Des familles avec enfants, installées dans les bâtiments d’une ancienne maison de retraite de Gradignan, vont devoir trouver refuge ailleurs. Le squat doit être évacué d’ici le 10 juillet. Certaines familles et leurs enfants sont sans solution d’hébergement.
Ils viennent du Congo, d’Albanie ou de Géorgie. Et tous ont la peur d’un lendemain sans toit, et le retour dans la rue. C’est l’angoisse de douze familles, 60 personnes pour lesquelles aucune solution n’a été trouvée.
Elles le savent. Dans quelques jours, le bâtiment qu’elles occupent depuis un an sera évacué par la préfecture à la demande du propriétaire : la mairie de Bordeaux.
Le concours de la force publique a été sollicité.
Avec d’autres, elles se sont installées dans cette ancienne maison de retraite à Gradignan. L’établissement, situé au milieu d’un parc arboré, permet aux résidents de fortune de vivre dans des appartements séparés et offre un espace extérieur de jeu pour les enfants.
Le site et ses deux squats, "L’Eclaircie” qui accueille des femmes en grande précarité et “La vie est belle”, abritent 150 personnes.
Des familles et leurs enfants sans solution
La mairie de Bordeaux, qui a pu proposer une solution de relogement pour onze familles, est dans l’impasse pour les douze autres et leurs 25 enfants.
" Je crois vraiment que l’on a fait tout ce que l’on pouvait faire, sur ce squat." martèle Harmonie Lecerf, adjointe en charge de l'accès aux droits et des solidarités à la mairie de Bordeaux.
On est aujourd’hui, en comptant les familles de l’Eclaircie, à 43 ménages mis à l’abri dans notre patrimoine, une centaine de personnes, et dans l’immédiat, on ne peut pas faire plus, car on n’a pas matériellement la place de faire plus !
Depuis plusieurs semaines, les associations se mobilisent pour leur venir en aide. C’est encore le cas ce mardi 6 juillet avec ce rassemblement devant la préfecture de Gironde à Bordeaux.
Si elles reconnaissent l’effort de la municipalité, elles dénoncent dans le même temps, l’absence de réaction des villes de la métropole. Brigitte Lopez, du Réseau éducations sans frontières (RESF) ne dit pas autre chose :
" Nous avons interpellé toutes les mairies qui domicilient les familles qui vivent à Gradignan afin qu’elles offrent un logement avant l’expulsion du site, nous n’avons, à part de la mairie de Bordeaux, qui prend onze familles, aucune réponse positive des mairies de Mérignac, Eysines, Pessac, Villenave d’Ornon et Gradignan. Elles ne logeront pas les personnes à la rue demain".
Cette ancienne maison de retraite, qui appartient au Centre d'action sociale et communal (CCAS) de Bordeaux, avait été léguée il y a près d’un siècle à la collectivité dans le but dans faire un lieu d'accueil pour les femmes en détresse.
"Ce qui se prépare ici à Gradignan, c’est la mise à la rue de dizaines de personnes, de 25 enfants, de femmes d’hommes qui ne vont avoir d’autres solutions que la rue, l’errance, les bidonvilles voire comme toujours un autre squat" s’insurge encore Brigitte Lopez.
Un sentiment partagé par Morgan Garcia. Il coordonne la mission squat au sein de Médecins du Monde à Bordeaux. "Aujourd’hui, comme il y a une dizaine d’années, les expulsions se succèdent sans que les personnes ne soient relogées. Demain, "l’Eclaircie" va être expulsée."
Si les personnes n’ont pas de relogement, elles vont devoir errer à la rue pendant quelques semaines, et peut être se réfugier dans de nouveaux squats.
Harmonie Lecerf, refuse de croire à cette issue: "J’espère que non ! Ce n’est pas ce qu’on envisage très honnêtement ! Ce n’est pas le travail qui est fait avec la préfecture. On envisage une résorption du squat, c’est-à-dire une mise à l’abri des personnes le jour de la sortie du squat. J’espère qu’il y aura des solutions comme cela doit se faire".
L’élue municipale espère que chacun a tiré des enseignements de l’évacuation du squat de Cenon le 11 février 2021. Trois cents personnes dont 110 enfants avaient été expulsés en plein hiver dans des conditions jugées scandaleuses par de nombreux militants associatifs.
Découragement et lassitude commencent aussi à se faire sentir chez les militants
Juliette est porte-parole du Collectif Partout chez elles. La jeune femme qui se bat au quotidien ne voit pas la situation évoluée.
"Le problème, c’est qu’on commence à fatiguer, c’est énormément de travail, d’énergie, on a aussi la répression qui nous tombe dessus."
Là, on commence à en avoir marre de faire le travail de l'Etat. On s’est aperçu que les différentes instances comptaient sur nous pour faire leur travail de plus en plus. On a envie, c’est triste à dire, de les mettre face à leur responsabilité en leur disant : on ne fera plus rien. Vous allez vous retrouver avec des familles à la rue, ça va faire scandale et maintenant, c’est à vous de vous débrouiller vous allez voir.
"Nous, on se démène pour trouver des vêtements de la nourriture faire le maximum et au final ça finit toujours de la même manière par des expulsions !"
Des projets à l'étude
Pour éviter la répétition de ces évacuations, la mairie de Bordeaux envisage de proposer aux associations des bâtiments abîmés qui lui appartiennent.
Par la mise en place de "baux réhabilitation", les acteurs associatifs pourraient y faire des travaux les rénover et les utiliser dans un but social afin d'accueillir des personnes sans-abri. Cette solution pourrait voir le jour dès 2022.
Autre hypothèse sur la table : un observatoire de la vacance. La mairie pourrait proposer à des propriétaires de biens vacants « des occupations temporaires et conditionnées ».
En attendant, le squat de Gradignan va rejoindre la liste des squats évacués dans la métropole bordelaise. Après le départ des occupants, les bâtiments seront rasés pour construire un centre scolaire de 17 classes et d’un gymnase, qui doivent ouvrir à la rentrée 2023.
À quelques heures de l’échéance, et en l’absence de garantie que personne ne dormira dans la rue, les associations demandent à leur propriétaire, la mairie de Bordeaux de ne pas faire expulser le site et de surseoir à la fermeture de "l’Eclaircie".
Il est peu probable qu’elles soient entendues.