Trois surveillants de la prison de Bordeaux-Gradignan en Gironde ont été blessés samedi 31 août lors d'une agression commise par un détenu, la troisième en moins d'une semaine dans cet établissement où la "surpopulation chronique" est régulièrement dénoncée.
Le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan a été le théâtre d’une agression particulièrement violente samedi 31 août, mettant en lumière les défaillances dans la gestion des détenus violents et les conditions de travail du personnel pénitentiaire. L’incident a causé de graves blessures à trois surveillants et a ravivé les appels des syndicats pour des changements urgents. "Cela aurait pu être évité", accuse Hubert Gratraud, délégué FO à Gradignan.
Une agression violente et préméditée
Peu après 10 heures, un détenu connu pour son passif violent a demandé à se rendre en promenade depuis le quartier d'isolement. "Ce détenu, déjà signalé pour des comportements agressifs, était menotté et sous surveillance lorsqu’il a réussi à blesser gravement l’un de nos agents, raconte le délégué syndical. Il avait dissimulé un bout de verre dans un tissu, et il s’en est servi pour attaquer l’agent au visage." L'attaque a causé 17 points de suture à la joue du surveillant et entraîné 10 jours d'incapacité de travail (ITT).
Ce quartier a besoin d'un suivi strict et sérieux avec toutes les informations qui peuvent être à disposition des agents. On aurait pu éviter cette grave agression.
Hubert GratraudDélégué FO à la prison de Gradignan
Les deux autres agents impliqués dans l’intervention ont également été blessés : l'un a subi une entorse au genou avec 7 jours d'ITT, et l'autre une entorse au poignet avec 3 jours d'ITT. Hubert Gratraud regrette une agression prévisible. "Ce détenu montait en violence depuis plusieurs jours, car il n'arrivait pas à joindre les conseillers d'insertion, et les signes étaient là. Nous pressentions qu’il allait passer à l’acte."
Des défaillances dans la gestion des détenus
Le délégué syndical pointe du doigt l'absence de gestion spécifique pour le quartier d'isolement qui accueille fréquemment des détenus violents. "Il est impératif d’avoir un premier surveillant dédié exclusivement à ce quartier pour éviter la perte d’informations cruciales dans les roulements d'agents, détaille-t-il. Le gradé qui a été blessé était un premier surveillant de roulement, sans la continuité nécessaire pour suivre de près les détenus à haut risque." Selon lui, la défaillance dans la communication et le suivi ont grandement contribué à la gravité de l'incident.
Tout le monde avait signalé ce détenu, mais rien n’a été fait.
Hubert GratraudDélégué FO à Gradignan.
Cette nouvelle agression survient après une autre, survenue en début de semaine. "J'ai trois agents au tapis", regrette Hubert Gratraud. Les syndicats réclament une meilleure organisation et une surveillance plus rigoureuse des quartiers sensibles pour prévenir de telles tragédies.
Les revendications des syndicats
Les syndicats, notamment FO et UFAP-Unsa, réclament des réformes urgentes pour améliorer les conditions de travail et la sécurité des surveillants. Hubert Gratraud insiste sur la nécessité d’un "brigadier-chef, en permanence avec les agents, pour gérer les quartiers d’isolement et disciplinaires". Il précise : "Le personnel a besoin d’une direction constante et spécialisée pour éviter des situations comme celle-ci."
Interrogé par l'AFP, Ronan Roudaut, secrétaire local de l'UFAP-Unsa, dénonce également les conditions de travail dans un contexte de "surpopulation chronique et de manque de personnel". "Cela fait trois agressions dans la semaine, on ne va pas compter nos collègues tombés sur le terrain sans réagir. On joue avec la vie des gens." Les syndicats appellent également à remplacer les tenues pare-coups vétustes : "Certaines parties des jambières ou des casques sont assez vétustes et ne permettent pas de protéger les agents durant des bagarres", pointe Hubert Gratraud.
Une surpopulation endémique et ses conséquences
Le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan est depuis longtemps critiqué par les syndicats pénitentiaires pour sa surpopulation malgré l'inauguration, en mai, d'un bâtiment neuf. En juillet 2024, l’établissement comptait 893 détenus pour une capacité de 539 places, atteignant une densité de 165,7 %. Un rapport de 2022 de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté avait qualifié les conditions de détention de "particulièrement indignes".
"Avant-hier, on a encore écroué sept détenus, on ne s'arrête pas", fulmine Hubert Gratraud. Et la nouvelle structure n'est pas totalement prête. Elle n'est pas encore en mesure d'accueillir tous les détenus qui sont alors dirigés vers le bâtiment principal. "Tous les profils à risque retournent sur l'ancien bâtiment, donc on y gère les profils les plus compliqués", précise le syndicaliste FO.