À Ambarès-et-Lagrave, en Gironde, le maire tente de désamorcer les tensions autour d'un projet de mosquée. Si lui regrette une instrumentalisation à des fins politiques, du côté de l'opposition, on lui reproche un manque de transparence.
L'opposition est vent debout. Depuis plusieurs mois, des rumeurs autour de la construction d'une mosquée dans la commune d'Ambarès-et-Lagrave, en Gironde, cristallise les tensions. Le 30 septembre, lors du conseil municipal de la rentrée, le maire socialiste, Nordine Guendez, interpellé par les citoyens, officialise le lancement du projet. Il confirme avoir été saisi, en août, par l'association Ibn Siva, d'une demande d'un permis de construire pour la création "d'un centre cultuel et culturel" sur la commune.
Accusé par l'opposition de dissimuler intentionnellement le dossier qui divise, l'élu se défend. "On m'avait sollicité à ce sujet en pleine période électorale, mais j'ai souhaité attendre, car je manquais d'éléments factuels. Je ne voulais pas que cela soit instrumentalisé à des fins de propagande politique", justifie Nordine Guendez.
Une forte demande des citoyens
Selon l'association porteuse de projet, l'objectif "de cet édifice est, d'une part, de permettre aux musulmans de la ville et des alentours de pratiquer leur culte dans de bonnes conditions et d'autre part de rayonner de lumière, de sagesse et de science dans toute la France". Celui-ci, s'il voit le jour, "sera composé, à minima, d'une salle de prière, de salles de classe, d'une salle de conférences, d'une bibliothèque, d'un espace de parking et d'une aire de jeu en extérieur pour les enfants", précise l'association, en ligne.
Si le dossier est toujours en cours d'instruction pour une période "d'au moins cinq mois", le maire d'Ambarès-et-Lagrave parle d'une forte demande dans la commune. "On nous a sollicités à plusieurs reprises en disant qu'il y avait un trou dans la raquette sur la rive droite et un déficit de lieux de culte adaptés à la communauté musulmane, précise Nordine Guendez. J'ose imaginer qu'il y a un réel besoin avéré."
C'est une demande des habitants d'avoir des lieux pour se retrouver et pour pratiquer.
Nordine Guendezmaire d'Ambarès-et-Lagrave
Manque de transparence
L'implantation de ce lieu de culte est pourtant loin de faire l'unanimité au conseil municipal, dans une commune où le Rassemblement national cumulait 47,5% des voix au second tour des élections législatives. Dans un communiqué, Julie Rechagneux, député européen RN et conseillère municipale de Lormont, et Eric Poret, conseiller municipal, membre du parti d'opposition Unis pour Ambarès-et-Lagrave, s'opposent "résolument à ce projet de mosquée qui, en outre, est particulièrement mal placé, en plein cœur d’un quartier pavillonnaire jusqu’ici réputé pour sa tranquillité".
Au-delà du projet en lui-même, l'opposition dénonce surtout l'opacité du dossier et le "manque de transparence" de ses instigateurs. David Poulain, conseiller municipal d'opposition membre D'avancer ensemble pointe une mauvaise stratégie de la mairie. "Toutes les informations, on les apprend de l'extérieur, alors que c'est un dossier très clivant, fustige-t-il. Notre ville a besoin de transparence."
C'est avant la demande du permis de construire qu'il fallait débattre. Là on est mis devant le fait accompli et ça va créer du ressentiment tant chez ceux qui sont pour, que pour ceux qui sont opposés au projet.
David Poulainconseiller municipal d'opposition Avancer ensemble
Des riverains inquiets
Eric Poret, conseiller municipal Unis pour Ambarès-et-Lagrave et candidat aux dernières municipales sous la bannière du Rassemblement national, tient à "abattre certaines contre-vérités". "Nous ne sommes pas contre le projet d'une mosquée, chaque fidèle doit pouvoir exercer son culte en toute quiétude et sans être en danger. Là où ça pose problème, c'est que tout est fait en catimini."
L'opposant critique le manque de clarté de la part du maire, qui aurait démenti les rumeurs d'un tel dossier à plusieurs reprises avant d'acter la demande du permis de construire de l'association sans en informer les riverains. "Le RN s'agite, car sinon le projet serait passé sous les radars. On prend la défense des riverains qui s'inquiètent parce qu'un centre cultuel avec des salles de classe peut devenir une école coranique", peste Eric Poret.
Le Rassemblement national critique également la présence du cheik Abou Omar, "un imam sulfureux passé par des mosquées rigoristes" lors d'une collecte de fonds visant à soutenir la construction de la mosquée. De son côté, l'association Ibn Siva, porteuse du projet, n'a pas souhaité répondre à nos questions, préférant communiquer selon son propre calendrier.
"Dépassionner le débat"
Quant au maire de la ville, il prône l'apaisement. "Le débat doit être dépassionné, argue Nordine Guandez. Si on veut éviter qu'il y ait des associations plus ou moins radicales, il faut faire preuve de discernement et aller investiguer qui est derrière chaque porteur de projet." Des investigations encadrées et régies par le Plan local d'urbanisme. "On va apprécier tous les éléments, précise l'élu. La préfecture est saisie pour que cela s'inscrive dans des zones qui respectent les personnes déjà présentes, l'accessibilité, la sécurité, mais aussi l'honorabilité et le financement du projet dans le cadre du respect des valeurs républicaines."
Dans un courrier adressé aux administrés, l'élu annonce l'organisation, ce samedi 19 octobre, d'une conférence sur le thème "laïcité et pratiques religieuses". "Dans un contexte empreint de défiance, de confusion allant parfois jusqu’au rejet, il me semble nécessaire d’avoir une réflexion apaisée, de combattre les représentations, les fantasmes, en vous informant des règles qui protègent les valeurs républicaines et encadrent la liberté de culte", écrit l'édile.
Permettre un avis éclairé
Pendant deux heures, sociologue, historien et représentants de différents cultes, se succéderont pour permettre "d'élever les connaissances sur ce type de demande et d'expliquer aux habitants le cadre qui permet de protéger des dérives". Parmi les temps forts de la conférence, une table ronde autour de la pratique de la religion dans un état laïque.
"Une piètre opération de communication pour faire avaler la pilule aux habitants" selon l'opposition qui dénonce la présence d'intervenants ouvertement opposés au Rassemblement national. "Ce n'est pas une conférence, c'est un meeting politique", lâche Eric Poret, conseiller municipal d'opposition. L'évènement se déroulera ce samedi 19 octobre, de 10 heures à midi au Pôle culturel évasion, place de la République à Ambarès-et-Lagrave.