Bordeaux : une exposition pour questionner notre rapport au racisme

Qu'est-ce que le racisme ? Comment percevons-nous les autres ? Sommes-nous tous racistes ? Une exposition du Muséum de Bordeaux vient questionner notre rapport à l'autre et nous invite à nous questionner sur la construction de nos préjugés.

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C'est une courte vidéo diffusée dans une alcôve. Un travelling sur des tours, une silhouette encapuchée, un plan sur des antennes paraboliques, une femme voilée...  Pas de doute possible pour le spectateur, nous sommes dans une cité : le décor est posé en quelques secondes, et surtout, il correspond à l'imaginaire collectif sur la banlieue. 
En quelques minutes,  des sociologues, anthropologues ou politologues prennent la parole tour à tour pour décortiquer la construction des récits médiatiques. Et questionnent les attentes et les préjugés auxquels ils répondent.

Cette projection fait partie de "Nous et les autres, des préjugés au racisme". Cette exposition du Musée de l'Homme qui se délocalise en Gironde est visible du 11 mai au 5 février 2023 au Museum de Bordeaux, au cœur du Jardin public.

En s'installant à Bordeaux, l'exposition intègre des objets de collections locales (issues du musée d'Aquitaine, du centre Jean Moulin, du laboratoire de préhistoire de l'université de Bordeaux ou encore des bibliothèques bordelaises), tout en gardant le même objectif : démontrer scientifiquement à quel point les préjugés et le racisme découlent du contexte social.

L'exposition se découpe en trois parties. Dans la première, intitulée "Moi et les autres" la scénographie faite de panneaux, de visages et de silhouettes invite le visiteur à se questionner sur son rapport aux autres.

La difficile définition du racisme

"Le cerveau humain est fait pour faire des boîtes et des catégories, note Evelyne Heyer, professeure en anthropologie génétique et commissaire scientifique de l'exposition. "ll y a plein de manières de classer les humains et il n'y en a pas une qui soit meilleure qu'une autre pour le faire : au temps de l'apartheid en Afrique du sud, on classe blanc contre noir. En Europe au XVIIIe siècle, c'était plutôt protestant contre catholique. Chacune de ces manières de catégoriser est subjective, et dépend de la société dans laquelle on vit", poursuit-elle.

Après la catégorisation, vient la hiérarchisation puis l'essentialisation, soit l'idée de résumer l'essence d'un individu à des caractéristiques.  "En faisant ça, on enferme l'individu dans ces caractéristiques", poursuit Evelyne Heyer. 

De la science des races à la Shoah

Ce serait donc ces trois notions, qui, une fois mêlées, aboutissent au racisme. Le concept en lui même se décline à travers les âges. Une deuxième partie de l'exposition, consacrée à l'Histoire, revient sur les politiques racistes et discriminatoires au fil du temps. Avec la colonisation est venue la construction de la science des races, et l'attribution de caractéristiques spécifiques aux "Noirs", ou aux "Jaunes".

Sur place, des crânes exposés et des ouvrages rappellent la théorie de la phrénologie, popularisée au début du XIXe siècle et vite discréditée, selon laquelle des fonctions cérébrales étaient précisément localisées sur le cerveau et visibles sur un crâne. 


En 1853, Arthur de Gobineau publie son Essai sur l'inégalité des races humaines, dans lequel il décrit une race blanche supérieure à la race jaune "médiocre et matérialiste", elle-même au dessus de la race noire, "laide et incapable de raisonnement", et affirme que le métissage "affaiblit la race". Des thèses contestées à la fin du XIXe par l'anthropologue haïtien Joseph Antenor Firmin

La science est toujours imbriquée dans la société dans laquelle elle vit. Les manuels scolaires de géographie des années 30 sont encore imprégnés de ce racisme. Ça ne fait pas très longtemps qu'on commence à penser autrement dans les sociétés européennes

Evelyne Heyer, commissaire scientifique "Nous et les autres"

Un concept quasi universel

Le même mécanisme, catégorisation-essentialisation-hiérarchisation, se retrouve dans toutes les franges de la société, et ces politiques raciales se reproduisent au fil des ans à travers les années, notamment avec la Shoah en Europe, ou le génocide rwandais en Afrique de l'est. 
Le racisme n'est par ailleurs pas propre à l'Occident et se décline dans différentes sociétés, du Cameroun, où les Pygmées en sont victimes, au Japon, qui a pratiqué l'assimilation forcée puis la discrimination envers les Aïnous, sur l'île d'Hokkaidō.

"Le racisme, c'est une fake news qui dure depuis deux cent ans, insiste Evelyne Heyer. Il faut que chaque personne s'interroge sur la manière dont on catégorise les autres. Je suis dans le métro ou dans le tramway, je vois une diversité de gens, et je m'interroge sur mes réflexes". 

Est ce que consciemment ou non, je mets des hiérarchies derrières mes catégories ? Est-ce que je n'ai pas tendance à faire des raccourcis par rapport à leur apparence ? Si j'arrive à expliquer aux gens ces mécanismes, je reste convaincue que chacun est assez intelligent pour en faire quelque chose.

Evelyne Heyer, commissaire scientifique "Nous et les autres"

Source : France 3 Aquitaine

La dernière partie de l’exposition se concentre sur la génétique et les avancées scientifiques.  "Dans l'idée de race, vous avez l'idée de différences anciennes et insurmontables entre les groupes humains, alors que l'ADN nous montre constamment, au contraire, toutes les migrations et les mélanges qu'il y a eu dans l'histoire des populations humaines", rappelle Evelyne Heyer devant un panneau qui établit un point d'étape sur la société française. Les chiffres sont édifiants : les 2/3 des enfants d'immigrés se marient à l'extérieur de leur groupe d'origine, contre seulement 18% des Afro américains. Et parmi eux, ils sont 93% à se sentir français.

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