"C'est essentiel de montrer que nos enfants vont bien !" Constance Demettre veut normaliser les familles homoparentales

Mère de quatre filles conçues par PMA, Constance Demettre est la créatrice du podcast "Les enfants vont bien", qui aborde le thème des parentalités alternatives. Elle a également co-fondé le collectif Famille.s, qui informe et sensibilise sur l'homoparentalité. Portrait d'une femme qui agit pour visibiliser et normaliser ces "familles modernes".

À 41 ans, Constance Demettre est mère de quatre fillettes, élevées avec Aude, son épouse. Elles sont toutes blondes, comme elle. L'aînée est âgée de 11 ans et les triplées vont fêter leurs 8 ans. "Quand vous êtes maman de triplées, vous avez une espèce d'aura", dit-elle, amusée.

Juliette, Apolline, Camille et Emma ont été conçues par procréation médicalement assistée (PMA) en Belgique, un dispositif alors interdit en France pour les personnes lesbiennes. "Quand on a commencé les démarches pour notre aînée, en 2011, on a eu l'impression d'entrer dans une jungle. Personne pour nous guider, très peu d'informations. On s'est demandé si finalement, faire des bébés à l'étranger n'était pas une légende urbaine", se rappelle Constance, qui a porté ses quatre enfants. 

"Un enfant, pour bien grandir, a besoin d'amour et de coquillettes"

Malgré un long chemin parsemé d'embuches, Aude et Constance réussissent à devenir mamans. Mais le début ne fait que commencer. Les deux femmes sont confrontées aux préjugés sur les familles homoparentales et se heurtent souvent au même argument, lancé dans le débat public : "En général, on nous reproche de ne pas savoir ou pouvoir éduquer des enfants et qu'il y aurait forcément un manque. Mais un enfant a juste besoin d'amour et de se sentir aimé, explique-t-elle. J'ai un livre que j'aime beaucoup, qui s'appelle L'éducation approximative, et l'autrice écrit : 'Un enfant pour bien grandir, a besoin d'amour et de coquillettes'. C'est exactement ça !", s'exclame-t-elle en souriant.

Les quatre sœurs sont au courant de la façon dont elles ont été conçues, "dans la limite de ce qu'elles peuvent comprendre, précise Constance. On a été très claires avec elles, en fait c'est un non-sujet car il n'y a pas de zones d'ombres." 

À l'école, les mamans se rendent compte que cela ne pose aucun problème. "On voit que les enfants ne sont pas du tout formatés", affirme-t-elle. 

Quand les amis de mes enfants me demandent si c'est possible d'avoir deux mamans, je leur réponds oui et ils sont ok. En revanche si les préjugés viennent de la maison, c'est plus compliqué

Constance Demettre, créatrice du podcast "Les enfants vont bien"

à rédaction web France 3 Aquitaine

"Montrer que nos familles et nos enfants vont bien"

À force d'entendre cette idée préconçue, selon laquelle elles ne sauraient pas capables d'éduquer un enfant, et constatant que le manque d'information est à l'origine de la peur, Constance Demettre décide de créer un podcast. Elle l'intitule "Les enfants vont bien". L'objectif est simple : raconter son parcours pour informer, sensibiliser, rassurer. 

"Je trouvais essentiel de visibiliser les nouveaux schémas familiaux pour montrer que nos familles et que nos enfants vont bien, d'où le titre, explique la mère de famille. Moi, j'ai grandi dans une famille hétérosexuelle classique, mais complètement dysfonctionnelle. Entre le nombre de pères absents, qui ne prennent aucune responsabilité vis-à-vis des enfants, ceux qui peuvent avoir deux familles en même temps... Qu'est-ce que l'enfant préfère ?", lance-t-elle.

Lancé en 2020, son podcast en est à sa quatrième saison cette année et comptabilise plus de 15 000 écoutes par mois. Elle qui ne pensait réaliser qu'une dizaine d'épisodes, en a finalement diffusé 195.

Cela reste un podcast sur la parentalité, certes très orienté LGBTQIA+, mais les sujets sont adaptés à toute parentalité. Les injonctions de la société concernent tous les parents, comme la pression qui pèse sur les jeunes mères. Faites-vous confiance dans vos choix et votre éducation !

Constance Demettre, créatrice du podcast "Les enfants vont bien"

Si ce podcast est né, c'est aussi pour transmettre les informations et expériences recueillies par le couple au fil des années, afin d'aider les autres personnes dans la même situation. Un podcast également porteur d'espoir selon Constance : "On pense que si on accepte sa sexualité, on est obligé de faire le deuil de sa parentalité. Mais on se rend compte qu'il y a tellement de parcours de parentalités possibles que cela donne espoir."

Attirée depuis toute petite par la parentalité

Un an après la création du podcast, Constance se reconvertit professionnellement. "Un métier étroitement lié au podcast", insiste-t-elle. Après avoir fait un burn-out, alors qu'elle travaillait en tant que cadre dans le management, elle devient doula. Son rôle est de soutenir et d'accompagner les parents, de la conception de l'enfant jusqu'au post-partum, en complément de la sage-femme. Du fait de son expérience, Constance suit en particulier les grossesses multiples et les couples LGBTQIA+.

Depuis toute petite déjà, elle rêvait d'être sage-femme. Une ambition avortée, notamment par ses parents, tous les deux médecins. "Ils m'ont toujours dit de ne pas travailler dans la santé. Comme j'ai baigné dedans toute mon enfance, c'est un milieu dans lequel j'aurais aimé évoluer, mais quand je vois comment les sages-femmes sont mises sous pression... En tant que doula, j'ai vraiment le temps d'accompagner, contrairement aux sages-femmes qui n'ont pas les moyens de le faire", raconte-t-elle.  

De nature discrète, Constance confie que ce podcast lui a donné de l'assurance et de la légitimité dans la communauté LGBTQIA+. "Les gens ont adhéré à ma personnalité et m'ont demandé si je pouvais leur donner des conseils. J'ai toujours été très attirée par la parentalité depuis toute petite et ce métier de soutien, c'est tout à fait ce qui me ressemble", développe-t-elle. 

Se visibiliser pour se normaliser

Mais Constance détient encore une casquette : celle de co-fondatrice d'un collectif, intitulé Famille.s, implanté dans plusieurs villes, comme Lyon, Bordeaux ou Dax. Comme dans son podcast, sa principale revendication est de visibiliser les familles LGBTQIA+ pour les normaliser. Les objectifs consistent également à s'adresser aux professionnels de santé et aux écoles, en leur proposant par exemple des séquences pédagogiques sur l'homoparentalité, mais aussi de réunir les familles. "A la campagne, certains enfants n'ont jamais vu d'autres familles comme la leur", observe-t-elle.

A l'occasion du 17 mai, qui célèbre la journée nationale contre l'homophobie et la transphobie, ainsi que les dix ans de l'entrée en vigueur de la loi pour le mariage pour tous, des événements, comme la Family pride festival, sont organisés à Paris, ce week-end du 20 et 21 mai, par son collectif. L'occasion également, pour Aude et Constance, de fêter un peu en avance leur dix ans de mariage.

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