Groupes de niveau au collège : on vous explique pourquoi cette réforme voulue par Gabriel Attal peine à être mise en place

Ils étaient la nouvelle réforme controversée de cette rentrée. Les groupe de niveaux, rebaptisés “groupe de besoin” par Nicole Belloubet devaient démarrer dans toutes les classes de sixième et cinquième. À la mi-septembre, environ un tiers des établissements auraient mis en place la mesure. Une situation logique pour les syndicats d’enseignants qui militaient pour son retrait

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“C’est complètement à la carte”. Quinze jours après le début des cours, dans les classes de sixième et cinquième, les groupes de besoins risquent bien d’être la notion la plus complexe à comprendre de l’année. Voulus par Gabriel Attal du temps où il était ministre de l'Éducation, ces groupes de “niveaux” renommés par sa successeure “groupes de besoins”, visaient à répartir les élèves, en français et en mathématiques, selon leur niveau. Sur le papier, une hiérarchisation simple : les élèves forts, les élèves moyens et les élèves faibles.

La réalité, elle, semble un peu plus complexe. “Il y a des groupes hétérogènes, des groupes homogènes, mais qui ne sont formés que d'une semaine sur deux, des établissements qui mélangent les deux ou qui ne le font qu'une partie de l'année”, liste, de manière non-exhaustive Charlotte Laizet, co-président de la Snes-Fsu de Gironde et professeure d’histoire-géographie à Floirac. Au final, selon une enquête menée par le syndicat au niveau national, 35,5% des établissements appliqueraient la reforme dans sa globalité. “On est à moins de 50 % dans l’académie”, précise Charlotte Laizet. 

Grain de sable

C’est une petite victoire pour le corps enseignant. Mobilisé de longs mois contre la réforme, ils se réjouissent aujourd’hui de cette liberté. “On refuse de trier nos élèves”, martèle encore la représentante de la Snes-Fsu.

La mobilisation avait d’ailleurs poussé Nicole Belloubet à assouplir la mesure, en imposant ces groupes seulement dix semaines par an. “C’est ce qui a mis un grain de sable dans la machine”, explique Tanguy Dassonville, militant CGT Educ’Action de la Gironde.

Dans le détail, plusieurs facteurs expliquent l’échec de l’application de ses groupes. “Il y a déjà un manque de moyens pour certains établissements, couplé à une pénurie de professeurs. S’il n’y en a déjà pas assez pour des classes entières, on ne va pas créer des petits groupes”, indique la coprésidente de la Snes-Fsu de Gironde. “Dans d’autres établissements, ce sont les professeurs qui ont réussi à faire voter sa non-mise en place, en conseil d’administration.”

Incompatibles avec les pratiques des enseignants

Il y a aussi la gestion de ces groupes , quasi impossible dans certains cas. Charlotte Laizet raconte le témoignage d’une collègue girondine. Dans son établissement, des groupes hétérogènes ont été mis en place, à l’exception d’un groupe d’enfants en difficulté. “Elle avait dix élèves, mais c’était déjà trop ! Certains ne savaient pas écrire, d’autres sont allophones, deux avaient des troubles de l’attention. Avec des groupes comme ça, c’est impossible de pouvoir accompagner chacun des élèves selon ses besoins”, raconte Charlotte Laizet.

Au-delà de la complexité de leur mise en place, les groupes de niveaux ont paru, pour beaucoup d’enseignants, incohérents avec leurs pratiques. “Un professeur sait travailler avec une classe hétérogène, c’est d’ailleurs ce qu’il fait chaque jour, tout en permettant aux élèves de créer un collectif’, indique Tanguy Dassonville.

Si des élèves sont en retard dans les apprentissages, et qu’on les réunit, ils vont de fait aller moins vite que ceux qui ont plus de facilité. Comment pourraient-ils alors rattraper leur retard ?

Tanguy Dassonville,

militant CGT Educ'Action en Gironde

Pire, ces groupes risquaient, selon les syndicats, de pénaliser les élèves en difficulté. “À partir du moment où l’on met une mauvaise note, un point rouge sur un ou des élèves, on sait que l’enseignant a du mal à se détacher d’une mauvaise image du groupe et ne va pas être aussi ambitieux qu’avec les autres, ce qui va forcément creuser des écarts de compétences”, argumente le militant CGT Educ’Action. 

Pile ou face

Côté recto, ces groupes de besoins hétérogènes, semblent même faire leurs preuves. “Ce sont de plus petits effectifs, donc de meilleures conditions pour faire progresser les élèves. Des petits groupes de 20 élèves, c’est finalement ce qu’on demande depuis des années”, rappelle Charlotte Laizet.

Certains collèges ont détourné la réforme en instaurant certes des groupes d’élèves en difficulté, mais en les renforçant. “On a fait des petits groupes, qui vont avoir plus d’heures que les autres, pour réellement leur donner les moyens de rattraper leur retard”, indique l’enseignant au collège Manon-Cormier. 

Au verso, les professeurs ne peuvent s’empêcher de déplorer un déplacement des moyens. “Certes, on a de meilleures conditions en français et en mathématiques, mais c’est au détriment des demi-groupes en histoire-géographie, en langues, ou en sciences, qui ont disparu”, regrette la professeure d’histoire-géographie à Floirac. Autre perte de cette année scolaire : les projets de classes, “impossibles à mener lorsque les classes sont mélangées et divisées en groupes de besoins”. 

Cette année, les groupes de besoins ne concernaient que la 6ᵉ et la 5ᵉ. Ils doivent, selon les tablettes du ministère démissionnaire, s’étendre à la 4ᵉ et 3ᵉ dès l’année prochaine. Reste à savoir si le futur ministre de l’Éducation poursuivra cette réforme, ou ira dans le sens des syndicats, qui réclament encore son retrait total.

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