiale, sans proposer de solution de relogement pérennes, c'est rajouter de la précarité à la précarité, et la fragilité à la fragilité".
Médecins du Monde, Partout chez elles, ou encore la Ligue des droits de l'homme se mobilisent pour contre l'évacuation de l'Eclaircie, et alertent sur les risques encourues par les femmes qui y vivent.
Cette politique d'expulsion est coûteuse financièrement, le tout pour un résultat totalement inefficace : les personnes vont repartir dans de nouveaux sites plus éclatés, ce qui occasionne la création de nouveaux squats et de nouveaux bidonvilles.
Selon Médecins du Monde, la Gironde est le département qui compte le plus de squats et bidonvilles en France. On en dénombrerait 180 dans le département, dont 80 sur Bordeaux et sa métropole, soit environ 3 500 personnes.