Le géant du vin Castel a assigné au tribunal Viti 33, un collectif girondins de Vignerons, ainsi que la FDSEA départementale et les Jeunes Agriculteurs. Ils réclament 100 000 € de dommages, à la suite du blocage d’entrepôts, lors des manifestations. Une surprise pour les assignés qui ne s’attendaient pas à une telle procédure.
MIS A JOUR LE LUNDI 22 AVRIL
Ils n’ont pas apprécié les manifestations devant leurs entrepôts. Lundi 15 avril, Castel Frères, un négociant qui commercialise des bouteilles de vin dans le monde entier, a assigné en justice deux syndicats, la FDSEA de Gironde, les Jeunes Agriculteurs ainsi que Didier Cousiney, président du collectif Viti 33.
L’assignation recense cinq chefs d’accusation : entrave à la liberté d’aller et venir, atteinte au droit à la protection du domicile, atteinte à la réputation de la personne morale, dégradation du bien d’autrui et complicité par la provocation à commettre des actes illicites.
Du fumier et des feux
Le groupe met en cause une mobilisation, en date du 28 février devant leur site de Blanquefort qui avait rassemblé une centaine d’agriculteurs. En plein cœur de la crise agricole, les manifestants demandaient alors des prix d’achat décents. “Ils étaient près de cent viticulteurs et une trentaine de tracteurs à, non seulement bloquer l’accès à l’entreprise, mais aussi déverser des tonnes de fumiers, de foin, des pneus et des ceps de vigne devant l’entrée du site et même par-dessus la clôture de l’entreprise”, indique le groupe - par la voix de son avocat - dans l'assignation que nous avons pu nous procurer.
Castel Frères s’appuie sur des vidéos, des photos, mais également des titres de presse relatant la mobilisation du 28 février. Une première plainte avait d’ailleurs été déposée par le directeur de l'entreprise de Blanquefort au lendemain des faits.
Tout le monde sait que le collectif fait des mobilisations dans le respect et la dignité. On n’a jamais détruit quoi que ce soit.
Didier CousineyPrésident du collectif Viti 33
Du côté des assignés, la démarche du négociant surprend autant qu’elle déçoit. “Je trouve que c’est très malvenu au vu de la situation de la viticulture actuelle”, regrette Didier Cousiney, personnellement visé par l’assignation. Le président de Viti 33 regrette une action “lamentable”. “Oui, il y a eu du fumier et du foin de déversé, mais ce n’est pas une catastrophe. C'était le cas partout ailleurs et je ne pense pas qu’il y ait eu des plaintes comme celle-ci”, avance Didier Cousiney.
Atteinte à l'image
Dans son assignation, Castel Frères dénonce, par ailleurs, une “attaque directe ciblée à l’encontre du représentant”, symbolisée par une banderole brandie pendant la manifestation qui lui enjoignait de vendre “son hélico” pour payer “nos tonneaux”. Résultat, l’image de l’entreprise et de son représentant serait donc dégradée depuis cet épisode. “Avec cette plainte, c’est de tout Bordeaux dont on va reparler en mal durant des mois”, souligne Jean-Samuel Eynard, le président de la FDSEA de Gironde.
Si les Jeunes Agriculteurs préfèrent attendre la suite de la procédure avant de s’exprimer, le syndicat départemental regrette une nouvelle “provocation” du négociant, après le refus de la direction, ce 28 février, de rencontrer les manifestants. “Suite à ces manifestations, on vient de débuter un travail historique pour améliorer le fonctionnement de la filière. On se demande s’il n’y a pas une volonté de leur part de torpiller ce travail”, questionne Jean-Samuel Eynard. Le président du syndicat agricole fait ainsi référence à la table ronde, qui s’est tenue le 8 avril dernier, rassemblant tous les acteurs de la filière viticole.
100 528€
Le négociant bordelais demande au total une indemnisation de 100 528€ pour la totalité des “préjudices subis” dont 68 920€ de remise en état, 11608 € de préjudices économiques liés à la suspension d’activité et 20 000€ pour le préjudice d’image.
Si, de son côté, Didier Cousiney demande au groupe de négoce de “revenir sur son assignation”, il assure “faire face jusqu’au bout”. “On n'a pas d’argent, mais je ne baisserai pas les bras”, promet le président du collectif de vignerons. La FDSEA attend, elle, “ce que dira la justice”." Il va y avoir un travail devant les juges pour arriver à des sommes plus réalistes”, indique Jean-Samuel Eynard.
Branche historique du groupe, Castel Frères revendique "vendre 16 bouteilles chaque seconde" et être leader de la distribution de vin en France et en Europe, et le numéro trois dans le monde. Contactée, la direction de Castel a commenté ce lundi 22 avril : "laissons la justice faire son travail", selon Franck Crouzet, directeur de la communication.
Les deux syndicats agricoles ainsi que le président du collectif comparaîtront le mardi 4 juin prochain devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.