"C'est l'avenir de nos enfants dont il est question" : la colère de parents face aux professeurs absents

Quatre semaines après la rentrée scolaire, de nombreuses classes de Nouvelle-Aquitaine sont toujours sans professeur. Les élèves ont déjà manqué des dizaines d'heures de cours et les parents s'impatientent. Une situation incompréhensible et tout aussi inconfortable pour les autres enseignants qui tentent de limiter la casse.

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Leurs emplois du temps sont criblés de trous. Depuis la rentrée, de nombreux élèves se retrouvent, certaines heures, sans professeur. Au collège Jean Aviotte de Guîtres, près de Coutras en Gironde, deux classes de 3ᵉ n'ont toujours pas de professeur de mathématiques attitré, ni de remplaçant.

Le brevet des collèges les attend et l'inquiétude monte."On a appris la nouvelle par nos enfants le premier jour. On a écrit deux fois au rectorat, pas de réponse. On commence à être en colère, quatre semaines, c'est beaucoup trop long !", s'agace Delphine Blois, représentante des parents d'élèves. 

Pas de maths depuis la rentrée

La principale de l'établissement a "activé son réseau pour trouver quelqu'un", relate Delphine Blois. Les parents s'inquiètent que leurs enfants se retrouvent face à des enseignants "non diplômés" ou "peu formés" puisque peu de candidats semblent se présenter. "Des enseignants tentent de prendre le relais en accueillant des petits groupes dans leur classe ou en leur donnant du travail à la maison", précise la représentante de la FCPE de Guîtres. 

Pour les élèves qui ne sont pas autonomes ou qui ont des difficultés de compréhension, c'est très compliqué.

Delphine Blois

Représentante des parents d'élèves du collège de Guîtres

Même cas de figure au collège Joséphine Baker de Mios, en Gironde. Deux classes de 6ᵉ n'ont pas encore rencontré leur professeur de mathématiques, d'autres n'ont pas eu un seul cours de français depuis la rentrée. "Le principal avait anticipé en faisant une demande au rectorat le 26 août. Il n'a pas d'infos à nous donner depuis. Il ne sait rien et semble aussi lassé que nous", regrette Alex Persick, dont le fils fait ses premiers pas au collège. 

C'est l'avenir de nos enfants dont il est question. On est très mécontents.

Alex Persick

Parent d'élève du collège de Mios

Lors d'une réunion avec l'établissement, les parents de Mios ont demandé à ce que tous les collégiens sans professeur puissent obtenir, a minima, une heure de cours de soutien par semaine. À l'heure actuelle, ces cours de soutien concernent seulement quatre élèves par classe, tous niveaux confondus.

Sans réponse ni accompagnement de la part de l'Éducation nationale, les familles ont parfois l'impression de devoir trouver elles-mêmes les solutions. Alex, et son voisin Romain, ont décidé de payer "de leur poche" un professeur particulier pour que leurs fils n'accumulent pas de retard et entretiennent leurs acquis. “Il nous a rassurés sur le fait que le début d’année de 6ᵉ est un récapitulatif du CM2. Cela va s’accélérer à la fin du 1ᵉʳ trimestre. Mais c'est fou comme situation, sans parler des journées à rallonge entre les heures de classes, le sport et maintenant ces cours”, indiquent-ils. 

Désemparés, les parents d'élèves ont donc décidé de monter au créneau en réclamant des explications directement au rectorat. Dans les collèges et lycées, les absences inférieures à 15 jours relèvent des chefs d’établissements, au-delà, elles dépendent des services académiques.

La rectrice de Bordeaux et de Nouvelle-Aquitaine leur a répondu le 26 septembre. Par mail, elle assure prendre "bonne note de l'alerte" et mettre "tout en œuvre pour affecter au plus vite un enseignant remplaçant". Des mots qui ne suffisent pas vraiment à éteindre la colère des parents. “On essaie de faire le maximum pour que nos enfants s’en sortent le mieux. Et on a l’impression d’avoir en face des gens qui s’en fichent”, lâche Alex, entre rage et désespoir.

Certaines candidatures pour enseigner des maths au collège de Mios auraient été laissées sans réponse. "Le professeur particulier de nos fils a postulé. Il y a des besoins, cela bloque, mais on ne sait pas pourquoi", s'interrogent Alex et Romain. Face aux questionnements des familles sur les modalités de recrutement des remplaçants, le rectorat de l'académie de Bordeaux répond : "Nous disposons d'un vivier de remplaçants qui sont pour la quasi-totalité des enseignants qui étaient déjà devant des élèves en classe l’an dernier. Nous renouvelons le vivier au fil de l’eau en lien avec l’identification de nouveaux besoins ; toutes les candidatures sont validées par les corps d’inspection."

Des matières davantage touchées

En Dordogne comme en Gironde, les problèmes sont similaires et s'accroissent même dans les zones les plus rurales. Le SNES-FSU estimait que 76 % des collèges et lycées du département manquaient d'au moins un professeur à la rentrée. Plusieurs postes ont été pourvus depuis, mais il reste toujours des manques. "Mardi soir (le 24 septembre, ndlr), il y avait encore 14 annonces sur France Travail pour notre territoire. Elles ne reflètent pas l'ensemble des besoins puisqu'une annonce n'est pas publiée pour chaque poste", détaille Jérémy Destenave, co-secrétaire départemental du syndicat enseignant. 

Pour Jérémy Destenave, le professeur syndiqué au SNES-FSU, l'explication à ses absences non-remplacées résiderait dans deux facteurs : une contractualisation du métier et une crise des recrutements. "Moins de fonctionnaires sont recrutés. On fait appel à des non-titulaires qui n'auront pas peur de dire qu'ils ne veulent pas aller dans certaines villes", développe Jérémy Destenave, en pointant des conditions de travail "de moins en moins attractives". Dans son collège, c'est un professeur de SVT qu'il manque depuis la rentrée. Quatre classes sont impactées.

Chaque année, des classes loupent un à deux trimestres de cours à causes des absences non remplacés. Et après, on nous dit que la France est en mauvaise position dans les classements mondiaux qui évaluent les acquis des élèves.

Jérémy Destenave

Co-secrétaire du SNESS-FSU

Certaines disciplines seraient davantage touchées par les "pénuries" de professeurs. C'est le cas de la physique-chimie, par exemple, mais aussi du français et des mathématiques. Ces deux dernières matières sont éprouvées par la réforme du Choc des savoirs qui a instauré des groupes de niveaux et nécessite plus de personnels. "Les rectorats composent avec les restrictions budgétaires qui sont imposées. Cela pousse les parents à se tourner vers le privé. Le système éducatif public est au bord de la rupture. Comme les hôpitaux, ça ne marche plus", s'inquiète Jérémy Destenave.

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