Les douches municipales appelées aussi "bains-douches" sont nées à Bordeaux à la fin du XIXème siècle. Retour sur leur histoire dans la région jusqu'à aujourd'hui, devenues véritables piliers d’entraide, dans un documentaire inédit.
Pour certains, "Les Bains Douches" font référence à une mythique boîte de nuit parisienne des années 80 fermée en 2010.
Pour d'autres, c'est un pan révolu de l'Histoire mais pour quelques-uns, cela demeure un lieu d'hygiène au quotidien. Et bien plus encore...
Retour sur l'histoire des douches municipales dans la région, témoins et acteurs des grandes transformations sociales du XXème siècle. Nées à Bordeaux, elles perdurent dans la ville et dans la région, ont évolué et se sont adaptées aux besoins de la société.
L'hygiène : son évolution au fil du temps
A partir du XVIème siècle, l'eau commence à être recommandée pour se laver les parties du corps exposées à l'air seulement. Mais pour le grand public, elle est encore considérée comme dangereuse et source de maladies.
Au fil des siècles et de l'évolution de la société, elle s'intègre au progrès. On reconnait alors à l'eau des bienfaits de propreté. L'hygiène se popularise et devient progressivement un service qui s’impose comme un enjeu de santé publique et de solidarité sociale.
Ainsi, naissent au XIXème siècle les "bains-douches", un service public d’hygiène des municipalités françaises.
Et c'est Bordeaux qui représente le premier ancrage des bains douches en France, l'Aquitaine devenant alors figure de proue de cette révolution sanitaire.
Ces bains privés sont, en un premier temps, l'apanage d'une population élitiste bordelaise. Les notables se pressent et se retrouvent dans ces bains installés place des Quinconces, alimentés par l'eau de la Garonne, pour le plaisir et le loisir de celles et ceux qui ont très vite compris qu'ils étaient source de confort et de bien-être. Jardins suspendus, cafés et terrasses permettent de joindre l'utile à l'agréable pour la bonne société.
L'eau devient à la mode.
Les installations de bains-douches se multiplient alors dans le sud-ouest mais restent encore le privilège de la haute société. Leurs architectures se distinguent et leurs intérieurs sont luxueux et colorés. A Pau, les bains-douches sont inspirés de l'architecture mauresque. A Tulle, ils deviennent les "Bains Chinois" au bord de la Corrèze. La bonne société est alors attirée par la beauté et la modernité des lieux.
En 1822, toujours à Bordeaux, les pouvoirs publics décident de créer une école de natation, trop de noyés étant à déplorer dans la Garonne : les bains de la Grave, une structure flottante sur les rives du fleuve, sont alors ouverts à toutes les classes sociales.
Un enjeu de santé publique
A partir de 1855, les scientifiques, à commencer par Louis Pasteur, révolutionnent à leur tour la médecine en mettant l’hygiène publique à l’ordre du jour. Une véritable prise de conscience que l'hygiène favorise la santé est mise en avant avec le slogan "Propreté donne santé". L'hygiénisme est né, ce courant de pensée prônant une nouvelle approche de l'environnement humain.
Il faudra attendre 1893 pour que les bains douches pour tous soient créés au 21, quai de la monnaie à Bordeaux, offrant enfin la possibilité au milieu ouvrier de pouvoir, à son tour, en bénéficier.
Une démarche initiée par un élu du conseil municipal, Charles Cazalet, fils d'un négociant en vins bordelais particulièrement philanthrope. C'est à lui que la ville devra également les habitations à loyers modérés, les fameux HLM.
Après Bordeaux qui montre l'exemple, c'est Paris qui suivra.
En 1900, après les premières craintes, les bains douches se popularisent et deviennent un vrai succès, particulièrement en un premier temps, auprès de la gente masculine.
En 1918, juste après la première guerre mondiale, l'épidémie de la crise espagnole bat son plein. Les bains douches gagnent alors encore plus en popularité pour s'en protéger. La notion de propreté s'inscrit aussi dans l'appartenance au corps social, incarnant le symbole de la respectabilité.
En 1946, l'hygiène se développe dans les habitations. 25% d'entre elles sont dotées de cabinets de toilettes mais concernent principalement les villes.
Le milieu rural va alors, à son tour, voir les bains douches fleurir dans son environnement comme, en 1959, dans la commune de Chénérailles dans la Creuse.
Entre 1960 et 1970, les habitations collectives se multiplient et les salles de bains font désormais partie de l'équipement. Du grand confort !
