La municipalité écologiste de Bordeaux va proposer plus de menus végétariens dans ses cantines. Et cela commence dès la rentrée prochaine.
Davantage de lentilles, de pois chiches, ou de haricots rouges. Les enfants vont devoir s’y faire. Il y aura bientôt plus de couleurs dans les assiettes. La viande et le poisson ne seront plus systématiques.
La municipalité écologiste de Bordeaux en avait fait une promesse de campagne, elle a donc décidé de passer à la vitesse supérieure.
" Il ne s’agit pas d’enlever complètement la viande, mais de rééquilibrer les repas et d’éveiller au goût" prévient Delphine Jamet, adjointe au maire en charge de l’administration générale.
Dès la rentrée prochaine, à Bordeaux, les enfants qui mangent à la cantine, pourront donc choisir tous les jours, entre un menu classique et un menu végétarien. À partir de 2022, ce menu végétarien sera même obligatoire deux fois par semaine.
Une politique dans l’air du temps, portée par le projet de loi climat. De plus en plus de municipalités élargissent leurs offres: certaines par conviction, d’autres, contraintes par la loi Egalim, qui depuis bientôt deux ans, oblige la restauration scolaire à servir un repas végétarien par semaine.
"Pour nous, c’est une bonne chose tant pour la santé de nos enfants que pour la planète ! confie Stéphanie Anfray. La présidente de la FCPE ( fédération des conseils de parents) de Gironde en est convaincue : "On mange trop de protéines animales et pas assez de protéines végétales, de fruits, de légumes. C’est important que les cantines se saisissent de cela, car derrière, c’est toute une éducation au goût. Les enfants peuvent être prescripteurs auprès de familles. "
Des dispositions qui vont dans le bon sens pour Greenpeace. Sylvette Béringuier, milite au sein de l’association environnementale. Elle a participé aux réunions avec les élus et vante les vertus écologiques de cette évolution. "L’objectif, c’est évidemment de réduire les émissions de gaz à effet de serre ".
L’association a d’ailleurs publié une étude en septembre 2020 qui précise les bienfaits d’un tel dispositif : une baisse de 14 à 19 % des gaz à effet de serre, de 8 à 11 % de la consommation d’eau liée à l’agriculture, de 22 à 27 % des importations d’aliments pour animaux d’élevage et donc une réduction du risque de déforestation.
Si le sujet trouve un écho plutôt favorable dans la société, il n’en reste pas moins sensible notamment chez les agriculteurs. Serge Bergon est installé à Galgon près de Fronsac en Gironde. Cet éleveur de la Fdsea, n’est pas farouchement opposé à des menus végétariens, "si en contrepartie", dit il,"on est capable de proposer de la viande de qualité à nos enfants et de la viande proximité. Le bilan carbone doit être global. Car aujourd’hui, on va au moins cher ça veut dire que la viande, elle vient d’on ne sait où avec une traçabilité douteuse".
Un avis partagé par Stéphanie Anfray. " On ne veut pas de produits de l’agro-industrie dans l’assiette de nos enfants".
Une cuisine à part entière
Instaurer une proposition quotidienne et à terme deux repas végétariens obligatoires par semaine ne s’improvise pas et nécessite de revoir ses protocoles.
Delphine Jamet, le sait. Réduire la consommation de viande et de poisson nécessitent de la pédagogie et de la patience. L’élue, qui préside le SIVU Bordeaux-Mérignac, la cantine centrale qui sert 23 000 repas par jour ne dit pas autre chose.
"L'objectif n’est pas de faire de l’industriel, donc si notre cuisine centrale n’est pas en mesure de proposer des plats fait maison en septembre 2022, on reculera de 6 mois s'il le faut"
Car créer de nouvelles recettes demande du temps. Au moins trois mois pour valider, tester et s'assurer des équilibres alimentaires.
" Il faut étoffer notre catalogue et former les agents si on veut faire quelque chose de bien. Le but n’est pas d’acheter des nuggets au blé tous les lundis issus de l’agroalimentaire".
C’est d’ailleurs le souhait des parents d’élèves. Ils conditionnent la réussite de ces repas végétariens à la formation des cuisiniers. Les enfants doivent comprendre ce qu'ils mangent et apprécier.
Les végétaux, ne sont souvent considérés, que comme de simples accompagnements. "C’est culturel en France, il faut apprendre à cuisiner le légume sans la protéine animale et c’est essentiel".
Prévoir des repas végétariens demande aussi de trouver la matière première et de structurer la filière en s’engageant avec des producteurs locaux sur plusieurs années. "Cela induit, par exemple, de déterminer un plan de production locale de légumineuses. Il faut être capable de fournir des tonnes d'aliments" souligne Delphine Jamet.
Bon pour le palais… ET…pour la Santé ?
Certains en sont convaincus. Les menus végétariens manqueraient de protéines, de fer ou de calcium. Manger moins de viande et de poisson aurait un impact sur la santé. Pour les spécialistes, il suffit de manger diversifier et de faire les bonnes associations.
" Un riz seul, n’est pas conseillé, mais servi avec des lentilles et une ratatouille, c’est idéal" affirme Justine Marie. Cette diététicienne-nutritionniste, installée à Blanquefort en Gironde, confirme l’importance de bien équilibrer les repas végétariens pour ne pas avoir de carences. Cela stipule qu'une légumineuse doit forcémént être complétée avec un féculent et un légume. " Nous mangeons trop de viandes. Parfois, pour certains, c’est midi et soir, ce qui n’est pas bon pour l’organisme".
Et Sylvette Béringuier (Greenpeace) de rebondir : "Cela correspond aux désirs des gens. Quand on considère qu’un quart de la population est flexitarienne et que 10 % des 16-25 ans affirment être végétarien, on va dans le sens de l’évolution de la société".
Au regard de la tendance, on se dit que le cordon-bleu a du souci à se faire dans les cantines de Bordeaux. Mais que les enfants se rassurent: l'escalope roulée autour de jambon et de fromage a encore de l’avenir. Pour le moment, la ville affirme ne pas vouloir aller au-delà de deux plats végétariens par semaine.