La victoire du propre s'impose à ce moment-là.
Au milieu des années 70, les pavillons individuels apparaissent et, avec eux, disparait parallèlement la clientèle des bains douches.
Les bains douches sont alors pratiquement ôtés du paysage public. Ils ont perdu leur utilité au fil des années et se sont ainsi progressivement transformés sur le territoire en cabinets d'avocats, galeries d'art, offices de tourisme, ateliers municipaux ou bien en piscine, comme à Bègles en Gironde. Et la plupart des bains douches de Bordeaux se sont transformés en salles de sport ou de spectacles.
Un film au fil de l'eau et de la région
Pour illustrer l'évolution des bains douches dans la région, Philippe Jamet, le réalisateur du documentaire, s'est basé sur des archives visuelles, dessins, iconographies et films d'époque des bains douches de Bordeaux grâce, notamment, aux archives municipales et départementales. A travers leur histoire, c'est aussi un tour d'horizon de l'histoire de la région qui est proposé : Pau, Bègles, Limoges, Tulle, Guéret, Chénérailles, etc...
Mais, le film s'est aussi intéressé à ce que sont devenus les bains douches de nos jours. Comme à Pau et à Bordeaux.
Les bains douches, une histoire aussi d'aujourd'hui
Pour une population en marge, les besoins d'hygiène en milieu collectif sont toujours bien présents. Alors, certaines villes comme Pau ont décidé de faire machine arrière en ouvrant à nouveau des douches municipales dans lesquelles une partie du documentaire est filmée. Un lieu d'accueil qui voit passer plusieurs types de profil et qui joue aussi un rôle social.
Il y a des gens qui ont besoin de parler. Je suis là pour ça. Ca me plait. Je ne suis pas assistante sociale mais bon...
Marie-Claude, régisseuse des douches municipales de Pau
Le centre Paul Bert, bien plus qu'un lieu d'hygiène
Et puis, il y a aussi le centre social Paul Bert, au cœur de Bordeaux, mis en avant dans le film. Certes, il fournit des équipements d'hygiène mais va bien au-delà, offrant toutes sortes d'activités et de services : espace sanitaire (douches, hammam, soins du corps, coiffeurs), laverie, bar et brasserie à bas coût.. Même une radio FM Paul Bert laissant à chacun sa liberté d'expression.
Un accueil et un accompagnement fondés sur l'hospitalité avec, pour volonté, que cet espace de citoyenneté aide à retrouver les conditions du vivre ensemble.
Et puis aussi...
Des douches solidaires ont fait leur apparition place des Quinconces en juillet dernier, là où tout a commencé... Le concept : permettre aux personnes sans domicile fixe de subvenir à leurs besoins en matière d'hygiène.
L'hygiène, plus que jamais d'actualité
En cette période de crise sanitaire, l’hygiène s'est invitée au quotidien dans l'actualité, clé du protocole sanitaire et des gestes barrières pour se protéger et protéger les autres.
Au quotidien, est inlassablement rappelée l’importance du lavage des mains, l’un des moyens les plus efficaces pour tenter d’éradiquer la transmission du virus. Pouvoirs publics, professionnels de santé, parents, enseignants, et même le président de la République, rappellent inlassablement que ce simple geste est déterminant dans cette lutte contre le virus.
Car, se laver les mains permet de sauver des vies.
Alors, un petit rappel sur l’art et la manière ?
Et pour l'histoire des bains douches, rendez-vous sur notre chaine pour découvrir ce documentaire instructif inédit.
Mais au fait, pourquoi ce film ? C'est la question posée à son auteur et réalisateur Philippe Jamet. Voici sa réponse.
Pour la plupart d'entre nous, prendre une douche est un geste anodin et pourtant, la résurgence du besoin de bains douches municipaux est là. Pourquoi ? Qui les fréquente ? Ce sont deux questions que je me suis posées avant de me pencher sur la biographie des bains publics, pierre angulaire de notre Santé Publique actuelle.
Philippe Jamet
Pour voir un extrait en avant-première, c'est ci-dessous.
- documentaire "Une douche municipale" : lundi 3 février à 22.55 sur France 3 Nouvelle-Aquitaine
Ecrit et réalisé par : Philippe Jamet Production : Grand Angle Productions - Ecrans du Monde Avec la participation du CNC, Procirep et Angoa-Agicoa 52 mn
A voir ou à revoir en replay un mois après sa diffusion sur francetv.fr